Les décisions annoncées par le Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, dans son discours télévisé adressé vendredi à la nation, traduisent une quête de consensus national jugé nécessaire, et sonnent donc le début d'un processus de réformes politiques incluant l'ensemble des citoyens et des forces politiques présentes, au nom des principes démocratiques de la concertation et de la participation à tous les niveaux de la vie de la nation. C'est d'emblée, la lecture qui peut être faite de l'annonce par le chef de l'Etat de la création d'une commission constitutionnelle appelée à regrouper les formations politiques "agissantes" de différentes sensibilités et de courants de pensée divers, ainsi que des constitutionnalistes avérés. La révision de la Constitution étant une préoccupation qu'il a réitérée à chaque occasion, s'attirant du coup l'adhésion de la plus grande partie de la classe politique nationale, il a laissé la décision de son contenu et de son adoption par le peuple, tributaire de propositions que doit formuler une telle commission se voulant vraiment représentative du paysage politique national. Ainsi, l'approbation des amendements constitutionnels attendus se fera soit par voie référendaire soit par le biais du Parlement. Corollaire nécessaire et premier pas vers la refonte recherchée du dispositif législatif sur lequel se fonde la pratique démocratique, la révision annoncée de la loi sur les partis politiques doit permettre une contribution "plus efficace" des partis au processus de "renouveau" du pays, d'autant qu'ils verront leur rôle, leur fonctionnement et leur organisation mieux définis. Et pour n'omettre personne, le président de la République a fait état de la promulgation, avant les prochaines échéances électorales en 2012, de la loi organique relative à la représentation des femmes au sein des assemblées élues, conformément à une disposition de la Constitution de 2008. Toujours au nom de la démocratie à consolider par la consultation permanente, le président Bouteflika a annoncé une révision "profonde" de la loi électorale, afin de permettre aux citoyens d'exercer leur droit électoral dans des conditions "empreintes de démocratie et de transparence". A ce sujet, il a mis au centre de ses préoccupations la participation de tous les partis politiques agréés, qu'ils soient représentés ou non au Parlement, pour l'élaboration du nouveau système électoral recherché. C'est sans doute la première fois en Algérie que les partis politiques sont ainsi appelés à jouer un rôle actif dans l'élaboration d'un système électoral, en nette rupture avec une pratique qui voulait que le gouvernement élabore un projet de loi électoral puis le soumet au vote du Parlement. Le Front des forces socialistes (FFS), pour rappel, n'est représenté actuellement dans aucune des deux chambres du Parlement. Le Président l'a aussi voulu: la nouvelle loi électorale doit codifier des mesures capables de garantir la transparence et la régularité des scrutins, y compris par la supervision des élections par des observateurs internationaux, et là aussi, en concertation avec tous les partis agréés. Le chef de l'Etat répond, dans le même cadre, à une autre attente, celle relative aux cas d'incompatibilité avec le mandat parlementaire, qui sera satisfaite à travers une loi organique à introduire en conformité avec la Constitution. Même la "bataille" à livrer aux fléaux sociaux "ne peut être remportée, a dit M. Bouteflika, qu'avec la participation de toutes les catégories de la population". Autre tâche collective qu'il appelle de ses voeux et qui touche au pays profond: "une concertation sera engagée, dès cette année, au niveau local avec les citoyens, les élus, le mouvement associatif et l'Administration pour définir les objectifs d'un meilleur développement local" avec un "renforcement des prérogatives des assemblées élues", y compris à travers une révision du code de la wilaya. Rechercher à tout prix le consensus national, réduire les disparités sociales et régionales, approfondir le processus démocratique, renforcer l'Etat de droit, accélérer le développement socioéconomique, associer toutes les forces politiques et sociales actives ainsi que les compétences nationales, rétablir la confiance entre les citoyens et l'administration pour crédibiliser les institutions, renforcer la légitimité de ces mêmes institutions: voilà en définitive les objectifs stratégiques que le chef de l'Etat semble vouloir atteindre à travers son discours-programme. La réhabilitation voulue par lui du mouvement associatif en tant qu'espace d'arbitrage et d'intermédiation entre gouvernants et gouvernés s'insère bien dans cette perspective. Le respect des droits de l'homme sensibilise aussi fortement le Président au point où il a parlé de "différentes" organisations nationales qui militent dans ce sens, et non plus d'une seule, en soulignant que le respect des droits humains "doit devenir une préoccupation permanente des différentes ligues et associations nationales chargées de cette question". Il a même assuré que tous les moyens leur seront garantis afin qu'elles puissent se faire entendre et accomplir leurs missions de manière optimale, préconisant, à ce titre, une participation "pleine des institutions et des administrations concernées". Mais comme il ne peut exister de progrès sans ordre et sans sécurité, "nul n'a le droit de réinstaller, d'une façon ou d'une autre, la peur dans les familles algériennes, inquiètes pour la sécurité de leurs enfants ou de leurs biens", a averti le premier magistrat du pays. Evoquant la tragédie de la dernière décennie du 20e siècle, il a eu ces paroles: "la Fitna est plus grave que le meurtre et c'est au prix de sang et de larmes que l'Algérie demeure unie et forte, que la République et ses acquis démocratiques sont préservés et que l'espoir est à nouveau permis". En réponse à une autre préoccupation fondamentale pour le renforcement de la démocratie, le président Bouteflika a annoncé une nouvelle loi sur l'information qui complétera la législation actuelle, introduira des repères pour l'élaboration d'une charte déontologique, et consacrera surtout la dépénalisation du délit de presse. Il a appelé, dans la foulée, les médias lourds à "s'ouvrir aux différents courants de pensée politiques, dans le respect des règles d'éthique qui doivent régir tout débat", annonçant à l'occasion une "renforcement" du paysage audiovisuel public par la création de "chaînes thématiques spécialisées et ouvertes à toutes les opinions, dans leur diversité". Les réformes politiques participent au renouveau et au progrès de l'Etat algérien ainsi qu'au renforcement de ses fondements, a souligné, pour terminer, le président Bouteflika qui a invité, à cette occasion, tous les citoyens à unir leurs efforts afin que "cette nouvelle opportunité soit celle de l'ouverture sur une vie politique pluraliste qui reflète l'esprit et la lettre de la Constitution". En matière de politique étrangère, le chef de l'Etat s'est limité à ce qui fait l'actualité régionale de l'heure et a réaffirmé l'attachement de l'Algérie à la souveraineté des pays frères et à leur unité, ainsi que son rejet de toute ingérence étrangère. Face aux mutations en cours sur la scène internationale et dans certains pays arabes, l'Algérie qui suit "naturellement" ces mutations "réaffirme son attachement à la souveraineté des pays frères et à leur unité, son rejet de toute ingérence étrangère et son respect de la décision de chaque peuple découlant de sa souveraineté nationale", a déclaré le président de la République.