Malgré un prix relativement abordable, le médicament générique n'arrive toujours pas à s'imposer sur le marché pharmaceutique algérien, le malade portant souvent son choix sur la molécule d'origine, ou le princeps, pendant que le médecin semble hésiter, de son côté, à le prescrire. C'est que la question du médicament générique n'en finit pas de susciter de vives réactions notamment parmi les patients. Approché par l'APS dans une officine de la capitale, Yahia, qui souffre d'une maladie cardiovasculaire depuis une année, confie qu'il préfère se traiter avec des médicaments "d'origine" car, selon lui, plus efficaces et son médecin lui a toujours prescrit ce type de produits. Un autre, qui demandait un traitement d'appoint contre la fièvre, a lui aussi choisi des médicaments d'origine, en dépit de leurs prix élevés, expliquant qu'il avait déjà utilisé des génériques mais a constaté qu'ils guérissaient "moins vite que les princeps". Pour le pharmacien, les malades doutent à tous les coups de l'efficacité du générique. Cette méfiance se traduit par des expressions et des questionnements désormais familiers: "Est-ce vraiment le même médicament ?", "Donnez-moi le vrai, je suis prêt à payer!" ou encore "je préfère ma marque habituelle". Or, parole de spécialistes, un générique est aussi vrai que son princeps. Le doute est facilement levé lorsque l'on connaît les différentes étapes que traverse le processus de contrôle des produits pharmaceutiques, tous types confondus, avant leur commercialisation, insiste le pharmacien. Quasi absence de campagnes de sensibilisation dans l'audiovisuel "L'obstacle principal à la prescription de médicaments génériques provient, à mon avis, de la méfiance, peu argumentée, des médecins à leur égard et d'une quasi-absence de campagnes de sensibilisation sur le générique au niveau notamment des moyens d'information audiovisuels", selon le gérant de l'officine. Intervenant dans la conversation, une dame parmi les rares personnes à choisir le générique, pour des raisons de coût, se dit un peu désorientée par le grand nombre de génériques qu'on lui propose, à chaque fois, pour un même princeps. "Il est devenu fréquent qu'une personne se voit proposer un médicament différent de celui prescrit par le médecin", fait remarquer cette dame, qui se demande pourquoi les médecins ne prescrivent pas de médicaments génériques au lieu du princeps afin que cela ne prête plus à confusion. Un médecin présent dans la pharmacie tente une explication: certains de ses confrères, dit-il, "font confiance, prioritairement, aux médicaments de référence qu'ils connaissent et prescrivent depuis longtemps". Selon ce praticien, cette tendance commence toutefois à disparaître avec les mesures gouvernementales interdisant l'importation de tout produit pharmaceutique déjà fabriqué en Algérie. Il assure que le générique est la "copie conforme" du médicament original produite par le même laboratoire pharmaceutique. "En revanche, des différences peuvent exister: l'effet, par exemple, peut apparaître plus rapidement ou peut être plus ou moins important", explique le médecin. La posologie, les indications et contre-indications, les effets secondaires et les garanties de sécurité des génériques sont identiques à ceux du princeps. Seuls les excipients (l'enrobage) peuvent varier, "ce qui peut entraîner de nouveaux effets secondaires ou certaines contre-indications supplémentaires, comme les allergies", explique-t-il. Selon les statistiques, la consommation de médicaments génériques en Algérie est cependant en "constante évolution" et touche actuellement plus de 30% des patients traités, alors qu'en 2008, elle ne dépassait guère les 10%. Cette évolution est attribuable surtout aux campagnes de sensibilisation menées par les pouvoirs publics et les acteurs du secteur de l'industrie pharmaceutique pour promouvoir la consommation du générique. Multinationales: campagnes féroces de dénigrement du générique local Au Salon international sur le médicament générique, qui s'est tenu jusqu'à samedi à Alger, des laboratoires et autres fabricants et distributeurs de médicaments affirment qu'ils étaient encore très loin des objectifs gouvernementaux visant notamment à encourager la fabrication et la consommation des médicaments génériques. Cette situation est due avant tout aux réticences du prescripteur, du pharmacien et surtout du patient lui-même, selon le représentant du laboratoire pharmaceutique Ival, Charef Stambouli, qui l'attribue aussi aux campagnes de désinformation menées par des multinationales dénigrant le générique fabriqué localement. De son côté, le groupe Saidal a imputé la polémique dont a fait l'objet, ces derniers jours, son médicament Rhumafed à la campagne menée contre lui la qualifiant de "tentative de déstabilisation" de l'entreprise. Une campagne que le groupe considère comme "loin d'être innocente, si l'on en juge par son intensité et l'importance des moyens mis en œuvre". "Il existe même des médecins qui sont conventionnés par ces multinationales pour faire la promotion des produits originaux", selon un autre laboratoire, qui pense qu'il s'agit là d'une concurrence "déloyale", avantagée par un marché "non encore tout à fait structuré". Pour le responsable du laboratoire pharmaceutique Merinal, la structuration du marché du médicament passe par la création notamment de structures chargées de le réglementer, dont l'une des missions est d'aboutir à une traçabilité du médicament. L'Algérie s'est engagée à édifier une industrie nationale du médicament, en partenariat avec des laboratoires étrangers pour atteindre, en 2014, une couverture de 70% environ (contre 38 % actuellement) de ses besoins en la matière, résultant de mesures publiques visant à diminuer graduellement la dépendance du médicament importé. Une soixantaine de producteurs de médicaments, une vingtaine de conditionneurs et 560 distributeurs composent le marché du médicament en Algérie, dont la production actuelle est composée à 80 % de génériques.