ALGER - Le directeur des Affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, Mokhtar Lakhdari, a souligné, mercredi à Alger, que la société tolérait la corruption dans une large mesure en ce sens que nombre de pratiques liées à ce fléau sont considérées comme normales. Invité de l'émission "Badaail" (alternatives) sur les ondes de la Chaîne I, M. Lakhdari a déploré que la société ne rejette pas des pratiques se rapportant à la corruption les considérant comme "normales" citant à titre d'exemple les cadeaux en contrepartie d'avantages. Après avoir relevé que la société n'était pas bien prémunie contre la corruption, il a affirmé que la prévention d'un tel fléau passait par la sensibilisation. Même s'il incombe à la Justice de combattre la corruption, la société civile a pour sa part un important rôle à jouer pour éradiquer ses facteurs, a-t-il estimé. M. Lakhdari a, dans ce contexte, indiqué qu'à chaque niveau de décision, le fonctionnaire peut utiliser son poste à des fins personnelles favorisant ainsi l'émergence du phénomène de corruption soulignant l'impératif d'instaurer un contrôle interne et externe, d'assurer la transparence et d'instituer des voies de recours. Il a, par ailleurs, relevé l'absence d'une définition juridique de la corruption, indiquant qu'il s'agit d'un nombre de crimes réprimés par la loi, comme l'abus de pouvoir, le favoritisme dans l'attribution de marchés publics, la corruption, la dilapidation et tous types de dérapages pouvant être enregistrés au niveau de la Fonction publique. La corruption existe également dans le secteur privé et les conventions internationales dans ce domaine peuvent le confirmer, a affirmé l'intervenant, insistant sur la nécessité de soumettre le secteur privé aux mêmes principes déontologiques, "la compétitivité entre les acteurs de ce secteur n'ayant aucune éthique". Rappelant que l'Algérie s'est inspirée, dans l'élaboration de la loi relative à la lutte contre la corruption datée de 2006, de la Convention internationale de lutte contre la corruption, le directeur des Affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice a indiqué que la législation algérienne incriminait toutes les formes de corruption et qu'elle renfermait des mécanismes de coopération internationale et des textes se rapportant à la récupération des fonds transférés à l'étranger au titre de la corruption. Il a, en outre, précisé que la convention internationale prévoyait des mécanismes de suivi et de contrôle adoptés en 2009 et entrés en vigueur en 2010, ajoutant que l'Algérie, qui a participé à l'élaboration de cette convention, a entamé cette année, avec la Finlande, un processus d'évaluation de la Suisse. L'Algérie subira en 2012 une évaluation par les pairs (pays africains et étrangers) sur la conformité de ces lois à la convention internationale, a-t-il fait savoir. Selon M. Lakhdari la difficulté pour les services de sécurité concernant les affaires de corruption restait d'établir les faits. Les auteurs de dénonciations, a-t-il dit, ne sont pas des témoins mais comptent souvent parmi les individus impliqués et les complices. Pour M. Lakhdari, les grandes affaires liées à la corruption nécessitent une connaissance du commerce international et des transactions des sociétés d'autant plus que les auteurs de tels actes font appel, a-t-il dit, aux experts et avocats pour conférer une apparence légale à leur transaction. Il a rappelé que le code des marchés publics a été amendé cinq fois au cours des vingt dernières années en raison des difficultés en matière "d'équilibre entre règles garantissant la transparence des marchés publics, la neutralité de l'administration et l'égalité des chances". Il a par ailleurs indiqué que la corruption est considérée comme crime par la quasi-totalité des pays du monde. Certains pays prévoient des peines allant jusqu'à 10 ans de prison ferme pour corriger les auteurs du délit mais dans le cas des crimes économiques, et plus important que la peine privative de liberté, il s'agit de récupérer les fonds détournés. Il a rappelé dans ce sens que le Droit algérien permettait à la justice le saisi des fonds encaissés par le corrompu même si ces fonds sont passés à ses enfants, ses gendres ou son conjoint. Des enquêtes sont généralement menées avec les personnes impliquées parallèlement à celles diligentées sur les affaires financières et économiques. M. Lakhdari a en outre affirmé que la justice respectait le principe de présomption d'innocence et du droit de défense". Concernant le dernier rapport de "Transparency international" sur l'Algérie, M. Lakhdari a estimé qu'il n'était pas lié à une "incapacité de de l'Algérie à réprimer la corruption" la preuve en est, a-t-il dit, que des poursuites judiciaires sont engagées sur des affaires de corruption, ajoutant que cette organisation s'appuyait sur des indicateurs de corruption dans le domaine des affaires et du secteur économique. Il a estimé que "Transparency international" faisait appel à des personnes et des agences en charge du volet économique et des affaires et qu'elle portait ses jugements sur la base de leurs conclusions.