CONSTANTINE- En cette fin du mois de Ramadhan, marquée par une accumulation des dépenses, beaucoup de familles constantinoises, plus que d'habitude, se tournent vers les magasins et les marchés de la friperie pour acheter les habits de l'Aid pour leurs enfants. Lundi, jour de marché à Ain Smara, commune limitrophe de Constantine, la chaleur est suffocante mais la ville est grouillante de monde. Du côté des produits maraîchers, l'on s'empresse de faire les emplettes de la dernière semaine de Ramadhan. C'est ensuite le rush vers les commerçants de la friperie. Ce n'est même plus dans des magasins qu'il faut déambuler pour choisir, mais à même des ballots posés par terre (ou sur un support de fortune) où hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, s'empressent de fouiller au milieu d'une odeur âcre dégagée par les vêtements moisis. D'ailleurs ce "souk" est devenu une destination privilégié pour les petites bourses constantinoises qui veulent dénicher une "bonne affaire". L'on peut y trouver des pulls, des pantalons, des chemises ou encore des sous-vêtements à moins de 200 DA et bien d'autres effets pratiquement neufs à des prix imbattables. "Est-ce que vous faites des remises sur ce pantalon ? demande une mère de famille à un vendeur qui réagit sèchement : "non, madame, c'est déjà un prix plus que raisonnable". La tête basse, elle prend la main de son enfant et quitte les lieux. Ce type de scènes est courant en ces lieux qui ne reçoivent plus que ceux dont les moyens sont dérisoires et qui, ne pouvant acheter des habits neufs pour leur progéniture, sont contraints de se rabattre sur ce genre de vêtements déjà portés. "Je ne peux même plus acheter du chiffon chinois", se plaint Nacer, employé dans une entreprise privée, surpris en train de fouiller un gros baluchon gris. "Je touche 15.000 dinars par mois et, entre les dépenses quotidiennes pour la nourriture, les médicaments et les factures des charges fixes, comme l'électricité, le gaz et le loyer, il est difficile de se permettre des habits neufs heureusement qu'il y a la fripe car j'ai 5 enfants !". Il arrive que dans ces ballots de friperie on trouve des 'effets vestimentaires haut de gamme, dégriffés et qui sont très recherchés', révèle Mourad, un jeune étudiant habitué des lieux : "je tombe quelquefois sur des vêtements de marque qui coûtent ici entre 300 et 500 DA alors qu'ailleurs, notamment dans les magasins chics, leur prix dépasse allègrement les 15.000 DA", assure ce jeune homme dont les soucis n'ont évidemment rien de comparable avec ceux de Nacer. Il existe un autre Souk à Oued el Had, sur les auteurs de Constantine. Ici, l'on trouve encore des ballots posé sur des supports sommaires, mais aussi des magasins devenus des "havres'' des meilleures affaires. Il y a même des commerçants qui peignent fièrement ''Friperie de luxe'' sur leurs vitrines !. Ici, les vêtements proposés sont très souvent en harmonie avec la mode et l'air du temps. Ce sont surtout les jeans, les pulls et les ensembles pour enfant qui sont les plus recherchés. "Pour 800 ou 1.200 DA par enfant, je peux habiller correctement mes gosses et, croyez-moi, avec des habits de marque", lance une dame accompagnée de ses deux petites filles. Mohsen, un jeune vendeur juché sur un tabouret au fond du magasin, profitant de la fraîcheur diffusée par le climatiseur, assure que ses clients "ne sont pas que des pauvres". Il affirme recevoir "beaucoup de personnes issues de familles aisées" qui viennent s'habiller chez lui. Malgré les protestations des commerçants du prêt-à-porter, qui dénoncent ce qu'ils qualifient de "concurrence déloyale", ces fripiers qui découvrent parfois le contenu des ballots en même temps que leurs clients, continuent de prospérer avec, de surcroît, le sentiment de rendre service aux plus démunis.