WASHINGTON - La lutte contre le marché informel dans les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du nord (MENA) dépend essentiellement de l'environnement des affaires, selon le directeur du département du Moyen-Orient auprès du FMI, Masood Ahmed. La moyenne du taux de chômage dans la région MENA est restée supérieure à 10% au cours de la dernière décennie, soit la plus élevée au monde, alors que le chômage des jeunes est encore plus alarmant avec un taux moyen de 25% : 1 jeune sur 4 de la région est sans travail, constate M. Ahmed dans une analyse publiée par le FMI. "Beaucoup de personnes qui ne peuvent pas trouver un emploi dans l'économie formelle sont reléguées dans le secteur informel pour des salaires inférieurs et sans la protection et les opportunités que l'économie formelle fournit aux travailleurs", et ce, sans compter le manque à gagner de l'Etat en matière des recettes fiscales, explique-t-il. Quant au facteur principal incitant des gens et des entreprises à se maintenir dans le secteur informel, ce responsable à l'institution de Bretton Woods l'attribue principalement à "un environnement des affaires difficile qui se caractérise par les lourdeurs bureaucratiques, des impôts excessifs et une faible gouvernance". Considérant que l'économie informelle devient ''de plus en plus étendue, envahissante et, souvent, ignorée", ce responsable au FMI souligne que certaines estimations indiquent que l'économie informelle dans les pays MENA - hors Conseil de coopération du Golfe (CCG)- est "sensiblement plus importante" que celle dans plusieurs pays d'Asie et d'Amérique latine. Selon lui, dans la plupart des pays MENA -hors CCG-, l'économie informelle est estimée à près d'un tiers du PIB, citant le cas du Maroc où elle représente 44% du PIB. Echappant à la réglementation et à la fiscalité, le secteur informel fournit généralement de bas salaires et des emplois à faible productivité, explique M. Ahmed qui observe que de rigides marchés du travail et réglementation des entreprises "renforcent souvent les barrières entre les secteurs formel et informel". Sur ce point, il soutient que "briser ces barrières permet non seulement de stimuler l'économie mais aussi d'aider à promouvoir une croissance plus inclusive". Qui plus est, il fait valoir que "la faiblesse des institutions et de la gouvernance ne permet l'accès aux services publics et aux avantages procurés par le secteur formel qu'aux personnes et entreprises privilégiées qui bénéficient de bonnes relations en haut lieu". En conséquence, poursuit-il, "le manque de transparence et une gouvernance déficiente favorisent la corruption, créent des inégalités d'accès aux opportunités, aux financements et aux services, érodent la confiance dans les institutions publiques, et rendent le secteur formel inaccessible". En outre, "une charge fiscale lourde et une réglementation excessivement restrictive sont autant de facteurs qui encouragent des entreprises à s'orienter vers l'informel", selon M. Ahmed. Devant cette situation, "il peut être moins coûteux pour une entreprise informelle de payer un pot de vin que de se conformer à une réglementation draconienne", ajoute-t-il. Sur la base de cette analyse, le directeur du département MENA au FMI préconise que la lutte contre le secteur informel exige notamment la simplification des règles dans la création et l'exploitation d'une entreprise, une réglementation fiscale plus simple et une administration forte. En fait, soutient-il encore, "la croissance économique n'est pas suffisante en soi, surtout si ses gains sont captés par un petit nombre de privilégiés au lieu d'être largement répandus". La présence d'un important secteur informel, soutient-il, "est un drapeau rouge signalant que la croissance d'un pays n'est pas assez inclusive".