Le co-développement et la libéralisation des échanges ne suffiraient pas pour maintenir les émigrés chez eux, estime El Mouhoub Mouhoud, dans une publication éditée par le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti). Dans une contribution intitulée "Economie mondiale et circulations migratoires", M. Mouhoud a affirmé qu'il "serait temps de cesser les sempiternelles litanies consistant à clamer qu'il suffit de faire du co-développement et de libéraliser les échanges pour que les émigrés restent chez eux". Pour lui, contrairement à "une idée reçue et partagée par beaucoup", les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ne reçoivent pas "toute la misère du monde". "Lorsque l'on mesure le taux d'expatriation ou d'émigration en rapportant très simplement le nombre d'émigrants à la population du pays de départ, on obtient une courbe en cloche", a-t-il affirmé, signalant que plus le pays est pauvre, plus son taux d'expatriation est faible, plus il approche d'un stade de développement relativement intermédiaire, plus son taux d'expatriation va atteindre un maximum. Pour ce professeur d'économie à l'université de Paris, penser que "nous recevons la misère du monde est donc erroné, car les migrants des pays du Sud les plus pauvres sont ceux qui ont le plus de mal à partir, alors que ceux qui ont le plus de facilités à le faire, c'est bien connu, ce sont les migrants des pays à revenu intermédiaire". Analysant les effets de la fuite des cerveaux sur les pays de départ, il a affirmé que c'est à partir de 15-20 % de taux d'expatriation de qualités d'un pays donné que l'effet sur le pays de départ est "catastrophique", en termes de croissance et de développement, notamment. Même s'il reconnaît que le phénomène peut produire des effets "positifs" (réduction du chômage parmi les diplômés des pays de départ, transfert d'argent via la diaspora, retour des compétences), M. Mouhoud a jugé "utile" de promouvoir ces migrations "à condition que les migrants concernés bénéficient d'un statut et d'une liberté de circulation complète". Il a déploré, à cet effet, que toutes les enquêtes qui ont été faites montrent que parmi les migrants et les exilés, nombreux sont ceux qui possèdent des diplômes de niveau élevé, mais cette qualification "n'est ni visible ni revendiquée, parce que les gens ne parlent pas la langue ou parce qu'ils sont mis dans des situations de clandestinité. Ils sont d'emblée considérés comme non qualifiés". "Le statut juridique provoque en fait un déclassement des migrants sur le marché du travail", a-t-il relevé, regrettant que ce "gaspillage de cerveaux" représente une perte non seulement pour les gens eux-mêmes, mais aussi pour le pays d'accueil qui les "utilise".