Le différentiel des prix du baril de pétrole coté sur les deux rives de l'Atlantique, appelé "contango", a atteint mardi son niveau record de plus de 16 dollars, en raison essentiellement l'abondance des stocks aux Etats-Unis, relèvent les experts pétroliers. Le prix du baril du Brent de la mer du Nord échangé à Londres et celui du West Texas Intermediate (WTI) proposé sur le marché de New York, respectivement de 125,08 dollars et 108,33 dollars, enregistrent un contango inédit de 16,75 dollars. Le marché pétrolier mondial, est basé sur trois indices de référence à savoir le Brent, le WTI, et le panier Opep qui comprend à lui seul une douzaine de bruts de différentes qualités, dont le Sahara Blend de l'Algérie. Le prix du panier de l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) qui regroupe la production des 12 pays membres (Algérie, Angola, Equateur, Iran, Irak, Koweït, Libye, Nigeria, Qatar, Arabie Saoudite, EAU et Venezuela) est inférieur de près de 4 dollars du fait de sa teneur plus importante en souffre. Les deux premiers indices qui restent les plus représentatifs de la situation du marché connaissent aujourd'hui une forte disparité traduisant la progression croissante des prix dans le temps. C'est traditionnellement une situation normale sur le marché, expliquent les experts, elle reflète le cas où le prix d'une marchandise proposée sur le marché à terme est plus élevé dans le futur que son prix au comptant. Elle correspond à l'ensemble des charges que devrait supporter l'acheteur au comptant et non à terme (frais de stockage, entrepôts..). Mais dans le cas du Brent et du WTI, elle est d'autant plus difficile à comprendre sachant que le WTI est de meilleure qualité que le Brent, car plus léger. La qualité supérieure du WTI justifiait par la passé pourquoi il se négociait légèrement au dessus du Brent, avant que la tendance ne s'inverse en 2008 quand le Brent à atteint le record absolu de 143,27 dollars le baril. Depuis, le Brent est passé devant le WTI, creusant un écart qui est à son record aujourd'hui en raison notamment de trois facteurs favorisant la rapide hausse du brut de Londres. Il s'agit d'une baisse structurelle de la production en mer du Nord, où la Norvège qui a produit 1,8 million de b/j en 2010, en baisse de 9% par rapport à 2009, a abaissé ses estimations de réserves hydrocarbures de 21% faute de nouvelles découvertes. Il y a aussi les tensions géopolitiques auxquelles le Brent est particulièrement sensible et aux incidents qui perturbent la production de brut de qualité équivalente, comme le Bonny Light nigérian. Le Brent a bénéficié récemment des craintes concernant la production de pétroles légers extraits en Afrique du Nord ainsi que de la possibilité de fermeture du Canal de Suez ou du pipeline SOMED qui traverse l'Egypte. Dernier facteur à encourager la hausse du Brent, le mode de cotation qui ne comprend pas de livraison physique et ne subit donc pas les mêmes contraintes que le pétrole américain. Par ailleurs, le marché New Yorkais est affecté lui, par l'abondance des réserves pétrolières conservées au principal centre de stockage américain de Cushing (Oklahoma), proches de la saturation à près de 37 millions de barils, non loin de leur record de 2010. La ville américaine de Cushing où convergent plusieurs pipelines, assiste depuis qu'une jonction avec les pipelines canadiens a été effectuée à une surcharge des stocks. Ainsi, pour désengorger les stocks, une prime à l'achat est accordée aux investisseurs afin de les inciter à acheter sur place, c'est ce qui explique que le WTI progresse moins vite que le Brent. Pour les experts, cet écart devrait persister jusqu'à la réalisation de nouveaux pipelines pour acheminer le brut vers les marchés où il est proposé à des prix supérieurs. En attendant cette solution qui devrait mettre du temps à aboutir les experts tablent sur une relance de la consommation locale, ralentie par les effets de la crise, et que les raffineurs reprennent l'approvisionnement de leurs clients en carburant.