En juin dernier, après l'arraisonnement par les gardes-côtes de trois unités de pêche turques à Annaba, le propriétaire du navire El-Djazair, l'armateur, et son partenaire turc avaient déclaré «avoir échangé 210 tonnes de thon rouge». Théoriquement, l'armateur algérien devait avoir, par ses propres moyens, pêché cette quantité sur le quota accordé en 2009 par l'ICCAT à l'Algérie, soit 800 tonnes pour le pavillon national et 224 tonnes pour le pavillon étranger dominé exclusivement par les Japonais. Selon la note d'observation édictée par le MPPH, les allocations (quotas) sont tributaires du «niveau de consommation et/ou de rendement de chaque équipage, lequel rendement est également fonction des paramètres tels que les zones de pêche, la température de l'eau ou les conditions climatiques. Ainsi, si les quotas ne sont pas consommés par les navires de pêche auxquels ils ont été attribués, quotas évalués à hauteur du niveau de non consommation, ceux-ci seront reportés sur les navires ayant un rendement dont l'efficacité est plus importante». Le directeur de la Pêche et des Ressources halieutiques, Kamel Allam, inculpé et poursuivi par la justice pour avoir laissé faire la transaction, avait auparavant catégoriquement refusé la «demande de transfert» introduite par l'armateur algérien. Dans sa réponse au courrier transmis par l'armateur, le responsable du MPRH, et en se référant à l'engagement n°04/374/DPMO/MPRH daté du 9 août 2009 et pris par l'amateur, lui avait refusé tout transfert du produit hors du territoire algérien. «J'ai le regret de vous informer que vos demandes de notification de transfert son rejetées», avait-il écrit. Plus loin, le responsable avait dans sa missive indiqué à l'armateur: «Les journées de pêche que vous avez effectuées ne peuvent être comptabilisées» pour des raisons liées, entre autres, à «l'absence de contrôle par les services concernés, tel que convenu, du produit pêché» et du «transfert vers un remorqueur étranger non autorisé à participer à cette opération». L'armateur algérien n'avait pas indiqué ses «rapports de position» comme il n'avait pas communiqué au CNOSS les rapports d'observation qui ont fait ressortir une «localisation de vos navires en dehors des eaux sous juridiction nationale». L'armateur avait omis d'embarquer à bord -comme de coutume- un agent de la SNGC. Seul l'agent relevant du MPRH, un dénommé M.L., avait embarqué à bord. Pour rappel, le secrétaire général du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH), Boudamous Fateh, et le directeur de la Pêche, K. Allam, ont été entendus récemment par le juge d'instruction près le tribunal d'Annaba lors d'une confrontation. Le juge a convoqué également deux autres cadres du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques ainsi que l'armateur algérien. Les bateaux turcs, deux remorqueurs et un bateau ravitailleur, étaient censés venir prendre livraison d'une pêche faite par des thoniers algériens. A la demande des Turcs et de leur ambassadeur qui a pris la peine de venir s'informer à la source sur les tenants et les aboutissants de cette affaire, une caution de 67 milliards de centimes a été fixée pour récupérer les bateaux, mais ils ne pourront être libérés qu'après la qualification de l'infraction: contrebande ou infraction à la réglementation des pêches. Pour l'instant, chacune des deux parties rejette la balle sur l'autre. Mais qu'en est-il exactement? Selon les documents en notre possession, la faute n'incombe nullement au directeur des pêches maritimes et océaniques, Kamel Allem, aujourd'hui suspendu de ses fonctions par le SG du MPPH. Celui-ci, et selon les documents, avait dès le départ avisé de la présence des thoniers turcs en Algérie. Il avait même informé le SG de la présence du navire Akuadem 2 comme le prouve la correspondance en date du 28 mai 2009 adressée au commandant du CNOSS et portant mise en œuvre du VMS relatif à la surveillance des navires: «Dès la mise en œuvre progressive du système VMS et à travers la visualisation des navires de pêche, il est apparu un navire de pêche turc dénommé Akuadem 2. Ce navire serait un navire de pêche de thon, enregistré de surcroît sur le registre des navires ICCAT». Le directeur de la Pêche maritime avait demandé au commandant de la marine de faire procéder à un contrôle du navire «in situ et in visu». Selon M. Allam, une correspondance avait été également adressée au SG du MPPH en vue de «saisir les gardes-côtes». «Mais devant la passivité déconcertante du SG durant une semaine, indique Kamel Allam, et dans le souci de défendre les intérêts du pays, j'ai pris sur moi-même de saisir directement les gardes-côtes et le directeur de la Marine marchande.» L'alerte a débouché aussitôt sur une réaction immédiate des gardes-côtes qui ont permis l'arraisonnement des bateaux actuellement saisis. Le 26 mai dernier, la direction de la Marine marchande relevant du ministère du Transport transmet un courrier au chef de département des affaires maritimes du MPPH, l'informant de la présence dans les eaux sous juridiction nationale de navires de pêche de types thoniers battant pavillon étranger. La note indique que la présence de navires étrangers «risque de porter préjudice à l'Algérie par rapport aux déclarations faites par le secteur de la pêche auprès de l'ICCAT et qui n'inclut aucun navire battant pavillon étranger à l'exception des 7 navires japonais autorisés pour cette année». Le directeur de la Pêche réagit aussitôt par courrier en date du 31 mai, document dans lequel il informe le représentant de sa tutelle de sa disponibilité à collaborer et à traquer tout mouvement suspect de navire étranger. «Je vous saurai gré de m'indiquer les noms et indicatifs internationaux des navires de pêche de thon étrangers ainsi que leurs positions actuelles afin de me permettre de transmettre cette information et répondre ainsi aux exigences de déclarations auxquelles nous sommes astreints en la matière auprès de l'ICCAT», écrit-il dans son courrier.