Entrevue de Mr. Anwar N. Haddam avec Algérie Network réalisée par Mr Brahim Younessi : Première Partie Q1) Monsieur Anwar Haddam vous êtes un homme de sciences connu, vous avez été professeur de physique nucléaire à l'université de Bab Ezzouar, vous êtes aussi issu d'une famille très connu en Algérie, votre oncle fut ministre de la santé, si ma mémoire est bonne, puis recteur de la mosquée de Paris avant de rejoindre le Haut Comité d'Etat, je crois. Politiquement, on pouvait penser que vous étiez plutôt du côté du pouvoir. D'autant que socialement, vous n'appartenez pas aux catégories les plus défavorisées. Vous êtes plutôt classés dans la bourgeoisie et l'élite intellectuelle du pays. Alors pouvez nous dire ce qui a motivé votre engagement en politique en dehors du système, dans l'opposition. Je crois, et vous en avez parlé dans certaines de vos déclarations, que vous étiez dans les années 70, peut-être avant, vous nous le préciserez, parmi les fondateurs et les acteurs du mouvement que vous appeliez « El Bina Al Hadari ». R1. Au nom d'Allah, le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux. Tout d'abord, permettez-moi de remercier algerienetwork.com pour cette entrevue. Permettez-moi de préciser dès le début que mon oncle que vous mentionnez dans votre question n'a eu aucune influence sur moi. Aussi, j'ai perdu le respect familial que je lui devais dès qu'il s'est rangé du coté des putschistes contre le choix du peuple. J'espère que ses enfants que j'estime toujours ne m'en voudraient pas ici. La réponse à votre question sur les motivations de mon engagement en politique réside en grande partie dans mon passé, dans mon enfance et mon éducation. Ainsi, et pour répondre à votre questionnement, je me vois dans l'obligation de revenir un peu sur mon passé pour la première fois peut être dans mes déclarations politiques, avec l'espoir de ne pas ennuyer vos lecteurs tout au long de mon récit, sachant que les services de renseignements algériens ont hâte de savoir les vérités de mon passé. Cela s'est traduit par le fait que depuis un mois les membres de ma famille ont reçu à Alger une convocation à mon sujet émanant du Commissariat Central et adressée au nom de mon père, alors qu'il est mort depuis dix années ! (qu'Allah le bénisse dans sa tombe). Les principales questions posées tournaient autour de mon enfance, mon passé éducatif, mon éducation, mes fréquentations, etc.… Pour commencer, je dois préciser que ma modeste histoire ressemble à celle de chaque Algérien fils du peuple d'après l'indépendance. Je suis né le 8 Novembre 1954 dans la vielle ville de Tlemcen. Algérien de souche, du coté paternel comme du coté maternel, depuis des siècles, Je suis le 6eme des 10 enfants qu'avaient eu mes parents : mon père Haj Mokhtar et ma mère Chaouch Ramdan Yamina Allah yarhamhoum ; ma mère vient de mourir le 20 Juin dernier après une longue maladie. Dans mon enfance, j'étais très proche de mes parents, ce qui a laissé un emprunt remarquable dans mon éducation et qui s'est traduit ensuite dans ma destinée politique. Pour cela je vais m'étaler ici un peu sur leur vie. Il est vrais que la Famille Haddam est l'une des plus anciennes familles de notre ville natale, et qu'elle ne faisait pas parti des catégories les plus défavorisées dans la composition sociale des familles Tlemceniennes comme vous le soulignait dans votre questionnement. Paradoxalement, cela ne veut pas dire que mes propres parents étaient riche et faisaient partie de la catégorie des plus aisées. Mon père été l'ainé de 5 enfants; il avait à peine 11 ans quand mon grand-père paternel Si Mohamed est mort, Allah yarhamou. Apres lui, ma grand-mère s'est trouvée dans l'obligation de faire presque la bonne durant des années afin de subvenir à ses enfants en bas âges. Aussi, mon père a due, dès l'âge de 13 ans à faire le porteur au souk de la ville pour apporter secours à sa pauvre mère. Cela fut jadis l'histoire de notre famille comme d'ailleurs de toutes les familles algériennes durant la période coloniale qui, malgré les temps dures, sont arrivées à préserver leur dignité et celles de leurs enfants. Concernant l'influence qu'ont eu mes parents sur moi : dans le climat de la guerre de libération et de pauvreté, J'ai appris de ma mère les bonnes leçons du courage, de la dignité et de servir l'autrui au nom d'Allah (travailler toujours Fissabililah). Malgré les difficultés financières de mon père, un fonctionnaire de l'éducation, il arrivait à subvenir, en tant qu'ainé et durant la guère de libération, aux besoin de sa famille, aussi bien à ses 10 enfants qu'à ma grand- mère et les familles de ses frères et sœurs. Ces conditions de vie pénibles n'ont jamais poussé ma mère à se plaindre de cette situation que ce soit par manque de nourriture ou par le fait qu'elle était l'épouse de l'aine devait servir tout ce beau monde de la famille. Nous les 10 enfants, grâce à la sagesse de notre mère, nous nous ne sommes jamais aperçus de la situation financière précaire de nos parents. Je me suis aperçu de cela, le jour où j'ai fondé ma propre famille et je devais assumer mes responsabilités autant que chef de famille, d'apporter de la nourriture à mes enfants et de prendre garde pour qu'ils ne s'apercevront pas de l'effort que j'éprouvais pour leur cause. Qu'Allah bénisse mes parents dans leur tombe. Parler de la dignité chez un peuple comme le nôtre, c'est parler aussi de la solidarité familiale et sociale au sein de ce peuple, qui malgré les difficultés sociales ne doit pas céder et doit au contraire rester motivé par le sens de ces deux notions : la dignité et la solidarité familiale et sociale, pour affronter cette situation économique causée par des politiques irresponsables instaurées par un régime totalitaire illégitime dont le destin de son débarras se dessine déjà dans l'horizon. Quant à l'influence de mon défunt père sur moi, elle vient surtout de son propre parcourt dans la vie. Il a été, dès son jeune âge au début des années 30, un élève de l'Association des Oulama ; il été très proche de Cheikh Abdel Hamid ibn Badis et de Cheikh al Bachir el Ibrahimi, Allah yarhamhoum. Ils l'ont encouragé à rejoindre aussi le mouvement politique national représenté par le PPA où il est devenu un membre actif dans la même période. Il été devenu ainsi très proche de Messali Haj ; cela il faut le rappeler avant le déclenchement de la guerre de libération. Ce rapprochement avec le mouvement nationale lui a value d'assumer des responsabilités politiques à un certain moment comme chef de la section PPA à Tlemcen et dans laquelle l'ancien Président Ahmed Benbella était membre. Mon père Hadj Mokhtar a fait son choix dès son jeune âge quant à la vie qu'il voulait emprunter. Son engagement reflète sa croyance et sa fidélité envers sa patrie et de voir ce même pays dont il vivait avec souffrance, indépendant et prospère, bâtit sur les principes de l'islam tels que compris par l'association des 0ulama. Cependant, durant la deuxième guerre mondiale où le pays traversait une situation de famine chaotique, mon père a dû se plier à ses obligations d'ainé de la famille. Ainsi, suite à la demande de ma grande mère en 1944, il a due tout quitter, et la politique et ses études doctorales à Paris, où il a décroché avant une licence en Mathématiques, afin de subvenir au besoin de sa mère, frères et sœurs ; il n'était pas encore marié. C'est comme cela qu'il a commencé sa carrière dans l'éducation. Durant plus de 45 ans, il a donné d'abord des cours particuliers en Maths, puis il a assumé les responsabilités en tant que maitre d'internat, surveillant général, censeur puis proviseur de Lycée. Grâce à lui, et dès mon jeune âge, je me suis moi-même intéressé à l'éducation et à la politique. En effet, je me rappelle qu'au 19 Juin 1965, alors que j'avais à peine 11ans, j'avais été indigné par l'intervention de l'armée contre le président de la république, comme je me demandais à l'âge de 13 ans durant la guerre d'octobre 1967 que faisait cette même armée pour aider nos frères palestiniens. Me voyant intéressé par la chose politique depuis mon jeune âge, mon père m'a fait engager dès l' âge de 16 ou 17 ans, dans les discussions sur l'Islam, sur Allah, la finalité de la vie sur terre, l'au-delà, sur la notion du volontarisme Fissabilillah, la da'wa, la politique, la justice sociale, la liberté, etc.… Il m'a même fait lire puis discuter une conférence qu'il avait donné au début des années 40, au Collège De Slane de Tlemcen, au sujet des droits de la femme en Islam selon le courant réformiste; nous en gardions toujours une copie dans notre bibliothèque familiale à Tlemcen. Ainsi, mes parents ont été d'une grande influence concernant mes choix dans la vie y compris mes engagements politiques. Je m'excuse auprès de vos lecteurs de m'avoir étalé comme cela sur le sujet de mes parents, car je voulais leur rendre hommage ainsi qu'à tous les parents algériens qui ont subi et le colonialisme et la dictature postindépendance et que souvent nous oublions d'apprécier leur valeur. Mon parcours éducatif et mon engagement politique je le dois aussi, après mes parents, à mon maitre penseur Malek Bennabi, dont j'ai eu le privilège de faire partie de ces élèves depuis ma première année à la faculté des Sciences de l'Université d'Alger en Septembre 1972, jusqu'à sa mort fin Octobre 1973. C'était une courte duré certes, mais ce grand homme m'a marqué pour la vie, Allah yarhamou. Il m'a appris à comprendre et approcher les questions de notre société dans leurs dimensions civilisationnelles. Sur les conditions d'une véritable renaissance, Malek Bennabi m'a ouvert les yeux sur le phénomène de « colonisabilité » et sur la véritable et profonde compréhension du verset Coranique [Surat 13, verset 11] : « En vérité, Allah ne change rien, en un peuple, tant qu'ils n'ont rien changé en eux-mêmes. » et ses implications sociales, culturelles, politiques et économiques. J'ai appris de Malek Bennabi que : « La politique est une réflexion sur la manière de servir le peuple, elle est à distinguer de la ‘Boulitique' qui n'est qu'une somme de hurlements et de gesticulations pour se servir du peuple…». Quant au Mouvement pour la Reconstruction Civilisationnelle (Harakat al Bina al Hadari), il est considéré comme le premier mouvement Islamique organisé en Algérie postcoloniale, bien avant celui des Frères Musulmans Algériens de Mahfoud Nahnah ou de Abdellah Jaballah. C'est en côtoyant le penseur Malek Bennabi que j'ai eu la chance et le privilège de rencontrer en 1972 les fondateurs du mouvement. Aussi, je ne prétends pas être un de ses fondateurs. Cela est vrai que je me suis engagé dans le mouvement il y a si longtemps. Cependant, j'étais très jeune ; j'avais à peine 18 ou 19 ans. Dans votre question vous faites allusion peut être à l'association culturelle qui porte le même nom, al Bina al Hadari, et qui a obtenu l'agrément des autorités algériennes juste après ‘l'ouverture politique' en 1989, et dont je suis l'un des fondateurs. Pour l'information, cette association culturelle a été parmi les premières à être dissoute par les putschistes en Janvier 1992 ! Je dois préciser ici que le mouvement al Bina al Hadari a le plus motivé mon engagement pour être au service du peuple depuis presque 40 ans. En effet, l'école indépendante d'al Bina al Hadari était le précurseur de cet engagement sur la base d'une éducation islamique. Ainsi, de 1972 à 1976, en parallèle de mes études en Physique à l'Université d'Alger, j'ai reçu dans cette école ‘clandestine' une éducation Islamique approfondie basée sur l'esprit critique. Nous avions étudié l'Interprétation (tafsseer) du Coran, les enseignements (Hadith & Sirah) du Prophète Mohammed (S.A.W.S.), le monothéisme en Islam (Tawheed et Iman), la Jurisprudence Islamique (Fiqh) ainsi que ses fondements et ses principes (ussul et qawa'ed al Fiqh), le Fiqh comparatif, les fondements et les objectifs de la Shari'a (al qawa'ed et Maqassid ashari'a), sur la sensibilisation (Wa'ye), (Taqwa, Tazkiah) & (Da'wa). Cette école d'al Bina al Hadari nous a permis d'étudier et d'exploiter beaucoup d'ouvrages des grandes références de la pensée islamique à savoir : Ibn Khaldoun (l'introduction), ceux de la Renaissance Mohamed Abdou, Rachid Redha…, ceux de nos Ulema Algeriens, et bien sur les ouvrages de Malek Benabi. Entre autre des études islamiques, nous avons eu aussi l'occasion de brasser quelques enseignements thématiques dans les domaines de la politique, de l'économie et le droit international. Q2) Votre famille s'est, me semble-t-il, toujours située du côté de la solution islamique pour l'Algérie, votre oncle Tidjani, médecin, mais aussi un théologien réputé, votre frère Lahbib, également médecin, et vous-mêmes avaient milité dans les organisations qui défendent un projet musulman. Dans les années 60, immédiatement après l'indépendance de l'Algérie, des sommités musulmanes dont certaines avaient appartenu ou appartenaient à l'Association des Oulamas, avaient décidé de créer l'Association « Al Qyyam Al Islamiyya » parce que l'AOMA n'avait pas le droit de se reconstituer à l'instar des autres organisations politiques. Le Congrès de Tripoli avait fait le choix du parti unique comme mode d'organisation politique et de transformation sociale. Aviez-vous personnellement des liens avec Al-Qyyam ? Et « Al Bina Al Hadari » que vous aviez fondé ne s'apparentait-il pas à cette association que Houari Boumediene a interdite en 1966 ? R2. Vous savez, mon ami, malgré mon apparence aujourd'hui avec la barbe et les cheveux blancs, je ne suis pas aussi vieux que cela ! En 1966, j'avais à peine 12 ans. Ainsi, je ne peux m'exprimer sur l'Association al Qiyam. Tout ce que je peux dire est que le fait que cette association culturelle a été dissoute d'une manière inconstitutionnelle et illégale, cela a poussé les fondateurs d'al Bina alHadari de créer d'une manière clandestine leur mouvement, une année après. D'ailleurs, c'est le cas pour d'autres mouvements algériens, islamiques ou autre. La clandestinité n'est pas un choix délibéré du mouvement, c'est une nécessitée lorsque l'on vit sous un système politique fermé. Pour précision, le mouvement al Bina al Hadari a été fondé, durant l'année universitaire 1967-1968, par des Professeurs Universitaires comme Dr. Abdel Hamid Benchicou, Ph D en Physique Nucléaire, premier Président du Mouvement jusqu'en 1973, et Dr. Mohamed Boudjelkha, Ph D en Mathématiques et 2ieme Président jusqu'en 1984. Le 3ieme Président élu à la tête du Mouvement (de 1984 à 1992) a été Cheikh Mohamed Said , Allah yarhamou ; qui a rejoint le mouvement en 1980. Q3) Très peu d'Algériens savaient ce que recouvrait ce terme de « Djaz'ara » qui émerge à l'intérieur du FIS au Congrès de Batna, après que les principaux dirigeants du Front eurent été emprisonnés à la suite de la grève dite insurrectionnelle de mai/juin 1991. Pouvez-vous nous dire ce à quoi il correspond véritablement parce qu'il est entouré encore aujourd'hui de beaucoup de confusion et d'imprécision politique et doctrinale ? Car ce concept de « Djaz' ara » est assimilé au nationalisme et fait écho au slogan de Mohamed Boudiaf lorsqu'il a été installé à la tête du HCE après l'interruption du processus démocratique et électoral par l'armée : « l'Algérie avant tout ». Le « Djaz'arisme » n'est-ce pas « l'Algérie avant et au dessus de tout » ? R3. Le Mouvement al Bina al Hadari a été sujet à plusieurs « étiquettes ». Parmi elles : ‘Jama'at al Talabah', du fait que le Mouvement a été fondée au sein de l'Université Algérienne; ‘al Badissiyiene', en référence à la ligne idéologique empruntée par notre mouvement relatif à l'Association des Ulama présidée par le défunt Cheikh, Abdel Hamid ibn Badis ; ‘les Bennabistes', en référence aux idées du défunt penseur Malek Bennabi dans lesquelles notre mouvement s'identifie ; ‘al Waqi'eya' ou réalisme compte tenu aux prises de positions réalistes du mouvement al Bina al Hadari ; ou encore ‘al Djaz'ara'. Il est à noter que cette dernière « étiquette » vient du groupe du défunt Nahnah du fait que nous avions refusé de rejoindre l'organisation internationale des Frères Musulmans. Pour l'histoire, Ben Badis avait pour slogan en 1925 dans sa revue ‘al Muntaqid' : « al watan qabla kul chai, wal haq fawqa kul ahad », interprétation :« la Nation avant tout, et le Loi au dessus de chacun » ; c'est d'ailleurs le même slogan adoptée par les politiciens d'al Bina al Hadari. Q4) Quelle était votre la démarche philosophique des fondateurs d' « Al Bina Al Hadari » lorsqu'ils vous aviez ont créé le mouvement ? Il me semble que ce mouvement que peu d'Algériens connaissaient rassemblait une élite qui propageait ses idées dans certains milieux universitaires qui rejoindront, pour la plupart, au début des années 90 le Front islamique du Salut dont vous étiez vous-mêmes un dirigeant très en vu et très influent. R4. En effet, le Mouvement al Bina al Hadari n'est pas connu à travers les medias, bien qu'il soit le plus ancien des mouvements islamiques Algériens, je dirais même le plus répondu à travers le territoire national. Pour le prouver, il suffit d'étudier en approfondie les résultats des élections municipales de Juin 1990, et surtout celles des parlementaires de Déc. 1991 dans la liste FIS, et vous allez apercevoir certainement que al Bina al Hadari, avec son aile politique, a contribué pour beaucoup à ce succès historique grâce au grand nombre de ses sympathisants à travers le territoire national. Les ‘stratèges' du pouvoir et leurs alliés étrangers ont été surpris par ces résultats historiques parce qu'ils ne connaissaient pas justement la société Algérienne et ses courants politiques ou idéologique. Concernant votre question sur l'approche philosophique d'al Bina al Hadari, je n'ai pas l'habilité de parler au nom du Mouvement al Bina al Hadari; je m'exprime aujourd'hui au nom de son aile politique. Cependant, je pourrais toujours présenter en quelques phrases ce mouvement qui, je le rappelle, a le plus motivé mon engagement à service du pays depuis presque 40 ans. Le Mouvement Islamique pour la Reconstruction Civilisationnelle (Harakat alBina alHadari alIslamia) se définit comme étant un mouvement national adoptant une approche compréhensive intégrale ; il se veut ainsi être un mouvement intellectuel, éducatif, sociale, réformiste, innovant. Il se considère comme un prolongement authentique et innovant du patrimoine et de l'expérience de la société algérienne en premier lieu, puis de ceux du Maghreb, du Monde Musulman, ainsi que de l'héritage de l'expérience globale culturelle et moral de l'humanité toute entière à travers l'histoire de toutes les civilisations de l'humanité sur cette terre. Le Mouvement al- Bina al –Hadari s'est dirigé vers la société qui reste toujours son principal objectif. Il est conduit et orienté par la mission de l'Islam ; en plus d'être un mode de vie, l'Islam est pour nous une mission pour la vie. Le Mouvement al- Bina al –Hadari œuvre pour une société algérienne qui serait attachée à ses racines et à son identité spirituelle, culturelle et Civilisationnelle. Une société qui serait fière de cet héritage, ouverte avec efficacité et confiance sur les expériences, les aspirations, les besoins, et les défis de son temps et de celui des régions maghrébine, du Monde Musulman, africaine et méditerranéenne. L'une des spécificités de ce mouvement c'est son respect pour la spécialisation de ses membres dans leur engagement: il y a ceux qui sont dévoués à la Da'wah, d'autres aux activités culturelles, et d'autres comme moi à la politique. Actuellement, beaucoup se trompent en disant que al Bina al Hadari a rejoint le FIS. Seuls ses politiciens, à l'instar de Cheikh Mohamed Said, Allah yarhamou, et moi-même, pour ne citer que les plus connus par les medias, ont eu à adopter le FIS comme cadre pour l'action politique. Cette approche qui consiste à respecter la diversité et la spécialisation des membres nous a permis de préserver l'unité du mouvement. Aussi, parmi les activités et réalisations et du Mouvement al Bina al Hadari, on peut citer l'institution de « la Mosquée des Etudiants » fondé par ses membres dans les universités et lycées à travers le pays, à commencer par celle de l'Université d'Alger en 1967. Cette institution, avec ses activités culturelles telles que la revue mensuelle ‘Que sais-je de l'Islam', l‘Exposition Annuelle du Livre Islamique', les conférences-débats, ou encore le ‘Séminaire Annuel sur la Pensée Islamique' sous la couverture du Ministère des Habous, constitue une étape importante pour la construction du pays postcolonial. Ceci est dû tout d'abord à l'importance de l'éducation pour le développement du pays. La Mosquée des Etudiants nous a fourni à nous les dizaines de milliers, je dirais même les centaines de milliers à travers les années, de jeunes algériens étudiants, venus des quatre coins de l'Algérie, un environnement sain, adéquat et loin des tentations et vices qui empêchent toute concentration sur nos études. Les étudiants qui ‘fréquentaient' la Mosquée étaient les meilleurs de leurs promotions. La ‘Mosquée des Etudiants' constitue une étape importante aussi dans l'histoire du mouvement islamique algérien en générale. Cela est dû à la place importance qu'occupait l'étudiant dans notre société durant ces années du lendemain de l'indépendance, particulièrement dans les zones rurales et les quartiers populaires. C'est comme cela que les villes et villages à travers le territoire national ont vu l'apparition des ‘Mosquées Indépendantes' (al Masjid al Hur) et c'est ainsi que la Da'wa s'est propager rapidement dans le pays. Car la Mosquée constitue pour une société Musulmane l'une des institutions importantes de la société civile. La Mosquée Indépendante était la seule parmi les institutions de la société civile à préserver sa liberté, avant que le pouvoir, et à l'instar des autres institutions, a eu la main mise sur elle après le coup d'état de Janvier 1992. Al Bina al Hadari a été aussi très actif dans la défense des éléments constitutifs de notre identité algérienne, ainsi que les intérêts stratégiques de notre peuple. Je citerais ici les tournants décisifs de l'histoire récente de notre pays, tels que les discussions sur la Charte Nationale de 1976 auxquelles nous, membres d'al Bina al Hadari, avions participé à travers le pays, favorisant l'action démocratique par le biais du dialogue national. Paradoxalement à d'autres courants de la mouvance Islamique qui se sont exprimés par des actes de sabotage (cisaillement de pilonnes électriques !). Il faut noter aussi les événements d'Octobre 1988 et notre revendication, dans le cadre de la Ligue pour la Da'wa Islamique de Cheikh Ahmed Sahnoun, Allah Yarhamou, de l'ouverture du champ politique d'une manière pacifique, et nos efforts pour l'aboutissement du processus électorale en Juin 1990, pour les municipales, et en Décembre 1991 pour les parlementaires… Concernant la tragédie nationale qui a suivi le coup d'état de janvier 1992, je suis sûre que le rétablissement de la vérité sur cette épisode montrerai clairement la contribution des politiques d'al Bina al Hadari dans les efforts nationaux pour une solution politique et pacifique à la crise politique que vit notre pays depuis. Le Mouvement al Bina al Hadari n'a pas eu que des succès. Ainsi, Bien qu'il a engagé des discussions avec les autres courants de la mouvance islamique, algérienne, La Ligue de la Da'wah Islamique en est un exemple. Cependant, nous avions omis d'ouvrir un dialogue sérieux avec les autres tendances idéologiques ou politiques nationales, ainsi qu'avec l'institution militaire et sécuritaire. Ceci à mon avis a été un grand handicape et constitue une erreur stratégique de notre part que nous essayons aujourd'hui d'y remédier. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre nos initiatives: d'hier, au sein de la « Délégation Parlementaire du FIS à l'Etranger » en 1995 à Rome et le ‘Contrat National pour une Solution Politique et Pacifique à la Crise Algérienne' ; et d'aujourd'hui, au sein du « Mouvement pour la Liberté & la Justice Sociale (MLJS)» avec le ‘Mémorandum du MLJS pour une Plate-forme Nationale pour un Changement Global et Graduel du Système Politique en Algérie', et dont vous aviez eu l'amabilité de le publier sur votre site web. Un tel dialogue entre Algériens, toute tendance confondue, militaires ou civils, est essentiel pour accomplir un changement pour un nouveau système politique qui sera représentatif du peuple dans sa diversité. Q5) Vous étiez, en même temps que votre frère, un proche de cheikh Sahnoun et de Mohamed Saïd (Que Dieu ait leur âme) qui n'étaient ni l'un ni l'autre des militants du FIS. Et malgré cette filiation « réformiste », votre profil, votre statut et votre itinéraire, vous rejoignez le FIS qui prend dès sa fondation une posture « révolutionnaire » et une stratégie « internationaliste » alors que votre « groupe » prônait « l'algérianisme » (la Djaz?ara). Pardonnez-moi, du fait justement de votre itinéraire, peut-être même de votre tempérament voire de votre éducation familiale, vous pouviez vous retrouver aussi bien au Hamas/MSP de Mahfoud Nahnah (Que Dieu ait son âme) qui faisait d'ailleurs partie de la Rabita de Cheikh Sahnoun, si je ne me trompe ? R5. Sur la question de la stratégie du FIS, vous n'êtes pas sans savoir que le FIS comme son nom l'indique est un front de personnes venant de courants idéologiques différents. Concernant les hommes politiques d'al Bina al Hadari, cheikh Mohamed Said inclus, nous avions accepté l'invitation du Président du FIS pour rejoindre le parti sur la base de l'avant-projet du programme du parti tel que présenté au peuple et auquel il répondait à nos aspirations en tant que courant algérien réformiste. Il se pourrait que des membres du FIS appartenant a d'autres courants avaient d'autres agendas. Mais ce que je peux vous affirmer, qu'au moins depuis notre adhésion au FIS et jusqu'à notre démission en Aout 2004, le FIS en tant que parti politique est resté fidele à son programme tel que présenté au peuple et sur la base duquel nous les parlementaires avions été élu en Déc. 1991. lire la deuxième partie de l'entretien : Anwar Haddam à Algerie Network (2/2): Nous prônions le retour au processus démocratique