La situation était explosive hier à Tunis où une grande confusion régnait autour d'un jet de l'éponge de Ben Ali. Fragilisé, le Président Ben Ali continuait de jeter du lest dans l'espoir de desserrer la pression de la rue. Ainsi, après avoir concédé qu'il ne présiderait pas le pays au-delà de 2014, il a annoncé le limogeage du gouvernement et l'organisation d'élections législatives anticipées. Mais c'était compter sans la hargne d'une population qui ne jurait que par la tête du Raïs. Le président Zine El-Abidine Ben Ali, qui faisait ainsi face à une vague de contestation sans précédent depuis son arrivée au pouvoir en Tunisie en 1987, a donc fini par abdiquer devant la demande de la rue et c'est son Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, qui a pris le relais alors que d'autres sources évoquait le président du parlement tunisien. Ben Ali a dû abandonner le pouvoir en quittant Tunis à bord d'un avion vers une destination inconnue –certains opposants parlaient de la Lybie et de Dubaï- alors que la population redoublait hier de violences, des violences ayant fait selon des sources une soixantaine de morts. Des affrontements ont même été signalés à l'aéroport de la capitale où des balles réelles ont été utilisées contre les manifestants qui, apparemment, essayaient d'empêcher le président de s'enfuir. Ben Ali, dans une ultime tentative de rester à la tête de l'Etat, avait annoncé qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2014, en dévoilant plusieurs mesures. "Je comprends les Tunisiens, je comprends leurs demandes. Je suis triste de ce qui se passe aujourd'hui, après 50 années au service de ce pays, mon service militaire, tous les différents postes, 23 années de présidence", a déclaré Ben Ali, qui s'exprimait -une première pour le président tunisien- en arabe dialectal et non classique. Cela n'a pour autant pas calmé son peuple qui ne semblait plus lui accorder de crédit, réclamant purement son départ et non, comme il l'a fait hier, avant qui ne cède, celui du gouvernement. "Nous, Tunisiens, ne voulons pas de trois années supplémentaires, ni seulement de six mois supplémentaires. Dehors, maintenant!", lançaient les collaborateurs du blog Nawaat.org, sur Twitter, en précisant que le mouvement dépasse les limites de la capitale et touche aussi la province. Les manifestations se poursuivaient donc sans relâche à travers les villes du voisin de l'Est, ce qui l'a obligé à décréter l'état d'urgence dans tout le pays avec un couvre-feu de 18h à 6h du matin, ainsi que l'interdiction des rassemblements sur la voie publique et l'autorisation donnée à l'armée et à police de tirer sur tout "suspect" refusant les ordres qui lui sont intimés. Des blindés ont été déployés hier devant le ministère de l'Intérieur celui Affaires étrangères ainsi que devant le bâtiment de la Télévision et radio nationale. Pour rappel, durant la nuit précédent le discours de Ben Ali, des heurts entre jeunes et policiers dans plusieurs quartiers tunisois ont fait un mort. A Soliman, une ville côtière située à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Tunis, des témoins ont fait état de la mort de deux jeunes gens tués jeudi par des policiers lors d'affrontements devant un commissariat de police. Dans la ville de Sidi Bouzid, d'où sont partis les troubles, des témoins rapportent que plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les rues. Des appels à "toutes les libertés" et des slogans antigouvernementaux, dénonçant des faits de corruption et une répression policière, sont apparus dans les manifestations, s'ajoutant aux revendications d'ordre économique. Les autorités disent que les manifestations sont instrumentalisées par une minorité d'extrémistes qui veulent déstabiliser le pays.