De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali La pratique du châtiment corporel est loin d'être bannie des établissements scolaires algériens. Les enseignants - dont les conditions de travail demeurent très mauvaises - manquent de formation pédagogique pour maîtriser les élèves difficiles sans recourir à la violence. Le ministère de l'Education nationale ne favorise pas l'émergence d'un dialogue élèves-enseignants-administration. La situation de l'école algérienne n'est donc pas très reluisante et il lui faudrait beaucoup pour qu'elle évolue dans la bonne direction. «En interdisant les châtiments corporels, l'Etat algérien a omis d'évoquer le harcèlement moral. Ce qui est, à mon sens, très grave, cette violence pouvant avoir des effets destructeurs sur la personnalité de l'élève», estime Fatima-Zohra Sebaa, psychoclinicienne et chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC). «Déshabiller un élève devant ses camarades, le traiter de tous les noms, ironiser sur la petitesse de son sexe sont des pratiques de nature à faire des ravages chez l'enfant. Adulte, soit il reproduira la même violence, soit il passera sa vie à subir toutes les avanies», ajoute la chercheuse. Dans les deux cas, ce sera une personne à la psychologie fragilisée par la faute d'une école et d'une société encore sourdes aux vertus du dialogue. Pour Fatima-Zohra Sebaa, le législateur algérien devait se pencher très vite sur la question de la violence morale parce que l'attention n'étant focalisée que sur le châtiment corporel, le phénomène demeure mal appréhendé et ses conséquences aussi multiples que sournoises. «Dans tous les cas de violence, corporelle ou morale, il est vital que les parents d'élèves réagissent avant qu'il ne soit trop tard. Même si l'enseignant n'est pas sanctionné, il faut rassurer l'enfant, premier pas pouvant mener vers la reconstruction de sa personnalité», rappelle notre interlocutrice en déplorant la «complicité» de certains parents qui autorisent l'enseignant à «violenter» l'élève.Parmi les solutions préconisées pour changer cette école un peu violente et cette société un peu trop laxiste, la chercheuse réclame une structure d'évaluation de la personnalité des enseignants et suggère une réflexion autour de la création de structures de formation des parents. «Nous avons vu des enseignants agir de façon monstrueuse avec leurs élèves, cela veut dire qu'il y a un problème avec leur personnalité. Il ne s'agit pas de jeter la pierre sur le corps enseignant qui, tout le monde le sait, travaille dans des conditions déplorables, mais il faut veiller à ne pas mettre des élèves en présence de personnalités à problèmes», conseille Mme Sebaa. Il est vrai que certaines pratiques évoquées par des élèves et leurs parents (les psychologues scolaires en savent quelque chose) ne font pas honneur à leurs auteurs, ceux-ci devant normalement en répondre devant des instances autres que de banals conseils de discipline de l'éducation nationale. Même s'ils dénoncent ces violences «exagérées», les enseignants justifient aisément le «durcissement» du comportement envers certains élèves comme de la légitime défense. «Aujourd'hui, ils ont des comportements inacceptables et n'hésitent pas à lever la main ou à nous menacer de représailles. Il faut se faire respecter et montrer de l'autorité et, souvent, nous n'avons pas d'autre choix», justifient des enseignants. Attitude que réfute Fatima-Zohra Sebaa qui rappelle que, ce faisant, les enseignants s'abaissent au même niveau que leurs élèves, ce qui n'est évidemment pas dans leur rôle d'éducateurs. En tout état de cause, la violence étant visible au quotidien dans notre société, il est évident que le châtiment à l'endroit des élèves - qu'il soit corporel ou moral - n'est pas près de disparaître des écoles. Et qu'il reste encore un long chemin à parcourir avant que le dialogue ne prenne la place qui doit être la sienne dans la gestion des conflits.