La cinémathèque a vécu, mercredi dernier, un mémorable événement à l'occasion de la projection, en première à Oran, de « Hors-la-loi », le dernier long métrage de Rachid Bouchareb. Le film aura eu un considérable retentissement auprès des cinéphiles oranais qui, pour l'occasion, ont retrouvé le chemin de leur salle fétiche qui n'avait, depuis fort longtemps, connu une telle affluence du public. Et il y aura beaucoup d'émotion avant, durant et après la projection du film. Déjà, dans le hall de la salle répertoire, l'événement donnera lieu à beaucoup de retrouvailles d'amis et de visages longtemps oubliés. Les cinéphiles ont fait le déplacement en force pour se faire une idée du film, présenté, en mai dernier, en sélection officielle du Festival de Cannes qui avait, avant même sa projection, fait couler beaucoup d'encre et suscité une grande polémique de l'autre côté de la Méditerranée. C'est donc devant une salle archicomble qu'aura lieu la projection qui sera, fait inédit, précédée par une minute de silence en mémoire du comédien Larbi Zekkal, distribué dans le film et récemment disparu. Et à la fin de la projection, on verra même beaucoup de femmes en pleurs, très émues par les scènes de massacres perpétrés par les forces coloniales qui ravivent tant de blessures. Le film « Hors-la-loi » raconte l'histoire bouleversante d'une famille algérienne dont le destin aura à suivre le cours tourmenté et tous les soubresauts de l'histoire du pays. Chassée de sa terre, la famille ira s'installer dans la ville de Sétif, où elle survivra aux massacres du 8 mai 45, puis dans un bidonville en France où là, aussi, elle connaîtra bien des humiliations. Ce n'est pas un film sur l'histoire, mais Bouchareb incrustera son récit dans des épisodes douloureux de la guerre d'Algérie qui vont ponctuer le film et pointer du doigt les humiliations répétées et la sauvage répression des forces coloniales qui chaque fois viendront justifier le sentiment de révolte chez le peuple algérien et contribueront à renforcer sa détermination à lutter pour sa liberté. Le film ne se propose pas d'écrire l'histoire, mais Rachid Bouchareb utilisera l'histoire comme toile de fond en faisant référence à des faits historiques réels qui ont jalonné la longue lutte du peuple algérien pour son indépendance : de la dépossession des fellahs de leur terre aux massacres de Sétif, en passant par les événements de décembre à Paris, la guerre fratricide et les règlements de comptes entre militants du FLN et du MNA, les attentats ciblés de la main rouge commanditée par le gouvernement français de l'époque. Rachid Bouchareb a fait là un film engagé en osant rappeler sans complaisance bien des épisodes douloureux de la guerre d'Algérie volontairement éludés par certains historiens.