Mohamed Khadda a mené une vie tumultueuse. Il s'est voué à son art dans toute sa diversité : calligraphie, peinture à l'huile, aquarelles, décors pour des œuvres cinématographiques, illustrations d'ouvrages, fresques murales, mais il marquera à jamais la peinture contemporaine de son empreinte «magique», par son trait… l'artiste du signe. Najet Khada, veuve de l'artiste, ainsi que l'Ecole supérieure des beaux arts ont tenu à organiser une rencontre sur son parcours, ainsi qu'une exposition de plus 27 œuvres constituées de peinture à l'huile, des aquarelles et des gravures, inspirées par des thématiques propres au peintre : la nature, l'écriture et les paysages. Cette collection d'un fonds familial retrace les différentes périodes artistiques du peintre, s'étale sur différentes périodes artistiques du plasticien. Cette rencontre est un hommage à l'occasion du 80e anniversaire de sa naissance. Une enfance difficile Né le 14 mars 1930 à Mostaganem, ses parents ainsi que lui menèrent une vie des plus difficiles, maladie et pauvreté le poussèrent à exercer les tous petits métiers qu'il pouvait trouver pour survivre. Après le travail, il se consacrait à la reliure de livres qui lui sont confiés et il découvre alors des auteurs et des œuvres de Hafid, Djami, Omar Khayyam, Mohamed Abdou, Taha Hussein, Gide ou encore André Breton. Son ouverture et sa culture le façonneront également par la rencontre d'autres peintres et écrivains avec qui il liera une grande amitié telles que sa rencontre en 1947 avec Abdallah Benanteur qui lui proposa de s'inscrire dans une école de dessin par correspondance. Il réalise ses premières aquarelles, puis des pastels et des peintures. Cette passion va le pousser à des recherches et des rencontres, il fréquente alors les librairies et les marchés aux puces. Sa découverte vers la fin des années 1940 du Musée des beaux arts et le choc des toiles exposées, celles de Delacroix, Fromentin, Chassériau, Dinet le réconforte dans ce sentiment qui grandit en lui et qui va faire justement de lui l'un des plus grands peintres algériens. Evoluant dans une Algérie meurtrie, il découvre ainsi la pensée de Ben Badis et adhère aux mouvements nationalistes comme la jeunesse de l'UDMA de Ferhat Abbas. Son voyage à Paris en compagnie de Benanteur va lui permettre de découvrir les musées et galeries. En 1948, il rendra visite avec Benanteur à un ami hospitalisé au sanatorium de Rivet (Meftah) et découvre le Musée des beaux arts d'Alger où il voit longuement les toiles de Delacroix, Fromentin, Chassériau, Dinet, les sculptures de Rodin et de Bourdelle. Le sentiment national progresse décisivement en cette époque. Il a pour amis l'homme de théâtre Abderrahmane Kaki, Mohammed Tengour qui milite pour le PPA indépendantiste de Messali Hadj, Mustapha Kaïd, acquis à l'idéal communiste. Il suit les cours d'arabe donnés dans un garage, qui sera vite fermé par la police, fréquente les cinéclubs et élargit à travers les films de Cocteau et de Bunuel sa connaissance du surréalisme. Un artiste complet Il va fréquemment voir à Oran les expositions de la galerie d'avant-garde Colline. Il écrit des poèmes, s'essaie à la sculpture (pierre, plâtre et terre) et peint sur le motif avec Benanteur autour de Mostaganem. Il se lie avec le romancier Kateb Yacine, milite pour l'indépendance de l'Algérie et adhère au Parti communiste. Il réalise sa première exposition personnelle en 1961. Depuis, Khadda va affirmer son talent dans les années à venir jusqu'à s'imposer pleinement sur la scène culturelle. Mohammed Khadda rentre en 1963 en Algérie où il expose régulièrement. Membre fondateur en 1964 de l'Union nationale des arts plastiques, dont il est le secrétaire de 1972 à 1975, il y défend la peinture non figurative violemment dénoncée à cette époque, illustre plusieurs recueils de poèmes (Jean Sénac, Rachid Boudjedra) et crée des décors et costumes pour les Théâtres d'Alger et d'Oran (Abdelkader Alloula). Mohamed Khadda demeure un pilier des arts plastiques en Algérie. Sa peinture est faite de signes, d'encre et de sang.