WASHINGTON - Face aux transitions politiques difficiles que traversent la Tunisie et l'Egypte et l'enlisement de l'OTAN en Libye, les Etats-Unis devraient soutenir le processus démocratique dans les pays arabes au lieu de l'orienter tout en en y favorisant le climat économique, soutient un expert du Council on foreign relations (CFR). Dans une analyse sur les derniers développements de la scène politique arabe, M. Robert Danin, membre principal de ce prestigieux think tank américain, explique que "les Etats-Unis doivent tout d'abord garder à l'esprit que la transition démocratique dans les pays de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du nord (MENA) va être un long processus" et que "tout succès politique doit se transformer, à terme, en succès économique". Dans ce sens, explique-t-il, "le principe-clé est de laisser les peuples de la région trouver leur propre chemin" pour la démocratisation. Les Etats-Unis, poursuit cet expert américain spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient, "devraient offrir un soutien à ce processus plutôt que d'essayer de le diriger ou de dicter ce qui doit être fait". Pour ce qui du soutien économique, il considère qu'au lieu d'opter pour une aide économique directe qui, estime-t-il, "ne répondra jamais aux besoins de la région où le chômage est en hausse", les Etats-Unis doivent plutôt "soutenir les investissements et favoriser un climat économique" à même de favoriser la croissance et de créer de l'emploi. Stopper la fuite massive de capitaux provenant de cette région Certes, poursuit-il, "une aide massive, comme cela a été promis à l'Egypte et la Tunisie par le G8 à Deauville, est importante, mais ce qui est d'abord nécessaire est de stopper la fuite massive de capitaux provenant, actuellement, de cette région, et d'augmenter les investissements directs régionaux et étrangers". En somme, soutient M. Danin, "les Etats-Unis ne devraient pas essayer d'appliquer +une taille unique pour tous+ à l'ensemble des pays arabes", car, ajoute-t-il, "nos intérêts sont trop divers et notre influence trop inégale" au sein de la région. Sur ce point, il souligne que si le président américain Barack Obama avait, dans son discours du 19 mai sur le Moyen-Orient, "tenté d'articuler une vision américaine pour son rôle vis-à-vis des changements en cours dans la région et a fermement placé les Etats-Unis du côté de la démocratie et du changement, il peut en venir à regretter ses propos, lorsque l'écart entre la rhétorique et l'action devient évident". D'ailleurs, observe-t-il, "beaucoup d'Arabes accusent le président Obama de produire de grands discours mais de mal formuler ou d'exécuter ses politiques". Abordant la Libye, M. Danin, qui est également un expert à la fondation de recherche Eni Enrico Mattei de Milan, relève que la question libyenne "est devenue importante d'une manière disproportionnée en raison des appels de la région à une réponse internationale et aux efforts ultérieurs pour déloger El Gueddafi". Sur ce point, il a tenu à souligner que la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU portait sur "une intervention humanitaire" en Libye mais que "l'orientation de la mission qui a suivi a conduit à un appel et à des efforts pour apporter un changement de régime". Cependant, observe-t-il, "nous, sous la forme de l'OTAN, sommes maintenant pleinement engagés en Libye. En conséquence, nous nous sommes engagés à aider à rétablir un Etat brisé après un (éventuel) départ d'El Gueddafi". A ce propos, avance le même expert, "avec l'absence d'institutions efficaces en Libye et la force du système tribal dans ce pays, la sauvegarde de la Libye post-El Gueddafi va être un défi majeur". Par ailleurs, affirme-t-il, trois autres pays de la région sont "cruciaux" pour les Etats-Unis. Il s'agit, a-t-il dit, de "l'Arabie saoudite, étant donné la dépendance énergétique de l'Occident et l'importance de ce pays pour la sécurité du Golfe, la Syrie, le seul Etat arabe entièrement aligné avec l'Iran, ainsi que le Yémen, un Etat potentiellement défaillant qui risque de devenir un sanctuaire pour les terroristes et les radicaux anti-occidentaux".