La fraîcheur du soir est sans doute le confort et le plaisir les plus recherchés par les jeûneurs à Batna après le repas du f'tour. Même les salles de spectacle et les mosquées sont choisies en fonction de la qualité de la climatisation, a-t-on constaté depuis le début de Ramadhan. Une fois le f'tour terminé, souvent en moins de 15 minutes, les premiers promeneurs investissent les vastes allées Benboulaid qui se remplissent peu à peu de monde, jusqu'à l'approche de l'heure du s'hour et de l'imsak. Cette artère centrale, rectiligne, traversée de bout en bout par une belle allée dallée de marbre et agrémentée de verdure, est pratiquement l'espace le mieux éclairé de la ville. On y croise non seulement des riverains, mais aussi des Batnéens venant de tous les quartiers de la ville. Le rendez-vous vespéral des allées Benboulaid constitue aussi une sorte de forum des citoyens de tous les âges et de toutes les conditions pendant le Ramadhan et durant le reste de l'année, au point qu'il constitue un passage obligé,pour "prendre la température" de la cité. "Les allées", comme on se plait à les nommer ici, constituent en fait, pour les Batnéens, une vaste scène où les acteurs sont aussi les spectateurs, dans un décor bigarré. Dans cette ambiance de "souk", les initiés reconnaissent de subtiles mises en scènes, car sur les mêmes bancs publics, autour des mêmes tables des terrasses de cafés, ce sont pratiquement les mêmes "djemaa", rassemblées respectivement, par les mêmes passions. On reconnaît le coin des anciens du football et celui des moins anciens, celui des nostalgiques du vieux Batna qui "ressuscitent" à coups d'anecdotes, chaque soir, les noms qui peuplent les cimetières de la ville, ou encore le coin des retraités qui se sont spécialisés dans la géopolitique en disséquant sans cesse l'actualité nationale et internationale. Les familles et les femmes accompagnées de leurs enfants, recherchant la fraîcheur des allées, ont trouvé refuge dans la partie orientale de cette artère où elles se sentent en sécurité et à l'abri des importuns, entre la grille du cabinet de la wilaya et l'entrée de la maison de la culture où des troupes folkloriques se produisent parfois sur le bitume. Durant les chaleurs exceptionnellement torrides de cette deuxième semaine du Ramadhan, de nombreux batnéens quittent la ville pour la soirée, et préfèrent les banlieues mieux exposées aux courants frais. On les retrouve du côté de Tazoult, de Lambiridi ou de Fesdis, ce qui provoque des embouteillages nocturnes sur les principales portes de la ville. Pendant les veillées de ce mois de Ramadhan, le théâtre régional offre à son public un riche programme de soirées, animées par des troupes de théâtre et des groupes de musique venant de tous les coins du pays. Les dialogues et les mimiques y sont forcément un peu plus affectés que dans les allées, mais cela n'empêche pas cette salle de presque 450 places de faire le plein, chaque soir à 21 h.