La Turquie vient de joindre le geste à la parole puisque les archives de la période ottomane viennent d'être remises par les autorités de ce pays à leurs homologues algériennes, a révélé hier le directeur des Archives nationales, M. Abdelmadjid Chikhi. «La promesse des responsables turcs de remettre, à l'Algérie, des archives relatives à la période ottomane, à chaque fois réitérée, connaît un début d'exécution, avec la remise récente d'archives d'une rare valeur», s'est-il réjoui, en marge du symposium de deux jours organisé par les Archives nationales sous le thème «L'Algérie durant la période ottomane: les relations politiques, économiques et culturelles». M Chikhi a précisé que, conformément à l'accord de 2004, des documents parviennent en Algérie au fur et à mesure de leur disponibilité. Mieux encore, il a déclaré que son homologue turc lui a promis de remettre «la totalité» des archives relatives à cette période, une fois qu'elles seront numérisées. Voilà une bonne nouvelle qui montre le souci des Turcs de jouer franc-jeu avec l'Algérie pour rehausser un peu plus les relations déjà très bonnes entre les deux pays. Ce geste ne manquera pas, en effet, de renforcer la confiance entre deux Etats décidés à solder les comptes de leur passé commun dans la sérénité pour mieux entrevoir l'avenir. A contrario, la disponibilité de la Turquie tranche avec une attitude frileuse et parfois hostile de la France à restituer les tonnes d'archives algériennes qu'elle garde jalousement dans ses coffres-forts. A ce jour, la France reste rétive à la remise des archives de la longue nuit coloniale, malgré les nombreuses sollicitations des universitaires, des historiens et, bien sûr, des autorités algériennes. Le directeur des Archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, avait déclaré il y a quelque temps que la France «n'accepte pas encore de collaborer à ce sujet». Motif. Paris invoque une disposition de loi imposée après la colonisation stipulant que «l'Algérie est une terre française et donc l'administration ou encore les employés étaient Français». Et pour confirmer l'absence de volonté de la part de la France de mettre en lumière ces archives, une loi rendant «incommunicables» les archives de la guerre de libération a été adoptée l'année dernière. Ce tour de vis a été déjà annoncé par la directrice des Archives de France, Martine de Boisdeffre, qui a déclaré que les archives de la période coloniale «appartiennent à la France et que les autorités algériennes n'ont aucun droit de récupérer les originaux». L'historien Benjamin Stora a mis l'accent, dans une tribune publiée par Libération, sur le fait que le problème de la restitution des archives d'Algérie «n'est toujours pas réglé». Il a précisé qu'après l'indépendance de 1962, une grande majorité des archives a été emportée en France et déposée au centre de recherches d'Aix-En-Provence. Stora précise que puisque l'Algérie «c'était trois départements français et non pas un protectorat», ces documents - qui traitent de l'urbanisme ou de la surveillance des partis algériens, de l'organisation de la vie dans les campagnes ou des opérations militaires menées par l'armée pendant la guerre d'Algérie - sont considérés comme des archives de souveraineté par la France». C'est donc un secret défense qui frappe les archives de la guerre d'Algérie. Il y a, cependant, des petits pas positifs qui sont faits. A commencer par l'accord conclu, l'année dernière, prévoyant la restitution d'un fonds constitué de mille trois cents (1.300) documents sonores retraçant l'histoire de l'Algérie de 1939 à juillet 1962, et signé à Alger par Emmanuel Hoog, président directeur général de l'INA, et Azzedine Mihoubi, directeur général de la radio algérienne. Deux cents (200) premiers documents ont été remis symboliquement lors de la signature de l'accord. Une année auparavant (2007) un premier accord avait été signé entre l'Ina et l'ENTV, portant sur la restitution des images conservées par l'Ina retraçant l'histoire de l'Algérie depuis la Seconde guerre mondiale jusqu'en 1962. Cet accord a été qualifié par l'INA d'«exceptionnel», puisqu'il représente «un acte fort et original de transmission et de valorisation d'un patrimoine commun». Mais les documents papiers se font encore désirer… Pour les observateurs, la cause est entendue : les autorités françaises veulent continuer à monnayer la remise de ces tonnes d'archives contre des contrats juteux en Algérie. Il va de soi que ces archives qui constituent des pièces à conviction de ce qu'était la longue nuit coloniale seraient en porte à faux avec la nouvelle religion de l'Hexagone fondée sur de prétendus «aspects positifs de la présence de la France» dans ces anciennes colonies.