Ses «Empreintes» sont jusqu'au 6 juin à la galerie Espace Lotus, installée dans les locaux de l'Ecole Pigier Oran, et point n'est besoin d'être de la police scientifique pour les relever. Il suffit juste d'aimer l'art et de se laisser guider par ses sens dans cet univers toujours renouvelé de Saïd Chender… Dans le catalogue de l'expo, Benamar Mediene, un des très rares spécialistes de la question, signe un texte historique en ce sens qu'il y situe la place de Saïd dans «la galaxie des peintres». Il lui fait porter le legs de Mohamed Khadda qui lui laisse Mostaganem et le Dahra avec sa «mémoire pleine de couleurs terriennes et d'odeurs iodées». Et Saïd Chender en semble conscient, lui qui s'engage dans une logique créatrice qui ne s'interrompt pas. Sans jamais aller le crier sur les toits. «Moi aussi je crains l'ivresse du verbe et lui préfère l'éloquence du silence. Et je ne me sens libre que quand mon esprit capte la sensation tactile et le vibrato de l'air», lui fait dire, justement, l'ami des grands artistes. C'est que Saïd aime à transcender le visible. Il aime à sonder l'inconnu. Il aime à caresser l'indicible pour réinventer la vie. La sienne. La mienne. La nôtre, tous… L'artiste revient aujourd'hui avec une collection qui fait un peu oublier ses précédentes traces. Et si le monde qu'il nous livre est le même, la fenêtre à travers laquelle son œil se promène, cette fois, donne sur des horizons traversés par une sorte de brume. Une brume qui a effacé de sur ses œuvres toute suggestion calligraphique. «Débarrassez-vous de cette manie de commettre de fausses lectures et découvrez-moi simplement. Osez donc les intrusions qui vous tentent car je suis cet espace ouvert où vous vous mouvez, où vos ombres dansent d'ivresse, où vous et l'autre êtes les héros!» Voilà ce que me murmurent les tableaux de Saïd dans lesquels je suis. Où je suis à travers les autres. Devenant moi aussi un personnage car confronté à ces apparences au souffle féminin. Dans un rôle que l'artiste me confère. Volontiers. Et je m'interdis de m'imposer à elle de manière brutale. Je les accompagne. Je leur suis tout ouïe, elles qui ont à dire et redire. Parce que, aussi, la nature primaire de chacun s'exprime par son double. Et c'est mon double que je retrouve dans le travail de Saïd Chender qui exprime, en fait, avec sensualité, et parfois violences –ah mes premières amours!– comme dans Etreinte où le noir retrouve sa place, la dualité qui nous habite et dont on ne finit jamais de nous débarrasser. Souk, Osselets, Rivalité, Flânerie, Silhouette, Etreinte,… le créateur, qui sait la magie des couleurs, adopte un brin de la manière des street-artistes pour raconter des atmosphères volées à la vie. Mais il n'y a nulle trace dans ses travaux d'affiches déchirées. Chender le suggère seulement. Ce qu'il déchire c'est ce que l'œil voit. Il le déchire pour laisser paraître un air vrai dans la mosaïque humaine qu'il compose, mosaïque où la gestuelle est à l'opposé de son image. Loquace. C'est sans doute de cela que naissent, chez le regardeur, soulagement et libération.