ça se passe en 2014. Le Ministère de l'intérieur est devant moi, place du gouvernement là ou De Gaulle a lancé son fameux “je vous ai compris”. J'accède au poste de police. Deux policiers qui font un travail routinier et qui donnent l'impression de s'ennuyer sont derrière le comptoir d'accueil des visiteurs. Pour eux il n'y a rien de spécial mais pour moi si. Je vais leur dire dans un moment que “je suis candidat à l'élection de la présidence de la république”. Dans ma tête je ne mesure pas encore que je vais rentrer dans une aventure. Moi qui suis habitué seulement à faire des analyses et à régler des problèmes complexes mais dans un domaine maîtrisable et maîtrisé, je me retrouve devant deux problèmes en même temps : le Président et la République. Je me remémore tout d'un coup Socrate avec son analyse sur le bien et le mal et je vois défiler cette objection dans mes pensées : “être juste est-ce, seulement, être capable de faire le bien ? Car ceux qui sont capables d'utiliser leurs talents pour le bien ont forcément la possibilité de les mettre au service du mal. Par exemple : – le médecin est le plus capable de faire du bien ou du mal à ses malades ; – le pilote est le plus capable de faire du bien ou du mal à ses matelots et à sa cargaison. Donc habileté n'entraîne pas nécessairement justice”. Je continue ou je fais demi tour ? habilité, justice, bien, mal. Est ce le moyen ou la finalité ? Et le président dans tout ça ? “Monsieur, à votre service”, me lança à la figure le policier. “Je suis candidat à l'élection de la présidence de la république”, – “Vos papiers d'identité s'il vous plait”. Je m'exécute en lui remettant mon permis de conduire comme si je devais me rendre vers une destination précise et là je me pose la première question au sujet des documents officiels. Vont-ils me demander un dossier ? Extrait de naissance, casier judiciaire, diplômes, etc.. car je n'ai rien ramené avec moi de tout ça. – “Veuillez attendre dans la salle d'attente s'il vous plait”. Je rentre dans la salle d'attente. Je constate que plusieurs personnes sont déjà là. Certains sont très mal habillés pour ne pas dire autre chose. Il n'y a pas de femme. Le premier passe. Puis le suivant. Enfin c'est mon tour. Je monte au 5eme étage. Le bureau se trouve à l'entrée du couloir, le premier à droite. Dans le bureau il y a deux hommes, mais seul l'un d'eux est actif. Je commence par leur dire que “je suis candidat à l'élection présidentielle”. Il me demande mon nom et mon adresse, prend une feuille de papier et un stylo. je répond: “Mourad Boukhelifa, Alger”. Il prend son téléphone et appelle le chargé de la remise des formulaires de parrainage et il lui dit, “Monsieur Mourad Boukhelifa va venir dans un instant, vous lui remettez 10000 fiches”. Là je m'exclame et je l'apostrophe. “Monsieur, je vous dis que je suis candidat à l'élection présidentielle” d'un pays continent et là vous ne me demandez que mon nom et mon adresse et le fait que je vous réponde “Alger” vous suffit. Même pas besoin d'une pièce d'identité, rien alors que pour un poste d'assistant de sécurité dans une mairie on exige un dossier complexe. ça a le mérite d'être léger et moi qui pensais que j'allais d'abord prendre rendez vous avec une commission d'expert qui allait me faire suer avec des questions plurielles sur ma motivation, ma capacité à me défendre, à expliquer et argumenter, ma connaissance de la constitution, de l'économie, de l'administration Algerienne, etc… Non rien de tout cela, c'est beaucoup plus simple et ça explique pourquoi “les guignols” de la république ont été nombreux à se présenter à ce challenge “dénaturé”. Et je relance : “Monsieur, la loi électorale oblige le candidat à recueillir 60.000 signatures de citoyens alors pourquoi vous me donnez seulement 10.000 formulaires ?” . Nous n'avons pas de formulaires, car on ne sait pas combien de candidats il y aura. Cette réponse du fonctionnaire m'autorisa à lui répliquer “mais si vous n'avez pas de formulaires pourquoi organiser une élection présidentielle ? Et pourquoi ne pas mettre un document sous format PDF à télécharger sur internet ? Ces questions ont perturbé totalement mon interlocuteur qui d'un regard dérangé semblait me dire “Monsieur, ne venez pas me faire de la politique ici”. “Le chargé de la remise des formulaires vous attend”. Et il me remis une chemise contenant quelques articles de la constitution et de la loi électorale. Sur quoi je lui réponds ” Et vous pensez que je viens déposer ma candidature à l'élection présidentielle sans avoir une connaissance de la constitution et de la loi électorale ?”. Au revoir Monsieur. Arrivé chez le chargé des formulaires je récupère mon lot. Je constate alors que les formulaires sont numérotés. Ainsi il est possible de vérifier la série même au conseil constitutionnel et si on veut maintenant comprendre comment l'ex Président Mr Abdelaziz Bouteflika a pu déposer l'équivalent de 8 millions de fiches alors que certains candidats n'ont eu droit qu'à 60.000 exemplaires, la fraude on trouvera sa trace à ce niveau déjà. La semaine suivante je repasse au Ministère de l'intérieur et je n'arrive à obtenir que 5000 exemplaires alors que j'ai déjà commencé mon périple dans les Wilayates les plus reculées pour pouvoir garder de l'énergie pour la suite de mon périple. Dix jours après, alors que je suis dans l'oranie entrain de faire du porte à porte pour me faire connaître et expliquer mon programme, je téléphone à un ami pour lui demander de récupérer pour mon compte les formulaires restants. Il essuie un refus, alors que devant moi quelqu'un qui représentait un candidat proche du pouvoir a, sans difficulté, récupéré les documents. Je me résout donc à revenir au Ministère de l'intérieur et là, surprise désagréable, on m'apprend que les trois machines de l'imprimerie officielle sont en panne. Je ne pus m'empêcher de poser rageusement cette question ” Alors qu'il y a plusieurs imprimeries publiques et privées, vous n'avez trouvé que l'imprimerie officielle pour faire ce travail ? De plus comme par enchantement, les trois machines sont tombées en panne ?”. “Revenez dans 3 ou 4 jours, inchallah le problème sera réglé” me répondit calmement mon interlocuteur. Trois jours après je récupérai 10.000 fiches seulement, ce qui fait que j'ai visité 20 wilayas pendant 20 jours avec un quota de 25000 fiches. C'était, toutefois, formidable car je découvris une Algerie extraordinaire avec un peuple fabuleux que certains découvrent seulement maintenant avec le mouvement citoyen. Des gens de toutes conditions sociales, de toutes les régions qui m'écoutaient comme un Mehdi à la fois conquis et étonnés par cet énergumène qui leur proposait l'idée: * d'ouvrir les villes jusqu'à minuit pour permettre le plein emploi * de transférer les crédits Ansej aux boutiques pour leur permettre de moderniser leur devanture et les rendre attrayante et illuminée comme ce qui se fait dans les autres pays modernes * d'autoriser les jeunes en relation avec les citoyens de la diaspora à importer avec les moyens financiers de la diaspora des équipements, machines-outils, matériels et accessoires pour les revendre en Algerie. Ouvrir les villes jusqu'à minuit, c'est faire en sorte que le boulanger qui travaille la journée puisse recruter des remplaçants pour la soirée, que le cafetier, le restaurateur, le boucher, l'opticien, le médecin, le cybercafé, le magasin d'alimentation, les bus, le train, etc.. se trouvent obligés de recruter des remplaçants pour la soirée avec en prime des taux d'impositions motivants pour tous ceux qui travaillent le soir et qui leur permettent de “gagner plus”. Moderniser leur devanture, c'est une politique de grands travaux qui permettra à tout le monde et surtout aux non diplômés et les gens de métier tels que les menuisiers, les vitriers, les plâtriers, les carreleurs, les électriciens, les maçons et les travailleurs de l'aluminium de trouver du travail sans avoir à passer à l'Anem ou la Das. Combien de magasins sont-ils en déficit à ce niveau ? Et si on ajoutait à cela toutes les maisons en brique qui attendent d'être repeintes ou tous les villages qui ont besoin d'être remis en valeur avec de simples coups de peinture. La tâche est grandiose mais c'est une piste qui est ignorée car les décideurs ne réfléchissent que par rapport au budget de l'état et dans la logique de l'assistance et non dans la responsabilisation des acteurs. La majorité des pays ont fermé leur frontière car il n'y a pas réellement d'échange citoyen mais des politiques d'Etat à Etat où le citoyen ne trouve ni sa place ni son compte. Le visa est devenu la hantise des jeunes et les citoyens de la diaspora glandent alors qu'ils peuvent contribuer au développement du pays tout en gagnant de l'argent. Le pays manque de tout et son budget actuel ne lui permet pas de régler tous les problèmes. Ici les jeunes s'ennuient et de l'autre côté les gens de la diaspora vivent dans la frustration d'un pays qui leur tourne le dos. Pourtant il est possible de créer une dynamique et des flux d'affaires qui pourront faire le bonheur des citoyens d'ici et de la diaspora et en même temps faire gagner de l'argent au trésor. Simplement en permettant aux uns et autres de coopérer dans des affaires communes avec un rôle pour chacun, l'un qui achète en devise et qui cherche des opportunités et l'autre qui vend et qui cherche des marchés. Le processus peut s'engager facilement et peut rapidement ramener à la raison les décideurs qui ont fermé les vannes du visa. Dés que le processus se stabilise et que la croissance s'installe avec le volume d'affaires, les visas s'envoleront comme par enchantement. Les jeunes ne seront plus attirés pour aller s'installer mais préoccupés par leurs affaires il chercheront le moyen le plus simple pour que l'aller retour se fasse dans la journée. Je viens de terminer mon périple de 20 jours avec à mon actif la visite de 20 wilayates. Je n'ai dépensé que 35000 Dinars en 20 jours à parcourir 20 wilayates. J'ai été nourri, hébergé, couvert par des grands-mères. J'ai été invité comme jamais dans des foyers ou l'on me parlait autrement, dans la même langue mais avec des expressions différentes de la mienne. La mixité était présente et même si je parlais au père ou au fils, la mère et la fille étaient présentes, la coutume restait discrète et dehors les gens qui soutenaient d'autres candidats discutaient simplement avec moi et découvrais que je ne parlais pas de rupture mais de méthodes différentes sur des thèmes précis, faciles à mettre en oeuvre sans avoir besoin de pétrole, car ceux que je voulais remplacer avaient déjà mis en place les infrastructures. Il ne restait somme toute qu'à traiter les dysfonctionnements que des lois mal faites ont permis que ce qui devait se faire normalement est devenu anormal. Je retourne au Ministère de l'intérieur et on me dis que ce n'est pas possible de me remettre plus que 60.000 formulaires. On me donna 35.000 exemplaires que je pris contre mon gré, car ces fiches n'allaient pas me servir. J'avais déjà perdu 1000 exemplaires en cours de route. Et même quand une personne m'a téléphoné pour m'annoncer qu'à elle seule elle a pu faire signer 700 personnes, j'ai jeté l'éponge car dans cette logique vous êtes perdu d'avance. Si un exemplaire est perdu, ce sera 59.999 et non 60.000. Facebook me regarda comme déçu lorsque j'ai dis à mes fans qui couraient dans les communes et les douars qu'il fallait battre en retraite, car le jeu était faussé. Amara Djeddi, un fan d'Annaba, à qui je rend hommage car entre temps il a rejoins un monde meilleur ou parait-il on ne triche pas, ne savait plus quoi dire lui qui m'a présenté ses quatre enfants partisans de Rachid Nekkaz pour qu'ils débattent avec moi de sujets qui les préoccupaient. J'ai gagné la partie avec eux et même si j'ai perdu par traîtrise de l'administration à ce moment je pense que les enfants d'Amara sont en marche comme moi tous les vendredi pour “Vendredire”