Trois amis de confessions différentes, Mohamed, musulman, Jésus, chrétien et David, juif, se proposent d'entreprendre un périple à travers les terres millénaires d'Al Andalus en Espagne. Un voyage dans la mémoire qui leur permettra de connaître (de se re-connaître) par le biais d'itinéraires, les lieux symboliques de l'Espagne musulmane. Un hymne à la tolérance, au respect d'autrui et au métissage des cultures. Il faut dire que pour beaucoup d'espagnols, surtout venus du nord, être à Granada c'est déjà un peu se trouver au Maghreb car le dépaysement est réel. Lorsque nos amis se quittent, il est presque dix heures du soir. Ils se donnent rendez-vous pour le lendemain matin à la Plaza Nueva, d'où ils commenceront leur ascension vers l'Alhambra car toute la journée sera entièrement consacrée à la visite de ce merveilleux monument. En ce matin de mois de mai il fait très beau et les arbres ancestraux de la Plaza Nueva semblent respirer l'air éthéré et léger de la ville. Nos amis se retrouvent tous, frais et dispos devant la fontaine de la place alors qu'un soleil doux et timide fait son apparition. Ils prennent la forte pente de la Cuesta Gomérez qui grimpe par la colline Sabika sur laquelle se dresse l'Alhambra, qasr al hamra, le palais rouge. L'un des plus beaux monuments du monde. Alors qu'ils dépassent la Porte de las Granadas, œuvre de Pedro Machuca, qui marque les limites de la forteresse musulmane, Mohamed ne peut s'empêcher de penser au chemin parcouru par la civilisation arabo-andalouse : cinq siècles depuis le débarquement de Tariq Ibn Ziyad en 711 et les premiers vestiges qu'ils visitèrent à Gibraltar pour culminer au XIIIº siècle avec les premières constructions de l'Alhambra. Plus qu'un monument, cette ville-palais fabuleusement conçue est telle une légende vive en stuc, brique et marbre. Si fragile dans son ornementation, si solide dans sa structure, l'Alhambra est une forteresse grave et altière qui a replié sa vie sur un intérieur de patios frais et de bassins, d'alcôves filigranées, de miradors à claires-voies et de salons d'une hauteur vertigineuse. Un véritable prodige de l'humanité. Une merveille qui rappelle dans chaque coin, chaque épigraphe, chaque murmure de l'eau, chaque étincelle de lumière que wa la ghalib il-la Allah, Seul Dieu est vainqueur, comme proclamait aux quatre vents la devise de la dynastie nasride. L'Alhambra est une ville érigée pour jouir avec les cinq sens des quatre éléments de la création, une ville édifiée avec des matériaux fragiles et périssables qui cependant n'a pas succombé au passage du temps et de l'histoire. L'Alhambra se dresse toujours, résistant aux siècles et à l'oubli.