Il est un fait indéniable que le commerce de la friperie à Oran reste bon an, mal an une activité florissante qui permet à des milliers de familles aux revenus modestes de s'offrir des vêtements en contrepartie de sommes modiques. Depuis plus de quinze ans, le commerce de la friperie s'est fait un nom à M'dina J'dida. C'est la Tahraha, la très populaire place de M'dina J'dida, au cœur d'Oran, qui se transformait chaque jour en un gigantesque bazar à ciel ouvert où les citoyens se pressaient pour faire leurs achats. C'était dans ce lieu, tout autour de la stèle érigée à la mémoire des cinquante victimes de l'attentat à la voiture piégée, perpétré le 28 février 1962 par la sinistre OAS, que les vendeurs étalaient leurs marchandises. Des familles entières originaires des localités environnantes mais aussi des wilayas limitrophes se déplaçaient ici. Depuis, les mêmes marchands auxquels se sont joints des jeunes chômeurs ont élu boutique du côté du quartier d'El-Hamri. “Le commerce de la friperie connaît un véritable rush et il serait incommodant de priver toute une population des services que la vente de la friperie rend à des milliers de personnes”, avoue un responsable local. Pour la majorité des ménages oranais, le commerce de la fripe est un don inespéré. “Doit-on priver les chefs de famille de vêtir leurs enfants convenablement et à des prix abordables ?” s'interroge un vendeur. À l'évidence, c'est la situation socioéconomique d'une importante frange de la population qui a aiguillonné l'accroissement de ce business. Beaucoup de familles ont tendance à se rabattre sur ce marché où les prix des vêtements défient toute concurrence. Selon un fripier à El-Hamri, il existe deux catégories de produits d'habillement. “Il y a le tout-venant qui provient directement des ballots de vêtements non recyclés, et l'autre, l'exceptionnel, qui est pratiquement neuf car consécutif à un prétri sélectif.” “Les vêtements proposés sont très souvent en concordance avec la mode et l'air du temps. Avec un peu de chance, on peut trouver des effets vestimentaires haut de gamme avec des marques dégriffées qui sont à la page”, affirme un habituel des lieux. Cette situation n'a pas échappé aux spécialistes de l'importation de la friperie. Ces derniers proposent à présent des habits qui vont avec les périodes de l'année. “En plus de la modicité des prix, nous offrons un large éventail de qualité et de mode car nous faisons en sorte à ce que les stocks soient constamment renouvelés pour être en avance sur les marques griffées qui sont proposées à des prix vertigineux par les propriétaires des magasins”, précise un importateur. Ainsi, le secret du succès de la friperie réside assurément dans le prix, la variété et la variation rapide des vêtements au profit des consommateurs. C'est une question de vitesse. Les vendeurs de la friperie ont compris le subterfuge qui consiste à “sacrifier” leurs marchandises. Ils ciblent une autre catégorie de citoyens qui ne peuvent pas se payer de tels vêtements en dépit de leurs prix dérisoires. “Ces derniers ont la latitude de se diriger au souk de Larbaâ, dans le quartier de Maraval, qui a lieu une fois par semaine”, nous indique-t-on. À titre d'exemple, une chemise de marque revient à 200 ou 300 DA alors que dans les magasins chics du centre-ville, elle dépasserait les 3 500 DA. “Nous enregistrons une forte affluence de la population qui fait ses achats avant le Ramadhan. Les chefs de famille sont particulièrement à cheval sur le marchandage qui fait partie du décor de notre commerce. Mais c'est de bonne guerre”, déclare un fripier installé depuis huit ans à El-Hamri. Un couple avec quatre enfants dont deux scolarisés font le tour des étals. “Nous localisons les vêtements et leurs prix avant de les acheter”, indique ce père de famille. “Je suis fonctionnaire et je vous avoue que la friperie m'enlève bien des tracas”, affirme-t-il sous le regard approbateur de ses enfants. “Pour dénicher la bonne affaire, il suffit de chercher assez longtemps car le marché grouille de gens, notamment à une semaine du début du Ramadhan. Aujourd'hui, nous avons pu habiller nos quatre enfants pour la somme de 4 000 DA”, surenchérit son épouse. Cette situation n'a pas échappé aux spécialistes de ce commerce qui importent d'Europe, notamment, des milliers de ballots revendus en gros et au détail dans des dépôts à l'abri des mauvais regards. Toutefois, le commerce de la friperie inquiète compte tenu qu'il n'est pas encadré sur le plan des risques hygiéniques. Les quelques rares vendeurs affirment ne détenir aucun document attestant de la bonne qualité de la marchandise. Les précisions données par un responsable de la Direction du commerce confirment que la vente de ces produits est forcément assujettie à la présentation d'un document officiel. “Il s'agit d'un certificat sanitaire préalablement établi par les ports du pays où doit s'effectuer obligatoirement le contrôle sanitaire”, tient à préciser notre interlocuteur. En attendant, le marché de la friperie, qui a de beaux jours devant lui, est assidûment fréquenté par les différentes couches sociales de la population qui ne tarit pas d'éloges sur les bienfaits de cette opportunité. C'est aussi l'unique moyen à des milliers de pères de famille de gagner dignement leur vie en exerçant cette activité.