L'artiste Hirèche Boumédiène, natif d'Oran, fera ses études artistiques à l'Ecole des Beaux Arts dès 1952. Le vénérable artiste a, depuis, constitué une œuvre prolifique, essentiellement figurative et profondément engagée, faite de portraits de figures nationales éminentes ou de toiles relatant des événements importants de l'histoire du pays dans un but évident de réconciliation des jeunes générations avec leur mémoire. Dans son atelier encombré de toiles, accrochée à mur, une citation de l'écrivain français Denis Diderot retient l'attention et qui illustre parfaitement le cheminement de l'artiste: « C'est l'âme du peintre qui se répand librement sur la toile ». L'artiste a bien voulu nous recevoir dans son lieu de travail pour nous parler de son actualité, de ses espérances mais aussi de ses déceptions. La voix de l'Oranie: Vous avez fait partie du lot des personnalités des arts et des lettres honorées par la direction de la culture à l'occasion de la journée de l'artiste. L'institution culturelle a reconnu votre talent et mérite, cela a du vous apporté du baume au cœur. Quel est votre sentiment ? Hirèche Boumédiène: Bien au contraire, je suis écoeuré. C'est une manière très désinvolte de reconnaître le mérite d'un artiste qui capitalise plus de cinquante ans de métier. On m'a attribué un diplôme de reconnaissance et un chèque que j'ai reçus par l'intermédiaire d'un ami artiste. Je n'étais même pas présent à la cérémonie censée être dédiée aux artistes et qui s'est déroulée au Théâtre Régional d'Oran puisque je n'étais pas au courant, on ne m'a même pas daigné m'inviter. C'est dire le respect que l'on doit à l'artiste. Il faut dire qu'il y a beaucoup de lacunes en matière de communication. Pour étayer ce propos, j'ai réalisé deux toiles sur le massacre perpétré par l'armée israélienne sur Ghaza et j'avais adressé une lettre à la direction de la culture où je faisais part de mon intention d'en faire don à qui de droit, mais ma lettre est restée à ce jour sans réponse. -Vous avez participé récemment au 3e Salon des artistes peintres à l'Hôtel Eden. Quel enseignement avez-vous tiré de cette participation à cet événement culturel dont la dernière édition a été promue Salon national ? -C'est un impressionnant rassemblement d'artistes qui donne l'impression de grande braderie. L'édition précédente s'est déroulée dans l'espace khaïma, un espace qui s'est avéré beaucoup plus adapté à un tel événement que les galeries de l'hôtel. Aussi, les conditions d'hébergement des artistes n'étaient pas vraiment commodes. -Votre peinture est essentiellement figurative. La plupart de vos toiles s'inspirent d'événements historiques, notamment des scènes de bataille, des portraits de figures de la révolution algérienne ou de personnes que vous avez côtoyées ou encore des scènes de la vie quotidienne. Vous n'êtes pas tenté par d'autres formes d'expression, la peinture abstraite par exemple. -Je crois qu'un vrai peintre doit commencer à exercer dans le figuratif. Je me rends compte malgré moi que beaucoup d'artistes peintres aujourd'hui optent pour la peinture abstraite pour combler leurs lacunes. A mon humble avis, le public algérien est beaucoup plus sensible à la peinture figurative, il est beaucoup plus à l'aise devant une toile qui le fait vibrer et lui suscite de l'émotion. -Une grande partie de votre œuvre artistique est consacrée à l'Emir Abdelkader. Qu'est ce qui a déterminé ce choix ? - Je ne cache pas que je voue une vénération sans limite au père de l'Etat algérien moderne. C'est pour moi le phare, la figure emblématique de l'Algérie. Il m'a fallu attendre l'indépendance pour connaître le vrai parcours de l'Emir qui avait à la fois l'aura d'un grand stratège militaire et d'un véritable chef d'état. Je me suis passionné pour sa vie et son œuvre et j'essaie de reconstituer des moments importants de l'histoire du pays pour inculquer à nos jeunes générations la grande épopée de l'Emir Abdelkader. Quand je lis dans le dictionnaire certaines fausses vérités, du genre que le général Trézel s'est distingué dans la bataille de la Macta en juin 1835 alors que ses troupes avaient été décimées et perdu plus de mille hommes, cela prête à rire. Mes toiles contribuent en quelque sort à rétablir la vérité historique. Dans cette optique j'ai prête six de mes toiles de grand format sur l'Emir à la Maison de la culture de Mascara. -Dans le cadre des échanges interwilayas, Oran a organisé ou accueilli plusieurs semaines culturelles où vous n'avez pas participé. Quel est votre point de vue sur de telles manifestations ? -Ces semaines ont été impulsées par la ministre de la culture pour justement consacrer les échanges entre les artistes. Malheureusement, si l'on fait le bilan de toutes ces semaines, il n'y a pas eu de rencontres à proprement parler entre artistes. On a préféré privilégier le spectacle et le folklore.