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Publié dans AlgerieNetwork le 22 - 00 - 2019

Dans El Watan du 22 mars 2019, un certain TOUAFEK Rabah, Juriste, suggère, en page 11, dans sa « réflexion sur l'impasse de l'imbroglio politico-constitutionnel » de « mettre en œuvre plutôt les dispositions des articles 107 et 142 au motif », à son sens, « qu'il y a menace d'un péril imminent sur les institutions du pays » . Rien que ça. Exit l'article 102, car « l'idée serait », lui semble-t-il, « tombée en désuétude ».
J'aime dire que comme pour la guerre, ce n'est pas aux militaires qu'il faut la confier mais aux politiques pour que justement ils l'évitent, il en est peut être de même que ce n'est pas à certains juristes ou aux seuls juristes qu'il faut confier la constitution ou son interprétation, mais à gens sensés, qui savent lire entre les lignes et maîtrisent les enjeux d'une disposition juridique grave ainsi que l'impact dévastateur que pourrait avoir certaines dispositions entre les mains de gens insuffisamment formés et suffisamment inconscients au point de considérer une marche pacifique comme étant un « péril imminent contre les institutions , l'indépendance ou l'intégrité territoriale »
Puisque nous y sommes que disent ces articles que cet « éminence » suggère ?
L'article 107 dispose : « Lorsque le pays est menacé d'un péril imminent dans ses institutions, dans son indépendance ou dans son intégrité territoriale, le Président de la République décrète l'état d'exception.
Une telle mesure est prise, le Président du Conseil de la Nation, le Président de l'Assemblée Populaire nationale, et le Président du Conseil constitutionnel consultés, le Haut Conseil de Sécurité et le Conseil des Ministres entendus.
L'état d'exception habilite le Président de la République à prendre les mesures exceptionnelles que commande la sauvegarde de l'indépendance de la Nation et des institutions de la République «
Autrement dit l'état d'exception peut être décrété dans trois situations, péril imminent :
* dans ses institutions
* dans son indépendance
* dans son intégrité territoriale
Qu'en est-il de ses situations contenues dans cet article ?
Pour l'instant rien n'indique que le mouvement citoyen porte atteinte aux institutions, bien que certains faits comme le comportement de certains policiers, pompiers et autres représentants de l'état comme les juges et les avocats ou les démissions de députés ou de certaines démissions de présidents d'Apc et d'Apw peuvent être invoqués, de mauvaise foi, comme étant susceptibles de créer un péril imminent d'effondrement des institutions de la république.
Si la notion d'indépendance ne peut être invoquée dans la mesure ou le mouvement citoyen s'approprie les leaders de la légendaire révolution de novembre, qui de Didouche Mourad, Hassiba Ben Bouali, Larbi Ben M'hidi, Krim belkacem, Abane Ramdane, Amirouche ont accompagné ces jours ci les marches des manifestants vers la grande poste et la place du 1er mai, oubliant Houari Boumedienne et Boudiaf figés dans les aéroports, en revanche la notion d'intégrité territoriale peut dans une certaine mesure être invoquée, avec beaucoup de mauvaise foi bien sûr, quand dans les manifestations ça et là nous trouvons aussi d'autres drapeaux, Algérien faut-il le souligner, que le drapeau officiel.
Est-ce possible que cette disposition puisse être prise dans l'état actuel ?
Le contraire aurait été évident si le président avait cédé aux revendications de dissolution du parlement et de limogeage de ses chefs, or il n'est en aucun cas pour le moment question de céder à cette revendication et comme en plus le régime s'emploie à nommer un gouvernement rapidement, rien n'interdirait au président de reprendre du poil de la bête puisque il lui suffit « d'entendre » le haut conseil de sécurité et le conseil des ministres et de « consulter » les deux présidents du parlement et le président du conseil constitutionnel. Cette procédure permet de décréter l'état d'exception, qui va l'habiliter à « prendre les mesures exceptionnelles ».
L'état d'exception rappelons le c'est :
* police et armée omniprésentes,
* interdiction des rassemblements,
* rétention administrative,
* perquisitions nocturnes sans autorisation d'un juge,
* contrôle renforcé des frontières, surveillance des médias, etc.
* Assignation à résidence,
* perquisitions administratives,
* déchéance de la nationalité pour les binationaux, mêmes nés en Algerie,
* bracelets électroniques pour des suspects,
* mobilisation des réservistes,
* extension de la « légitime défense » des policiers.
Comme cet « éminent » juriste le “souhaite”, il reste l'article 142 qui permet en cas de « vacance de l'Assemblée Populaire Nationale » ou durant les vacances parlementaires, au « Président de la République .. sur des questions urgentes, de légiférer par ordonnance, après avis du Conseil d'Etat.
Le nouveau patron du FLN donnant l'impression de changer de veste, l'article 142 peut l'évacuer et permettre au président de légiférer par ordonnances. D'où l'intérêt pour le régime de nommer rapidement un gouvernement acquis même sans consistance et sans programme. L'essentiel c'est qu'il puisse servir de tremplin pour le président afin qu'il puisse légiférer par ordonnance, en vertu de l'article 107, et que ces ordonnances puissent être prises en conseil des ministres.
La cécité de cet « éminent » juriste c'est qu'il nous suggère la pire des solutions, car entre l'état de siège, l'état d'urgence qui sont pour une durée déterminée il suggère une solution à durée indéterminée puisque rien n'indique pour combien de temps ce type de mesure pourra constitutionnellement être appliquée.
Maintenant pourquoi cet « éminent » spécialiste du droit n'a-t-il pas suggéré l'article 105 lui préférant les articles 107 et 142.
L'article 105 énonce « En cas de nécessité impérieuse, le Haut Conseil de Sécurité réuni, le Président du Conseil de la Nation, le Président de l'Assemblée Populaire Nationale, le Premier ministre et le Président du Conseil constitutionnel consultés, le Président de la République décrète l'état d'urgence ou l'état de siège, pour une durée déterminée et prend toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la situation ».
Est-ce possible ? Est-ce que nous sommes dans un « cas de nécessité impérieuse » et qu'est ce que cette notion ?
Cet article peut être plus envisageable que l'article 107 pour la raison simple que cet article n'impose pas l'obligation du conseil des ministres. Et comme tous les intimes du président sont aux postes sensibles, conseil constitutionnel, président du conseil de la nation, haut conseil de sécurité, premier ministre » la faisabilité est fort possible. Comme le patron du Fln semble en mouvement instable, il faut donc observer avec intérêt le statut de cette personnalité. Si cette personne est remplacée ces jours-ci on pourra s'attendre à des retournements de situation graves pour le pays. Dans le cas contraire on pourra toujours prier pour que l'article 102 soit mis en œuvre le plus tôt possible, car d'ici le 28 avril beaucoup d'eau coulera sous les ponts. Et si nous voulons “protéger” notre révolution c'est le moment d'exiger que Mustapha Bouchouchi Ou Mme Assoul soit désigné(e) officiellement comme Président du Conseil de la Nation. Ainsi nous pourrons accompagner la transition de façon plus sereine et apporter les modifications les plus urgentes à la constitution et à la loi électorale pour que les prochaines élections soient plus protégées contre les manipulation et les blocages de toutes sortes.
Enfin et dans le cas ou cet article 105 est mis en œuvre cela signifiera quoi au juste ?
L'état de siège est un dispositif juridique généralement mis en œuvre par le gouvernement en cas de péril imminent (insurrection armée ou invasion étrangère) pour la nation.
Il comprend plusieurs dispositions :
* l'armée remplace la police pour la sécurité publique ;
* certaines libertés de l'Etat de droit (circulation, manifestation, expression) sont fortement restreintes ;
* les médias sont contrôlés ;
* un couvre-feu entre en vigueur sur le territoire concerné par l'état de siège ;
* la mobilisation nationale peut être décidée ;
* les tribunaux civils sont remplacés par des tribunaux militaires ;
* surveillance accrue de la population.
L'état d'urgence permet aux autorités administratives de prendre des mesures restreignant les libertés comme l'interdiction de la circulation ou la remise des armes. Les mesures les plus sévères sont les assignations à résidences, la fermeture de certains lieux, l'interdiction de manifester et les perquisitions de jour et de nuit. Ainsi, il dessaisit la justice de certaines de ses prérogatives. Contrairement à l'état de siège, il n'implique pas les forces armées.
Enfin, revenons au mouvement. Les citoyens sont de plus en plus nombreux. Entre le 9 octobre 1989 et le 9 novembre 1989, 70.000 Allemands de la RDA sont sortis pacifiquement pour exiger la fin du mur de Berlin. A cette époque, toutes les chancelleries occidentales ont été unanimes dans leur soutien au mouvement des Allemands de l'est, alors que par rapport au mouvement citoyen qui lutte pacifiquement pour les libertés dans notre pays, les réactions des chancelleries ne voient notre pays que sous l'angle des rapports d'influence stratégique dominants. Enfin sommes nous en voie de gagner ? Doit on attendre tout en continuant les marches ? Doit on faire attention à la symbolique ? Et doit on rester seulement dans l'affrontement ? Même si cet affrontement n'est que pacifique.
Mourad Boukhelifa,
Homme politique, Expert solutions logicielles, Politologue


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