Il est dangereux pour un mouvement citoyen comme le notre de "se prendre au sérieux" au lieu de " prendre les choses avec sérieux". Le nombre de manifestants n'est pas un indice d'efficacité, c'est plutôt l'organisation du mouvement avec une définition des problèmes à traiter, des objectifs à sélectionner, des faits à mettre en évidence, des scénarios à imaginer et des solutions consensuelles qu'il faut promouvoir qui peut permettre à ce mouvement de garder une trajectoire intéressante et porteuse de résultats positifs à la mesure de cette expression magnifique de citoyens pacifiques. ça et là des noms de personnalités politiques et médiatiques sont proposées aux citoyens mais sans aucun cadre. Pas de problèmes précis à traiter, pas de définition des problèmes, pas de hiérarchisation de ces problèmes, pas d'objectifs écrits, pas d'échéances, pas de lieux. En somme rien du tout sauf un vomis "positif" basé sur un sentiment que telle personne ou telle autre personne feront l'affaire sauf que l'affaire n'est pas définie. Ces sentiments de sympathies ou d'alliances sont surement appréciés par ceux qui sont l'objet de cette attention louable mais en même temps ils doivent faire peur parce qu'à la base il n'y a pas de charte et il n'y a aucun contrat entre les uns et les autres. De plus les préoccupations des uns et des autres sont parfois difficilement réalisables dans l'immédiat et ne fonctionnent que par des symboles ou des slogans. "Yatnahaw Ga3", "Dégage", "Bedoui, Belaiz, bensalah", "Potence pour certains", "dissolution de l'Apn", "non à l'article 102", "daoula islamiya", "Femmes", "amazigh", etc.. Ces slogans, pour certains, repris en cœur dans un rythme fêtard qui nous rappelle la fabuleuse épopée de la coupe du monde et surtout Oum Der man, sont présents comme par enchantement par tous dans toutes les villes du pays et dans tous les écriteaux qu'ils soient publiés en Français ou en Arabe. Mais est ce que ces slogans peuvent être un programme pour ces "candidats malgré eux" qu'on prédestine à la représentation citoyenne pour gérer "la transition" dont on ne sait rien pour le moment. On évoque des noms mais sans leur dire quoi faire, ni comment faire ? Bénévoles ou payés par l'Etat pour aller s'opposer à des représentants de l'Etat ? Difficile de voir clair dans cette histoire. Si par contre on proposait plutôt de constituer une cagnotte pour financer ces représentants afin qu'ils puissent faire appel à des spécialistes pour les aider dans la formulation des problèmes et l'examen des scénarios possibles, leur enjeu et leur impact sur les citoyens et le pays dans son ensemble. Si chaque personne pouvait donner 50 dinars seulement et si un million de personnes jouait le jeu, ce sera un pactole de 50.000.000 de dinars à utiliser par ces représentants et ça pourrait les aider à définir une démarche sérieuse. Toutefois il faut se mettre à l‘évidence qu'il leur sera difficile de traduire ces slogans revendicatifs en solutions acceptables. Et même si Bedoui, Belaiz et bensalah s'exécutaient et finiraient par déposer leurs démissions ou leurs dossiers de retraite, il n'est pas sûr que la foule accepterait facilement d'autres personnes même si on leur proposait à leur place ces citoyens qui sont placardés chez certains citoyens honnêtes ou chez d'autres citoyens manipulateurs pour représenter le mouvement citoyen. Si on prend l'autre slogan "Yatnahaw Ga3" et que par miracle tous ceux qui avaient une autorité dans ce pays, dans les APC, les Wilayas, les commissariats, la gendarmerie, sonelgaz, sonatrach, oaic, port, aéroport, seal, Banques, plus les ministres, les fonctionnaires, les généraux, les colonels,etc.. se décidaient à présenter leurs démissions ou déposer leurs dossiers de retraite, que se passera-t-il et comment le pays se portera-t-il ? La stratégie du Chaos, n'est ce pas cela ? Je vous laisse méditer. Si par contre nous essayons d'identifier les problèmes auxquels nous sommes confrontés, sûr que nous pourrions trouver des solutions. Je vais prendre un problème qui me concerne pour expliquer la démarche. En 2014, je me suis présenté comme candidat à l'élection présidentielle. Pour des raisons fastidieuses à expliquer ici (*) je me suis retiré au bout de 20 jours de périple dans les wilayates pour reprendre mon métier. Quelques mois après, voyant que je n'arrivais pas à conclure des contrats dans mon domaine de spécialité je me suis mis à observer attentivement ce phénomène. Dans toutes les situations ou j'ai été contacté par une entreprise publique ou administration j'ai procédé comme j'avais l'habitude de le faire depuis 1988, c'est à dire faire des présentations de mes produits, en l'occurrence des logiciels, aux cadres subalternes de ces organismes. Satisfaits des présentations les responsables subalternes, en général des directeurs centraux, me demandaient ensuite de leur donner les tarifs de mes fournitures et prestations, chose que je faisais verbalement et qui étaient acceptés verbalement par ces décideurs subalternes. Mais dés que je formalisais par un devis et un projet de contrat, où mon nom ou le nom du bureau d'étude apparaissaient l'affaire se mettait en veille pour ne pas dire à l'arrêt. Ceci lorsqu'il s'agissait d'une nouvelle affaire. Parfois j'ai même commencé à travailler chez le client, en installant les produits et en débutant la formation pour me retrouver illico presto à l'arrêt aussitôt que le Directeur Général était confronté aux documents officiels qui portaient mon nom. Cette situation a aussi touché mes anciens clients. Résultat de l'opération : arrêt total depuis 2014 à ce jour. Mis à part une entreprise que je ne peux citer pour des raisons de confidentialité, le reste a obéit à un "cabinet noir" qui m'a black listé faisant arrêter tout mes projets. Devant cette situation très déstabilisante et déprimante j'ai réfléchi a trois scénarios : 1. Le premier, quitter le pays, 2.Le second choisir une autre cible commerciale, 3. Le troisième, contacter la Présidence, car le nœud devait à mon avis se trouver à ce niveau. J'ai commencé par réagir par rapport au 2eme scénario. Ma cible : le domaine de la santé et la gestion des boutiques en tout genre. J'ai commencé par la gestion de la pharmacie et là je constate qu'il y a déjà des leaders installés, puis la gestion dentaire, puis la gestion de cabinet d'optique ( qui intéresse plus les opticiens à l"étranger) , ensuite cabinet médical généraliste, orthopédie, gynécologie, cardiologie, orl, ophtalmologie, psychiatrie, urologie, etc.. Rien de ce côté, car la plupart des médecins privés se sont emparés du politique et eux mêmes se trouvent laminés par une vague de fond qui les déstabilise à leur tour. Du côté des hôpitaux publics, le verrouillage se fait par décret avec à la base une opération de 210.000.000 da pour l'informatisation des comptabilités des hôpitaux rendue possible par 2 ministres, un premier ministre et un comptable qui s'est fait l'avocat du diable. Comment on dit dans le cinéma, "silence, on tourne". J'espère que vous avez compris. Il me restait les boutiques, en général, intéressés pour la plupart par leur gestion commerciale et qui optent le plus souvent pour des logiciels de saisie avec code barre faits plus pour aider l'agent dans son acte de saisie que pour avoir un reporting fiable et clair sur la gestion des boutiques. Eux aussi, atteint par la vague de fond contestatrice qui les a fini par les déprimer totalement. Conclusion, l'option 2 ne pouvait pas atteindre son objectif dans l'environnement actuel que nous vivons. Il me restait l'option 3. Je me suis dirigé alors à El Mouradia pour avoir le coeur net. Et là, silence radio. Depuis je me suis mis à écrire pour garder la forme. Entretemps j'ai accumulé des dettes, heureusement pas importantes et mes créances sont restées au stade ou elles étaient depuis plusieurs années. Quels sont les objectifs actuels par rapport à ces problèmes ? 1. La première c'est de revoir ceux qui ont mis en berne mes projets en pensant que maintenant ils vont être plus libres de réagir et ce n'est pas évident car le régime n'a pas changé et que les lois sont en l'état. 2. La deuxième c'est d'ester en justice ces organismes, mais il n'y a pas de preuves matérielles pour étayer ma requête. 3. La troisième c'est de ne rien faire par rapport au passé et d'attendre que du nouveau puisse arriver afin que ces problèmes puissent trouver une issue heureuse. Je ne dis pas "Yetnahaw Ga3", car je me suis toujours méfié de ce qui pouvait être séduisant. Par contre je pense que nous devons tous, chacun dans son univers, présenter nos problèmes et parfois nos drames tout en identifiant de façon précise , dans une page Facebook dédiée, ceux qui auront été responsables de nos blocages et notre errance. "Ga3" aura un nom, un lieu, une date, un dossier et parfois un processus malheureux qui aura entraîné l'un vers la maladie, l'autre vers la faillite, le divorce, l'endettement, la perte de la maison, la perte de l'enfant, la fuite dangereuse vers l'étranger, la psychiatrie. A ce moment ceux qui auront été responsables de façon consciente ou inconsciente de l'impact de ces actes et des dérives occasionnées pourront comprendre ce que signifie ce régime et comprendront pourquoi les manifestants se dirigent tous vers une violence contenue tout en revendiquant leur pacifisme. Avant que cela ne soit trop tard revisitons Nelson Mandela et essayons de voir comment arriver à une société libre, apaisée et surtout responsable. Mourad Boukhelifa Homme politique, expert software développer, politologue. (*) . Lire http://algerienetwork.com/algerie/je-suis-candidat-a-la-presidence-de-la-republique/