Certainement que, si on fait une projection sur la voie politique qui pourrait réellement émerger à l'issue de la future élection présidentielle tunisienne, il faudrait d'abord tenir compte du fait qu'il n'y a ni bipolarisation ni tripolarisation de la vie politique, ni même réellement une vie politique, ce qui ne permet nullement d'avoir à sa disposition les éléments de lecture d'un avenir dont on ne sait pas exactement la nature politique de la coloration qu'il prendra. La Tunisie voudrait aller le plus loin possible, mais où se situerait-il ce «plus loin possible» quand les valeurs démocratiques sont considérées comme des atouts par les populations et des malédictions pour des régimes en place? Démocratie ? Quelle version de la démocratie quand dans les pays arabes on affirme que celle-ci est assise sur les valeurs nationales. Théocratie? A partir de quel seuil d'introduction de la religion dans le système politique pour pouvoir affirmer que nous sommes dans le cas d'une démocratisation version occidentale, ou version prônée par les régimes dits conservateurs? Dictature dure ou éclairée? Système politique à navigation à vue qui ne prend aucune de ces voies? Les acteurs politiques officiels et légaux ne se réfèrent à aucune doctrine, à aucun repère qui met en conformité leurs discours avec leurs agissements. Evidemment, tout le monde est démocrate, tout le monde est républicain. Même les théocrates sont républicains dans la mesure où ils n'optent pas pour la royauté. Mais pourquoi faudrait-il que les partis se cantonnent dans une prudence stratégique? Il n'y a pas plus de champ politique en Tunisie qu'ailleurs dans le même espace civilisationnel. Malheureusement, il n'y a pas de débat interne aux partis politiques, sauf à considérer comme débat les interventions pour appuyer la ligne édictée par le secrétaire général. L'avenir lointain du pays et du parti? Le passé proche avec tous les engagements pris? Seuls comptent le présent et le futur proche, c'est-à-dire un horizon à maitriser les échéances électorales. Une échéance normalement importante attend la classe politique tunisienne et le peuple tunisien. Tout va se passer cette fois-ci différemment. Un fort taux de participation, mais pas de score dit stalinien. Cela sera un grand événement politique, mais il faudrait au moins que domine l'impression qu'il y a un équilibre des forces dans le champ politique, encore faudrait-il que les partis se démènent pour créer celui-ci et ainsi trouver où se mouvoir. Il y a un parti au pouvoir qui domine tout ; Il y a des partis de l'opposition qui n'ont pas eu de résidence dans le tube cathodique. Pas eu également les moyens de s'enraciner dans les populations et ce n'est pas de leur faute. Les partis de l'opposition ne pouvaient pas rendre efficaces aussi bien les actions isolées que les actions concertées. Là, également, ce n'est pas de leur faute.