BATNA - De nombreux quartiers populaires de la ville de Batna vivent en ce mois du ramadhan, au rythme de veillées d'antan, durant lesquelles contes populaires, devinettes et petites histoires sont échangés dans une ambiance gaie et conviviale. Loin des braseros diffusant leurs odorantes volutes au centre-ville et dans la majorité des cités, loin des rushs sur les commerces et les places publiques durant ces ultimes journées de Ramadhan, beaucoup de femmes préfèrent se retrouver en groupes, après la prière du Icha, dans les recoins des ruelles peu fréquentés par les passants, pour profiter de la fraîcheur de la nuit et converser. Ces réunions ont souvent lieu près du seuil de la maison de l'une des voisines, autour d'un plat de café et de thé, agrémenté de confiseries et de gâteaux traditionnels dont les incontournables Zlabia, Tamina et R'fis. Les discussions tournent souvent autour des recettes, des articles de mode, de la couture ou encore des feuilletons arabes ou doublés diffusés actuellement sur le petit écran. Les contes populaires, les devinettes et les petites histoires du temps passé, où la télé était un luxe réservé aux plus fortunés, sont également omniprésentes lors de ces regroupements en plein air, souvent égayés par les piaillements des enfants. Hadda, octogénaire, affirme en sirotant un café bien chaud dans une des ruelles de la cité Bouakal, qu'il n'y a pas si longtemps, ces petites venelles étaient pratiquement réservées aux femmes et à leurs enfants qui veillaient jusque tard dans la nuit. Ces réunions étaient particulièrement appréciées lorsque, comme cette année, le ramadhan coïncide avec l'été, affirme cette vieille dame en précisant que toutes les femmes contribuaient, chacune en fonction des capacités de son ménage, à la présentation des boissons et des pâtisseries pour la circonstance. Ces veillées rassemblaient femmes et enfants autour des histoires et des contes populaires racontés par les plus âgées qui "remplaçaient avantageusement" les télévisions et les radios de nos jours, raconte Hadda qui regrette que ces rencontres soient de plus en plus rares, aujourd'hui. Des veillées qui raffermissent les rapports sociaux entre voisins. Pour sa belle-fille, Zohra, ces veillées ont un goût particulier. Pour cette jeune dame, "les femmes pourraient bien se replier dans une cour d'une des maisons, mais ces réunions ont l'avantage de la spontanéité". Cela commence, dit-elle, par la rencontre de deux voisines, bientôt rejointes par d'autres pour constituer un groupe pour lequel l'on sort tapis et petits bancs, signe de l'amorce d'une longue soirée autour de tasses de thé et de café alors que les enfants s'adonnent à cœur joie à toutes sortes de jeu pas très loin de leur mamans et grand-mamans. Disparue dans beaucoup d'autres quartiers de la ville, cette habitude demeure toutefois bien ancrée dans les mœurs des habitants de nombre de quartiers populaires qui s'attachent à conserver les us et coutumes qui raffermissent les rapports sociaux entre voisins et en font une même famille qui se rassemble parfois autour de la même meïda de f'tour, puis, dans la soirée, autour d'une théière ou d'une cafetière et des plateaux de succulentes confiseries. Comme pour se moquer du côté froid et impersonnel des grandes cités d'habitation, où le "chacun pour soi" est devenu un maître-mot, beaucoup de Batnéennes des quartiers populaires semblent aujourd'hui décidées à profiter, le soir, de la fraîcheur pour remettre au goût du jour ces réunions de jadis, dans les ruelles étroites, peu éclairées, à l'écart de l'effervescence de la ville.