La situation en Libye a connu des développements clés ces dernières heures avec les révélations sur l'engagement d'opérations de la CIA en Libye, la possibilité de livraison d'armes aux rebelles et la démission-surprise du ministre libyen des Affaires étrangères qui a "fui" mercredi soir vers Londres. Le président américain Barack Obama a signé récemment un décret confidentiel autorisant des opérations secrètes de la CIA en Libye pour appuyer les insurgés libyens, selon l'agence Reuters. Les agents de la CIA, qui s'étaient rendus en Libye peu de temps après l'évacuation totale de l'ambassade américaine à Tripoli, sont en contact avec les rebelles dans le but notamment de recueillir des renseignements sur leur identité, leurs objectifs et leurs actions contre le régime du dirigeant libyen Maammar El-Gueddafi, ont indiqué des responsables américains, alors que la Maison Blanche n'a toujours pas annoncé s'il y aura lieu ou non de fournir des armes aux rebelles libyens. Interrogé sur la chaine de télévision NBC sur un éventuel armement des rebelles, le président américain a répondu: "Je ne l'exclus pas. Mais je ne dis pas non plus que cela va se faire". Mercredi soir, un communiqué du porte-parole de la Maison-Blanche soulignait qu'"aucune décision n'avait été prise quant à la fourniture des armes à l'opposition ou à un groupe en Libye". Selon les observateurs, les renseignements que la CIA ainsi que les services secrets d'autres pays occidentaux, qui sont également sur place, tentent d'obtenir sont d'autant plus cruciaux que le gouvernement américain et ses partenaires de la coalition envisagent de fournir une aide militaire directe ou des conseils aux insurgés qui seraient, a-t-on estimé, inexpérimentés, désorganisés et incapables de s'imposer sans un appui étranger. Bien que rien ne soit encore décidé dans ce sens, le président Obama aurait autorisé les préparatifs pour lancer un tel effort, selon des responsables américains cités par le Washington Post. Cependant, un éventuel armement des rebelles se heurte à des appréhensions et réticences de responsables du gouvernement et de parlementaires. Le président da la commission du Renseignement auprès de la Chambre des représentants, Mike Rogers, qui soutient pourtant l'intervention militaire américaine, n'en pense pas moins que les Etats-Unis n'étaient pas suffisamment renseignés sur les rebelles libyens pour leur fournir éventuellement des armes. "Nous n'avons pas besoin de chercher très loin dans l'Histoire pour trouver des exemples de conséquences inattendues lorsque nous avions fourni des armes à des groupes de combattants que nous ne connaissions pas tel qu'il fallait les connaître. Nous devrions être très prudents avant de se précipiter dans une décision qui pourrait revenir nous hanter", a-t-il rappelé. Ce dernier faisait allusion, entre autres, à l'Afghanistan où la CIA armait les moudjahidines opposés au gouvernement communiste afghan soutenu par l'ex.URSS. Ce qui contribua à l'affaiblissement du Bloc de l'Est mais favorisa la montée en puissance des Talibans. Même avis partagé par le président de la commission des Services armés au Sénat, Carl Levin, qui s'est dit plus préoccupé par la façon dont les rebelles utiliseraient les armes après un cessez-le-feu: "Vont-ils arrêter de se battre ou continueraient-ils à utiliser ces armes?". En outre, de hauts responsables du gouvernement américain dont ceux du Pentagone ont avoué doublement leur crainte du fait qu'une livraison d'armes pourrait se traduire par un enlisement de l'engagement américain dans une guerre civile et que certains combattants étaient suspectés d'avoir des liens avec Al-Qaïda. D'autant plus, mettent-ils en garde, les rebelles forment un groupe hétéroclite qui mène une bataille contre le colonel Maammar El-Gueddafi à partir d'une base dans l'est de la Libye, une région longtemps soupçonnée de fournir des recrues terroristes pour Al-Qaïda. Pour Bruce O. Riedel, un ancien de la CIA et analyste à la Brookings Institution, certains qui avaient combattu avec les insurgés en Irak et en Afghanistan sont rentrés chez eux en Libye: "La question qui se pose est de savoir s'ils représentent 2% de l'opposition libyenne? 20%? Ou 80 %''. Par ailleurs, le ministre libyen des Affaires étrangères Moussa Koussa qui, selon le Foreign Office, a démissionné de ses fonctions, était arrivé mercredi soir en Grande-Bretagne après un séjour de deux jours en Tunisie, présenté officiellement comme une "visite privée". Selon les analystes, il s'agit soit d'une défection indiquant qu'El-Gueddafi serait dans une situation désespérée, soit qu'il s'est rendu à Londres pour négocier un exil du dirigeant libyen, d'autant plus que la Cour pénale internationale n'a pas encore émis contre ce dernier un mandat d'arrêt ou une accusation formelle.