Deux psychologues, un psychiatre et un enseignant en sciences sociales ont participé à l'élaboration d'un ouvrage intitulé "Tentatives de suicide et suicide des jeunes à Oran: désespoir ou affirmation de soi?",que vient d'éditer le Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle (CRASC). Badra Mouatassem-Mimouni, Fatima Zohra Sebaa, toutes deux psychologues, Bentamra Jaoui, psychiatre et Mostéfa Mimouni, enseignant des sciences sociales, se proposent d'analyser, le long des 160 pages qui composent l'ouvrage, ce phénomène du suicide et des tentatives de suicide qui prend, ces dernières années, des proportions inquiétantes. L'ouvrage est le résultat de quatre années de réflexion et d'investigations sur ce phénomène, entreprises par un groupe de recherche au sein du CRASC, avertissent ses auteurs, tout en soulignant les différentes difficultés rencontrées en abordant ce sujet tabou, notamment celle ayant trait à l'accès aux statistiques. "Malgré les difficultés d'obtenir des chiffres exhaustifs, nous observons que le nombre de personnes qui font une tentative de suicide à Oran est en augmentation", soulignent les auteurs qui appuient cette affirmation par des données statistiques des UMC du CHU d'Oran. Quelque 295 tentatives de suicide en 2001, environ 400 en 2002, 508 en 2003 et 629 en 2005 dont 30 sont décédés. En 2006, selon le CHUO, 660 tentatives ont été enregistrées dont 394 femmes, notent-ils, précisant que c'est surtout la tranche d'âge 25-34 ans qui est la plus touchée par ce phénomène avec 65% des cas. Citant l'étude du Dr. Boublanza et de son équipe sur trois wilayate de l'ouest du pays, les auteurs de l'ouvrage ont cerné, en trois catégories, les causes du suicide et de la tentative de suicide. Pour le sujet jeune, les causes résident dans l'échec scolaire ou sentimental, la perte de la virginité ou un état gestationnel illégitime et l'incompréhension familiale. Pour le sujet adulte, ce sont les difficultés matérielles qui dominent ainsi que la perte de perspective d'avenir et les problèmes familiaux. Enfin, pour les personnes âgées, les causes résident dans un comportement déshonorant d'un descendant, la solitude et le rejet familial, a-t-on relevé. Les quatre chercheurs se sont également penchés sur les conséquences de ces gestes de désespoir sur le suicidant ainsi que sur sa famille. "Une tentative de suicide peut constituer un grave traumatisme pour les familles de suicidés ou de personnes qui ont fait des tentatives de suicide: souffrance d'avoir risqué de perdre son enfant et autres dues aux pressions sociales, symboliques (pêché, malédiction, punition), blessure narcissique", notent-ils. Des études de cas ont été présentées dans l'ouvrage pour comprendre certaines situations qui conduisent inexorablement des jeunes oranais à passer à l'acte. Un cas parmi tant d'autres, celui de Radia, 21 ans, lasse de subir les pressions de son frère qui la réprimandait à tout bout de champ, a avalé une dizaine de neuroleptiques. Pour elle, sa tentative de suicide est une manière d'affirmer son existence. L'intérêt de cet ouvrage, qui propose de toucher du doigt ce problème qui endeuille des familles entières, réside également dans les propositions faites pour prendre en charge les suicidants et leurs familles. Il s'agit, entre autres, de la mise en place d'une unité de prise en charge dont la finalité est de consolider la personne.