La célébration de la journée du 17 octobre à Sidi Bel-Abbès a été l'occasion pour nombre de militants de l'ex fédération FLN de France de se rappeler au souvenir de leurs anciens compagnons d'armes et de lutte aujourd'hui disparus. Un nom illustre revenait toujours dans les discussions, celui de Zouaoui Mohamed, alias ‘Mustapha le Noir', décédé le 3 octobre 2000 à Sidi Bel-Abbès à l'âge de quatre-vingt ans. Figure marquante du mouvement nationaliste algérien, le défunt a été identifié par la DST, le jour de son arrestation le 10 novembre 1961, sous le nom de code de ‘Maurice' comme étant «le chef des opérations du FLN sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine» et sous le commandement duquel «toutes les décisions cruciales concernant l'organisation des manifestations des 17-20 octobre 1961 ont été prises par le comité dit des quatre». Qui est Zouaoui Mohamed? Issu d'une famille de militants nationalistes qui a eu le privilège de recevoir chez elle, au quartier mythique de Graba, de grandes figures du mouvement national (ulémas, responsables politiques…) à l'image du cheikh Abdelhamid Ben Badis et Hamou Boutlelis, cette personnalité hors pair, de formation universitaire (facs d'Alger et de Toulouse), s'est illustrée par un itinéraire politique particulièrement riche de son vivant pour être à l'origine de la création, à Sidi Bel-Abbès, des premières structures du PPA (Parti Populaire Algérien) et de l'OS (organisation secrète) ainsi que de la formation des cellules de militants qui vont constituer plus tard les éléments fondateurs du CRUA à l'échelle régionale. Mais c'est surtout en France, où il est parti parachever ses études universitaires, qu'il n'aura de cesse de poursuivre son action militante dans la clandestinité la plus totale et d'assumer, à ce titre, des responsabilités importantes à des échelons divers de la fédération FLN, parmi lesquelles celle de chef de la wilaya 36, région de Marseille, avant d'être appelé à Paris à la tête de la cellule de l'information du comité fédéral et diriger ensuite le fameux réseau qui portait son nom. Pour de nombreux historiens algériens et étrangers, Zouaoui Mohamed est reconnu comme étant le chef suprême du FLN en France et l'un des principaux artisans des manifestations des 17-20 octobre 1961 à Paris. Un précieux ouvrage consacré à ces douloureux évènements par deux chercheurs britanniques, Neil MacMaster et Jim House, sous le titre «Paris 1961 – Les Algériens, la terreur d'Etat et la mémoire», nous apporte le meilleur éclairage qui soit en ce qui concerne «le rôle de ce meneur d'hommes qui, des années durant, sous le pseudonyme de Mustapha le noir, tourna en dérision toutes les polices de France réunies, en particulier la DST…» Dans leur analyse, les deux éminents historiens n'ont pas manqué en effet de donner des détails précis sur le rôle des structures et acteurs impliqués dans l'organisation de ces manifestations parisiennes» (…) et d'en arriver à la conclusion que Zouaoui Mohamed, en sa qualité de responsable fédéral résidant en France, «était l'unique source de contrôle de toute l'action du FLN en France métropolitaine…» et la cheville ouvrière des manifestations en question, manifestations qui s'achevaient, souligneront-ils, «par l'une des répressions les plus sanglantes de l'histoire européenne moderne».