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Rassemblement, dimanche, en soutien à la loi sur la criminalisation du colonialisme Les anciens Moudjahidin et les enfants de Chouhada ne lâchent pas du lest
Après sa mise en veilleuse, pour des raisons politiques, le projet de loi sur la criminalisation du colonialisme français en Algérie est de retour ce dimanche. Huit associations, et pas des moindres, notamment celles des anciens Moudjahidin et des enfants de Chouhada, s'apprêtent, à la veille de la célébration du 48e anniversaire de l'indépendance, à organiser un rassemblement devant l'APN pour exprimer leur soutien aux députés initiateurs du projet de loi. Parmi ces associations figurent notamment les Fondations Bouamama, El Mokrani, 8-Mai 45, l'Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA) et l'Instance algérienne de lutte contre la pensée coloniale, a indiqué lundi Lakhdar Bensaïd, président de cette dernière. Le rassemblement vise à «faire pression» sur le gouvernement et l'APN pour faire «adopter le projet de loi criminalisant le colonialisme qui est toujours dans les tiroirs et qui n'a pas été programmé pour l'actuelle session du Parlement», a ajouté M. Bensaïd. La proposition de loi, soumise au parlement algérien sans qu'elle soit adoptée et qui s'est vite éclipsée pour des considérations inconnues, prévoit notamment la création de tribunaux spéciaux pour juger les responsables de crimes coloniaux et demande à la France excuses et indemnités. La proposition de loi a été déposée le 13 janvier dernier au bureau de l'APN. Cette proposition de loi a été signée par 125 députés de différents partis, notamment de l'Alliance présidentielle, le FLN, le RND, le MSP et El Islah. Les représentants du MSP et du parti El Islah ont demandé, à maintes fois, à la France de "présenter ses excuses pour la période coloniale et d'indemniser le peuple algérien". Une initiative jugée «particulièrement inquiétante», «incompréhensible» et même «outrancière» par Hubert Falco, secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants. Pourtant, lors d'une visite en Algérie en décembre 2007, Nicolas Sarkozy avait fermement dénoncé le système colonial "injuste par nature". Mais, le président français refuse toute idée de "repentance", estimant qu'il s'agit d'une forme de "haine de soi" et de "dénigrement" de son pays. Faute d'avoir, jusqu'à présent, accepté de l'assumer, la France se trouve maintenant violemment confrontée à son passé colonial en Algérie. Le projet de loi déposé au Parlement algérien a été la réplique tardive à l'article 4 de la loi française du 23 février 2005 qui décrétait «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord». Une disposition abrogée un an plus tard. En outre, la nécessité d'«une véritable reconnaissance des crimes coloniaux» a été, de nouveau, mise en évidence en mai 2009, à l'occasion de deux colloques consacrés aux massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, qui se sont déroulés à Paris puis à Guelma. «On ne peut pas évoquer les droits de l'Homme au sujet du massacre des Arméniens en Turquie, et en même temps refuser de reconnaître les crimes dont on assume soi-même la responsabilité», a notamment déclaré l'historien Gilles Manceron. Ce dernier a estimé que si de «nouvelles relations sont à reconstruire entre l'Algérie et la France, elles nécessitent au préalable de décoloniser les esprits par une véritable reconnaissance des crimes coloniaux». Au cours d'une conférence intitulée "la reconnaissance des crimes coloniaux, la France à la croisée des chemins", ce spécialiste du colonialisme français, également rédacteur en chef de la revue des droits de l'Homme, en France, a affirmé qu'il "n'y a pas lieu de s'attendre à de grands procès". Pour aboutir à cette "décolonisation des esprits", Gilles Manceron souhaite que l'Etat français "laisse travailler les historiens" et aille sans hésiter vers l'initiative "d'actes forts de reconnaissance qui doivent être suivis par des réparations aux victimes, sans toutefois que celles-ci ne soient un prétexte pour oublier les crimes passés". Gilles Manceron a également souligné que les historiens doivent "accéder librement aux archives et travailler en toute indépendance", et, pour ce faire, il rejette la création par l'Etat d'une Fondation chargée de la mémoire et de l'histoire, tel que prévu par l'article 3 de la loi du 24 février 2005 sur "l'œuvre positive de la colonisation". Il a aussi rejeté la notion de "repentance" à laquelle il est plus logique, selon lui, de substituer le terme "reconnaissance". Dans une déclaration à l'APS, en marge de sa conférence, l'historien Gilles Manceron a estimé que "les positions concernant le passé colonial doivent être clarifiées, et en toute transparence". La "stagnation" observée actuellement dans la poursuite du débat sur les crimes coloniaux sera dépassée si les responsables politiques cessent d'instrumentaliser l'histoire, tantôt en glorifiant le passé colonial pour des raisons électoralistes tantôt en reconnaissant les crimes dans un contexte d'intérêts bilatéraux. En tous les cas, la France a oublié ses guerres coloniales et leur impact sur ses adversaires. Elle préfère parler du rôle positif de la colonisation plutôt que d'ouvrir la boîte de Pandore. La France se situe, officiellement, dans une espèce de déni. L'Algérie, dans son passé français, fait partie des sujets auxquels on ne veut pas accorder trop d'importance. La mémoire du conflit aurait probablement été traitée différemment s'il s'était agi de non Européens.