Les voyageurs qui avaient pris places à bord de l'autocar reliant Mostaganem à Oran ne sont pas près d'oublier la mésaventure vécue avant-hier lundi, peu après avoir dépassé la commune d'Ouréah, petite plage située 7 kilomètres à l'ouest de Mostaganem. Le véhicule de transport marque un arrêt non prévu sur son itinéraire. Juste derrière un autre car appartenant à la même société. «Mais que se passe-t-il?» s'interrogent les passagers, stupéfaits. Leur interrogation ne reste pas longtemps en l'air… Les passagers du car immobilisé devant les rejoignaient. Beaucoup ne manquent pas alors de manifester leur colère à l'exemple de cette vieille femme qui, comprenant déjà le manège, ne se retient pas. Elle marmotte en souhaitant toutes les malédictions au chauffeur et son receveur. Le vieux B. Abdelkader, qui s'est placé debout à côté de moi, m'explique: «C'est une scène que nous vivons fréquemment. Le chauffeur, depuis avoir quitté la gare, ne s'est pas arrêté de râler, insatisfait de sa ‘cargaison'… Comme il n'a pu bourrer son véhicule, il nous ‘jette' ici. Pour lui, c'est une perte de faire le trajet Mosta-Oran avec seulement 20 passagers. Et arrivé à Ouréah, il a commencé à simuler des maux de tête en nous annonçant qu'il ne peut nous conduire à Oran.» Les voyageurs ont été «entassés» ainsi et la car a repris la route. Le voyage dans ces conditions est pénible. Surtout pour certains. Le même B. Abdelkader me dit: «Mon frère est dans le coma et j'ai franchement peur de ne pas arriver à temps à l'hôpital pour le revoir vivant et lui parler une dernière fois!» Et alors que tout le monde pensait fini leur calvaire, l'autocar s'immobilise encore une fois sous le pont de Mers El-Hadjadj. «Tout le monde descend!» lance le receveur. Cette fois, c'est à cause d'une crevaison. Les passagers s'exécutent sans rechigner. Une dame murmure: «Chah fikoum, hadi daâwatna!» (Bien fait pour vous! Notre malédiction se matérialise). Et ce qui est navrant c'est que, après le changement de la roue, le car a redémarré sans que le chauffeur ni le receveur ne se soient excusés auprès des voyageurs. Ce n'est pas fini; arrivés arrivé aux Castors à Oran, le car s'arrête à un feu rouge. Là, le receveur lance: «Que celui qui veut descendre se presse avant que le vert ne s'allume!» C'est là le récit d'un voyage par car qui montre à quel point le citoyen ne se fait plus respecter. C'était le cas au retour quand le chauffeur du car qui conduisait un peu trop vite a été apostrophé sur la route par le chauffeur d'un camion transportant de grosses pierres. «Conduis doucement, tu transportes des êtres humains, non?» lui crie-t-il. «Cha dakhlek. Tkaka bhadjtrk!» (Ça ne te regarde pas! Occupes-toi de tes pierres!), rétorque le chauffeur… C'est peut-être là le fin mot de l'histoire. Les usagers sont devenus comme des pierres, ils ne réclament plus…