La Chambre des conseillers, le Sénat tunisien, a entamé hier le débat sur la loi permettant au président par intérim de gouverner par décrets. En présentant ce texte, voté à l'Assemblée nationale lundi dernier, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi entend donner les outils nécessaires «pour permettre au gouvernement de travailler». La population est invitée à davantage de patience. «Nous sommes soumis à des pressions sociales à cause des revendications du peuple pour l'amélioration de sa situation. Mais il faut prendre en considération le fait que l'Etat n'est pas encore dans la capacité pour le moment de répondre à toutes ces demandes. Nous n'avons pas de baguette magique», s'est défendu le chef du gouvernement de transition qui traîne toujours le handicap d'avoir été l'homme de l'ex-autocratie. La loi en question devrait permettre au président intérimaire, Foued Mebazaa, de prendre des décrets-lois pour contourner les garde-fous de l'ancien système toujours en vigueur. L'amnistie générale, les textes internationaux relatifs aux droits de l'Homme, l'organisation des partis politiques et la réforme du code électoral sont en attente. Le Premier ministre a annoncé la légalisation imminente des partis politiques interdits sous le régime répressif de Ben Ali. On pense particulièrement au mouvement islamiste Ennahda de Rached Ghannouchi et au Congrès pour la République (gauche) de Moncef Marzouki. Cette légalisation prochaine aura pour objectif de préparer, une première en Tunisie, des élections transparentes et démocratiques avec la participation de toutes les sensibilités du peuple. Les autorités de transition ont annoncé la tenue d'élections présidentielle et législatives dans six mois. Pour l'heure, aucune date n'est précisée. Hier, le quorum requis a été atteint au Sénat avec 86 sénateurs présents. Le sabordage du Parlement bicaméral hérité de l'ère implacable de Ben Ali est en marche. La Chambre des conseillers compte ordinairement 126 élus, mais, lors des élections de 2005, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) avait refusé d'occuper les 14 sièges qui lui reviennent selon la Constitution et la loi électorale. Il ne reste plus que 111 sénateurs après la démission, le 25 janvier dernier, du président de la Chambre haute, un proche de l'ancien régime, depuis en résidence surveillée. Les institutions héritées de l'ancien système sont devenues des lieux de débats épiques dans la Tunisie nouvelle. L'actuel Premier ministre est souvent frontalement interpellé sur sa légitimité à la tête du gouvernement de transition. M. B.