Trois présidents pour une seule République, en 24 heures. C'est le résultat du chaos que connaît la Tunisie depuis la fuite de Zine El Abidine Ben Ali en Arabie Saoudite. Ben Ali a laissé derrière lui d'autres symboles de son régime, des dinosaures qui refusent de s'éteindre et disparaître, qui veulent reprendre le flambeau de la continuité mais avec des slogans différents. Après un mois de grogne populaire sur tout le territoire tunisien, Ben Ali qui tenait fermement les rênes du pays entre ses mains est devenu un vulgaire fugitif en quête d'un lieu sûr. Son premier ministre, Ghanouchi, sort le soir même de sa fuite annoncer à la télévision tunisienne assurer l'intérim, sur demande de Zinochet selon ses dires. Le Conseil constitutionnel proclame la "vacance définitive du pouvoir" et nomme le président du Parlement, Fouad Mebazaa, président par intérim, en vertu de l'article 57 qui prévoit des élections présidentielles et législatives dans un délai de 60 jours. Ce dernier affirme, après sa prestation de serment, que "tous les Tunisiens sans exception et sans exclusive" seront associés au processus politique. Il annonce que Mohammed Ghanouchi est toujours chargé de former un nouveau gouvernement, ajoutant que "l'intérêt supérieur (...) nécessite un gouvernement d'union nationale". Ce nouveau retournement de situation, fondé sur l'article 57 de la Constitution, est intervenu à la demande de Mohammed Ghanouchi, Premier ministre sortant, nommé vendredi président par intérim après la fuite de Ben Ali et qui ne sera resté que vingt-quatre heures à ce poste. L'article 57 fixe de manière précise la transition à la tête de l'Etat. Il prévoit des élections présidentielles et législatives dans un délai de 60 jours maximum. La nomination vendredi de M. Ghanouchi, en vertu de l'article 56, laissait la porte ouverte à un retour au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali et avait été contestée aussitôt par des juristes et une partie de l'opposition. Sur le terrain, Tunis découvrait l'étendue des dégâts provoqués par une nuit de pillages en ville et en banlieue, souvent attribués par plusieurs témoins à des partisans du président déchu. Des hélicoptères de l'armée survolaient la capitale et la police a bouclé le centre de la ville afin d'empêcher tout rassemblement. Dans ce chaos et grand désordre, le seul gagnant semble être le président en fuite et les Occidentaux qui le soutenaient, à l'instar de la France.