La veille de l'Aïd, deux femmes, avec respectivement deux et trois enfants en bas âge, ont été interceptées, aux environs de minuit, sous les arcades de la rue Larbi Ben M'hidi par une équipe mixte composée de la DAS, la sûreté urbaine et un groupe médical dont une psychologue. Après enquête, il a été mis en évidence que ces deux femmes s'adonnaient à la mendicité en utilisant des enfants, qui, de surcroît, n'étaient pas les leurs. Ce que confirmera d'ailleurs, Rahim Djamel Eddine, qui tiendra à préciser: «Il s'avère maintenant que certains mendiants utilisent des enfants, parfois loués à des familles de statut modeste et dans le seul but d'attirer la compassion des passants.» M. Medjahed, psychologue, précisera: «Suite aux enquêtes de terrain menées par mes stagiaires, les enfants handicapés, aveugles ou présentant une anomalie congénitale seraient considérés comme étant des atouts utiles à la mendicité et leur location quotidienne auprès de leurs familles serait donc plus élevée que celle pour un enfant dit normal.» Sur un échantillon de 189 enfants, ils sont 132 garçons et 57 filles dont l'âge varie entre 10 et 16 ans. 32% de ces enfants n'ont guère dépassé le niveau primaire alors que 13% seulement ont atteint le moyen. 60% de ces enfants dorment dans des lieux publics et 63% d'entre eux disent «regretter le foyer parental». Amira, une fillette de 16 ans, au visage déjà usé, dira pour sa part: «Je vis de mendicité et je n'ai plus le souvenir d'avoir dormi sous un toit, depuis que j'ai quitté la maison de ma marâtre.» Le choix des sites n'est pas fortuit. En effet, certains axes à Oran sont devenus très prisés par les habitués de la mendicité, jusqu'à devenir partie prenante du décor à certains endroits. Les feux tricolores près du lycée Lotfi, ceux de l'hôtel Sheraton, la rue Larbi Ben M'Hidi sur toute sa longueur ainsi que de multiples entrées de pâtisseries et autres commerces, les bars entre autres, sont devenus des endroits très prisés par les mendiants, toujours accompagnés d'enfants. Au niveau des feux tricolores cités, la place est quotidiennement négociée entre spécialistes de la manche aux discours bien rôdés et les nouveaux venus, étant généralement indésirables. Un numéro vert seulement pour la capitale Un décret exécutif portant sur la création du SAMU Social pour les wilayas de Bechar, Ouargla, Oran, Constantine et Alger a été promulgué. A l'heure actuelle, seul celui d'Alger a pu voir le jour, le 1527, un numéro vert permet aux citoyens de contacter l'équipe du SAMU social, pour tout renseignement ou pour dénoncer tous les cas de violence sur les femmes et enfants. Pour Oran, sans numéro vert et sans moyens, seule la volonté des équipes de la DAS qui insistent pour maintenir le projet du SAMU Social se disent «prêtes à beaucoup de sacrifices pour que le projet aboutisse». Un nouveau dispositif fait actuellement l'objet d'une attention très particulière de la part de la direction de l'action sociale et ce n'est pas le GNL16 et ses 4.000 invités de marque attendus à Oran en avril 2010, qui en seraient la raison nous confirme-t-on. Même si les moyens font défaut, Rahim Djamel Eddine, directeur de la DAS d'Oran y croit et soutient que «si l'on ne fait rien maintenant et tout de suite contre ce fléau de mendicité qui s'est professionnalisé jusqu'à utiliser des enfants à des fins répréhensibles, il nous sera impossible de le faire plus tard». Difficile d'appliquer la loi Promulgué à la fin de l'année 2008, un amendement fait état des dispositions du code pénal traitant du délit de l'utilisation des enfants dans la mendicité. Il est aussi stipulé que «est passible de peine d'emprisonnement de 1 à 6 mois, assortis d'une amende, toute personne qui s'adonne à la mendicité via l'utilisation des enfants». L'application de la loi reste toutefois tributaire des sentiments et autres traditions qui pousse notre société à mal accepter la mendicité comme un délit. Pour le directeur de l'action sociale, la prévention et la sensibilisation restent les meilleurs outils pour combattre un tel fléau. En l'absence d'enquêtes à grande échelle sur le phénomène de la mendicité liée à l'utilisation des enfants, aucune statistique fiable ne peut permettre d'avancer un quelconque chiffre qui permettrait d'apprécier l'ampleur du phénomène. En 2006, une étude menée par une association de la protection de l'enfant, faisait état de 300.000 enfants victimes de violences ou contraints à exercer une activité physique. Il serait bon de croire aux 20 millions de dinars annoncés pour 2009 par le Ministre de la solidarité nationale pour mener une large enquête à l'échelle du pays pour identifier les réseaux liés à la mendicité et à l'utilisation d'enfants pour ce faire. Certains députés ont même interpellé le ministre à ce propos et alors que 2009 touche à sa fin, les enfants de l'avenue Larbi Tébessi, ex-Loubet sont toujours là, en groupes, à inhaler de la colle à l'effet ravageur et aux séquelles irréversibles et ce bébé qui sommeille dans les bras d'une femme, aux feux tricolores de la rue Mohamed Khemisti, ne semble pas avoir grandi, après tant d'années de souffrances qui ne valent, en fait, qu'une petite pièce que l'on donne le temps d'un passage pour apaiser sa conscience.