A chaque fois que ça n'allait pas, ou qu'il semblait que ça n'allait plus, ou que ça n'irait plus, on se pressait de sortir le concept de crise avec la conviction que le simple fait de le citer vaut toutes les argumentations possibles. On parlait de crise politique, de crise de légitimité, de crise économique, de crise financière avant le bond effectué par le cours du baril de pétrole, de crise sociale, de crise culturelle, et même de crise des constantes alors que cette dernière avait été rejetée par feu Boudiaf qui préférait plutôt le concept de crise des valeurs. Il est bizarre tout de même qu'on ne parle plus de crise alors qu'on disait même que celle-ci est multiforme c'est-à-dire qu'elle concerne tous les domaines, tous les secteurs. On ne parle plus, ni de la crise, ni des crises. On ne qualifie aucune d'elles. Tout le monde a oublié jusqu'au rappel qu'il n'y a pas longtemps encore, on ne parlait que de ça. Plus de crise (s) alors ? On n'en parle pas, parce qu'il n'y en a plus ou parce qu'on s'en est lassé d'en avoir trop parlé ? Si on n'en parle plus, si on n'en fait plus un phénomène d'investissement politique, il n'est donc plus question de sortir de la crise, ou de chercher à savoir comment en sortir. Plus question d'investir dans la sortie de crise ? Pourquoi alors des élections ? Sortir de quoi alors ? Crise politique ? Ouyahia disait déjà que dès lors que les élections se tiennent, que les partis politiques s'y présentent, que les populations y participent, les ingrédients d'une crise politique n'existent pas. S'il n'y a pas de crise politique, il s'ensuit qu'il n'y a pas de crise de légitimité. L'opposition n'aura donc pas à placer le débat sur ce point précis, puisqu'on ne parle plus de crise politique S'il n'est plus question de sortir de quelque chose, il n'y a plus rien à exiger du pouvoir, et il n'est pas, par conséquence, question d'accorder la victoire à l'opposition puisque grâce au pouvoir, il n'y a plus de crise, l'opposition elle-même ne disant plus qu'il y en a une. Le pouvoir n'est donc plus contraint d'en parler ou de dire ce qu'il faudrait faire pour en sortir. Ceci revient alors à dire que le pouvoir n'a pas à être évalué sur les progrès de l'action de sortie de crise. Il n'a pas du tout, selon ce point de vue, à être forcé de présenter une déclaration de politique générale, sauf s'il doit lui être demandé de dire quand même quelque chose. D'ailleurs, le précédent gouvernement ne s'était pas estimé en devoir de présenter une déclaration ou même de faire son bilan. Peut-on faire un bilan quand la crise n'existe pas et qu'il n'y a pas donc à s'en faire pour sortir de quelque chose qui n'existe pas ? Bachir Medjahed