ALGER- Pour les prisonniers qui ont la chance de passer le baccalauréat de l'enseignement secondaire, décrocher ce sésame a toujours été synonyme d'espoir pour une éventuelle remise de peine ou, mieux, d'une grâce présidentielle qui donnerait un sens à leur initiative arrachée de derrière les barreaux. C'est sans doute ce qui a motivé les quelque 2.000 détenus des établissements pénitentiaires qui se présentent samedi aux épreuves de cet examen pendant quatre longues journées. Approchés par l'APS, des détenus au centre d'examen de l'établissement de rééducation d'El Harrach ont avoué que c'était d'abord l'espoir de bénéficier d'une grâce présidentielle, ou du moins une réduction de peine, qui sont à l'origine de leur candidature au BAC. M. K, 32 ans, incarcéré depuis 6 ans dans cette prison, espère pouvoir poursuivre des études supérieures et, même s'il lui reste à purger une longue peine, il dit garder l'espoir de voir au moins cette période de sa vie réduite. Dans une classe mitoyenne, B. M, passe ces épreuves pour la première fois et dit qu'il a l'intention, dans le cas où il ne ferait pas partie des bénéficiaires d'une grâce présidentielle, de poursuivre quand même des études supérieures qui l'aideraient à trouver une place dans le monde du travail, une fois libéré. Agée de 39 ans, M. H est plus directe dans ses motivations : seul la perspective d'une grâce l'a poussée à être, ce matin et pour la énième fois, dans une classe d'examen, étant déjà bachelière en sciences économiques, depuis 1991, et en lettres et sciences humaines depuis 2009. Pour d'autres détenus, il est aussi question de se frayer un chemin pour un "avenir meilleur", de mettre une croix sur un passé qui les a conduits droit vers les geôles afin de s'insérer de nouveau dans la société. Le BAC, un moyen légal de bénéficier d'avantages Décrocher son bac pour un détenu, est effectivement un moyen légal pour bénéficier d'une grâce présidentielle, d'une réduction de peine, mais aussi d'une liberté conditionnelle ou d'une permission pour passer quelques jours parmi les siens, a souligné M Ali Benaissa, sous directeur de la formation des détenue à la direction générale de l'administration pénitentiaire. Il a relevé que l'administration pénitentiaire avait mis à la disposition des détenus "tous les moyens et conditions" pour les encourager et les aider à poursuivre les cours et se préparer aux examens de fin de l'année. L'administration pénitentiaire est assistée dans cette tâche par le ministère de l'Education nationale et l'office national de l'enseignement à distance. M. Benaissa a relevé que le nombre de candidats aux examens scolaires augmentait d'année en année, soulignant que les cadres et agents des établissements pénitenciers avaient "assimilé" la politique d'humanisation des conditions de détention. Réussir au BAC est une chance pour le détenu de bénéficier d'un des avantages prévus par la loi et de la grâce présidentielle qui, depuis 2005, devient un "élément moteur" dont ont bénéficié "une population importante" a confirmé le directeur général de l'administration pénitentiaire à l'APS, M. Mokhtar Felioune. Le code de l'organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus, qui date de 2005, prévoit soit une réduction de peine, soit une liberté conditionnée, soit encore une semi liberté ou des permissions mais sous certaines conditions. La grâce présidentielle est également soumise à des conditions que le chef de l'Etat précise lui-même chaque année lorsqu'il l'annonce à l'occasion de la fête de l'indépendance, depuis 2006. 32 centres d'examens (établissements pénitentiaires) ont été accrédités cette année par l'Office national des examens et concours. Les examens des détenus des établissements pénitentiaires se déroulent sous la supervision et encadrement du ministère de l'Education nationale. Parmi les quelque 2.000 candidats au bac, seulement 39 sont des femmes. Le pays compte 135 prisons pour une population carcérale d'environ 50.000 détenus.