Le président tunisien intérimaire Foued Mebazaa pourra désormais gouverner par décrets-lois après l'adoption mercredi par la Chambre des conseillers (Sénat) d'une loi en ce sens, une procédure visant à contourner le Parlement alors que le pays se trouve en phase de transition politique. Le texte, déjà voté à l'Assemblée nationale lundi, a été adopté a été adopté à l'unanimité par les 86 sénateurs présents, sans aucune abstention. Cette loi doit permettre au président Mebazaa de prendre des décrets-lois concernant notamment l'amnistie générale, les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme, l'organisation des partis politiques ainsi qu'une réforme du code électoral. A l'ouverture du débat, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi avait appelé les sénateurs à voter en faveur de cette loi "pour permettre au gouvernement de travailler", expliquant que l'objectif visé est de "préparer des élections transparentes et équitables avec la participation de tous les partis". Des élections présidentielles et législatives doivent se dérouler dans six mois, mais aucune date précise n'a été arrêtée pour le moment. Le gouvernement d'union nationale de transition de M. Ghannouchi a déjà pris une série de mesures visant à concrétiser le changement et à apaiser les tensions sociales : révocation des ministres issus de l'ancien cabinet sous l'ère du président Zine El Abidine Ben Ali, gel des activités du Rassemblement Constitutionnel Démocratique" (RCD), l'ex-parti au pouvoir, en attendant sa dissolution, et remplacement de hauts responsables de la sécurité qui étaient sous les ordres du gouvernement du président déchu par de nouveaux cadres (pour la première fois en Tunisie un militaire est nommé à la tête de la direction générale de la sûreté nationale tunisienne en la personne du général Ahmed Chabir). Mais ces mesures se sont révélées insuffisantes pour calmer la colère de la population dont le seul souci est de "préserver les acquis de la révolution populaire de toute dérive", et satisfaire les revendications de l'opposition. Aussi les préoccupations es citoyens, de l'ensemble de l'opposition et des associations de la société civile se sont-elles focalisées sur la revendication de la dissolution du RCD qui, de l'avis de nombreux partis tunisiens, a beaucoup nui au pays et aux personnes et dont la dissolution était devenue impérative. Les autorités tunisiennes ont vite fait de suspendre toutes les activités de cette formation politique, de fermer ses locaux et d'introduire une action en justice pour sa dissolution finale et irrémédiable. Le gouvernement de coalition est allé plus loin encore en faisant adopter par le Parlement et le Sénat, composés en majorité de députés de l'ancien parti, le projet de loi habilitant le président par intérim Fouad Mebazaâ à prendre des décrets-loi sans recourir au pouvoir législatif. Le Chef de gouvernement a expliqué que la situation dans le pays requiert de la célérité dans l'élaboration des nouvelles lois devant accompagner le changement démocratique dont celles sur les partis, les élections, les droits de l'homme et l'information. Mais à peine des revendications de la population ou de l'opposition sont-elles acceptées par le gouvernement, que d'autres surgissent, la dernière en date étant la contestation des récentes nominations dans le corps des gouverneurs. Pour l'opposition et la population, ces désignations "sont préjudiciables à la révolution populaire" puisque ces nouveaux gouverneurs, expliquent-elles, ont servi l'ancien régime. Après une série de consultations avec l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), le gouvernement de coalition a accepté la nomination de nouveaux gouverneurs n'ayant "aucun lien" avec l'ancien système, a indiqué la centrale syndicale. Les deux parties ont convenu d'œuvrer ensemble pour le rétablissement de la sécurité et la résolution "urgente" des problèmes des travailleurs. "Le Front du 14 janvier" qui comprend 10 partis politiques interdits sous l'ancien régime estime pour sa part que le gouvernement de coalition a été "discrédité" après la nomination de 19 gouverneurs appartenant à l'ancien régime parmi les 24 nouveaux gouverneurs. Face à la "grave situation" que traverse le pays, le chef du parti communiste travailliste tunisien (PCTT), Hama Hamami a réitéré son appel à la création d'une Assemblée constituante à même de "garantir" l'instauration des règles démocratiques, l'organisation d'élections libres et transparentes et d'assurer une transition démocratique. De son côté, la secrétaire générale du parti démocratique progressiste (PDP, ancienne opposition légale du temps de Ben Ali et participant au gouvernement de coalition), Maya Jribi, a indiqué, concernant la position de son parti sur les derniers développements, que "des idées obsolètes caractérisent l'action du gouvernement, en témoigne le fait qu'il n'arrive pas à admettre l'existence d'une société civile qui doit en principe être associée aux reformes". Ouverture prochaine de négociations sociales en Tunisie TUNIS - Des négociations sociales à l'échelle nationale s'ouvriront prochainement en Tunisie, a annoncé mercredi soir le président tunisien intérimaire, Foued Mebazaa. "Ces négociations sociales seront le meilleur cadre de dialogue et de concertation pour régler la situation sociale de toutes les catégories du peuple et dans tous les secteurs", a souligné M. Mebazaa dans une allocution à la télévision nationale, quelques heures après avoir été investi de pouvoirs de crise par le Parlement tunisien. "Vos demandes sont légitimes, mais vous devez comprendre la difficile situation à laquelle le pays est confronté", a expliqué le président qui s'adressait aux Tunisiens depuis son entrée en fonction le 15 janvier, au lendemain de la fuite à l'étranger du président Zine El Abidine Ben Ali.