ORAN - L'approche socio-économique de l'artisanat a été mise en exergue jeudi à Oran à l'occasion d'une journée d'étude consacrée à l'histoire de ce domaine d'activité durant la période Ottomane. Des chercheurs de différentes universités du pays ont participé à cette rencontre organisée par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) sous le thème "Les artisans et leurs situations socio-culturelles dans la Régence d'Alger (1518-1830)". Cette manifestation a permis aux participants d'aborder l'histoire du travail traditionnel en Algérie, tout en suggérant des pistes de réflexion visant à la récupération de cette tradition au niveau qui fut le sien durant la période considérée. Dans ce cadre, ils ont évoqué l'apport des Morisques (musulmans convertis de force au catholicisme et expulsés d'Espagne après la chute de Grenade en 1492) dont la riche expérience fut à l'origine du développement ou du lancement de multiples activités artisanales en Algérie. L'universitaire Rezki Chergui qui dirige l'équipe de recherche ayant initié cette journée d'étude, a observé "un recul inquiétant" de nombre de pratiques artisanales, déplorant même la disparition de certaines activités qui faisaient jadis la réputation des artisans et de leurs régions. Il a rappelé à cet égard que dans le domaine du travail de l'émail, une spécificité de la Kabylie durant la période Ottomane, la région de Béni Yenni comptait à elle seule pas moins de 180 ateliers spécialisés dans la fabrication des bijoux et des armes à feu. Il a cité aussi l'exemple du bijou dit citadin dont la conception, totalement en or, fut innovée par les Morisques qui appliquèrent des techniques très pointues par rapport à celles adoptées pour le bijou rural. Parmi les segments prestigieux également évoqués par l'intervenant, la sellerie de Constantine, la tannerie de Tlemcen, les éperons de Khemis Miliana et d'autres segments tels les arts décoratifs, la menuiserie et la construction navale. Les différents intervenants ont souligné, en substance, la nécessité d'engager de nouvelles mesures en appoint aux dispositifs déjà mis en place par les pouvoirs publics pour revaloriser l'artisanat. Leur recommandation essentielle a été orientée, dans ce contexte, vers une action pluridisciplinaire impliquant les artisans et d'autres acteurs concernés tels les universitaires, chercheurs, historiens, les organisations professionnelles, les associations vouées au patrimoine et les pouvoirs publics. Cette journée d'étude a également permis aux participants de rendre un hommage posthume à Aïcha Guettas (1955-2011), historienne professeure à l'université d'Alger (Bouzaréah), reconnue par ses pairs comme une pionnière de la recherche sur l'artisanat. Le socio-historien, Hassan Remaoun a notamment rappelé que la thèse de doctorat de la défunte, consacrée à l'approche socio-économique de l'artisanat et des artisans de la ville d'Alger (1700-1830), a fait l'objet d'une publication de plus de 400 pages, parue en 2008 aux éditions ANEP. Un hommage posthume a été également rendu aux universitaires Fatima Benhamamouche et Ahmed Kerroumi, dont la récente disparition, à l'instar de celle de Aïcha Ghettas, a été qualifiée par le Pr Remaoun de "grande perte pour la recherche scientifique et la famille académique".