MEDEA - Mohamed Bencheneb (1869-1929) est l'exemple type du chercheur curieux qui savait dénicher les documents historiques oubliés et les œuvres poétiques de grande valeur pour mieux en démontrer la valeur, a estimé mardi a Médéa, le Pr.Saadane Ben Baba Ali, maître de conférences à l'université de la Sorbonne (Paris), lors de la deuxième journée des travaux du séminaire national consacré à cet illustre homme de lettres. Pour cet enseignant de littérature classique arabe, Bencheneb ne se contentait pas de rapporter ce que les autres ont écrit avant lui, mais prenait part, selon lui, à des débats d'idées et proposait de nouvelles voies de recherche. Bencheneb a participé, au cours de cette période charnière, qui s'étalait entre la fin de l'épopée de la résistance populaire et la naissance du mouvement national, en véritable militant pour la défense et l'illustration de la culture arabe, en général, et algérienne, en particulier, a affirmé ce maître de conférences, ajoutant que la démarche suivie, à cette époque par Bencheneb, consistait à mettre sous les yeux de ceux qui déniaient aux Algériens une culture, les preuves d'une richesse littéraire, historique et sociologique indéniable. Cet érudit a réussi à s'adapter à ce contexte historique très particulier ou le colonialisme pensait, à tort, qu'il avait abouti à la "pacification de l'Algérie", pour s'imposer sur la scène culturelle et littéraire, a souligné le professeur Ben Baba Ali, indiquant que Bencheneb s'était battu, durant plus de trente années, avec une arme qu'il jugeait adéquate, en l'occurrence le savoir. Si aucune position politique ne lui fut connue à l'époque, par rapport à certains événements qui traversaient la société algérienne, c'était, plus, en raison du contexte politique peu favorable à une confrontation ouverte et frontale avec l'administration coloniale, mais également par choix tactique, a-t-il expliqué. Un choix qui a permis à Bencheneb de passer à travers les mailles du système colonial, mis en place pour réduire au silence toute voix qui remettait en cause le "succès de la mission civilisatrice" de la France coloniale en Algérie, a-t-il précisé. Séminaire national sur l'érudit Mohamed Bencheneb à Médéa Les participants au séminaire national sur l'érudit Mohamed Bencheneb ont mis en exergue, lundi à Médéa, le rôle primordial de cet intellectuel pluridisciplinaire et polyglotte dans la préservation et l'enrichissement de la culture populaire algérienne face à la politique de déracinement menée par le colonialisme. L'apport de cet érudit à la culture populaire algérienne "a servi de rempart à la politique d'aliénation dont faisaient l'objet des pans entiers de la société algérienne à la fin du 19e siècle", ont-ils indiqué lors de cette rencontre qui se déroule à l'université Yahia Farès. Mohamed Bencheneb a pu "à travers ses nombreux écrits et ouvrages à dépoussiérer une partie de ce legs précieux et le mettre en valeur, malgré la difficulté de la tâche", ont estimé les participants aux travaux de ce séminaire axé sur la double thématique "La relation entre la sociologie historique et la culture populaire" et "La contribution des oeuvres de l'érudit Bencheneb à la préservation de l'identité du peuple algérien". Une dizaine de communications, animées par des chercheurs et des enseignants issus des universités de Sétif, Alger, Djelfa, Tizi-Ouzou, Bouira et Médéa, vont aborder, durant deux jours, des sujets relatifs à la vie et l'œuvre de Bencheneb, pour mieux retracer le profil intellectuel de cette personnalité, mais aussi dévoiler, à travers ses écrits, l'image de la femme dans la culture populaire algérienne et la satire comme moyen d'expression populaire. L'influence de la culture populaire sur les écrits de Bencheneb, sa perception du mariage entre musulmans et chrétiens, la collecte et la transcription des proverbes populaires et la traduction de la poésie populaire chez l'érudit, constituent l'autre partie du volet consacré à ce personnage qui laisse derrière lui plus d'une cinquantaine d'ouvrages, couvrant différentes disciplines. Parmi l'essentiel de ce legs inestimable, "Les Mots turcs et persans conservés dans le parler algérien", "Florilège", "Abou Dulama", "Proverbes arabes de l'Algérie et du Maghreb" et "Tohfat El-Adab". Bencheneb publia aussi plusieurs titres, en histoire et géographie, dont la "Moquaddima" d'Ibn El Abbar, réédita "Livre du jardin des savants et saints de Tlemcen" d'Ibn Meriem El Mediouni, "Les connaissances des savants de Bejaïa" d'Abu Abbas Ahmed El Ghobrini, "Les classes des oulémas de l'Ifriqiya" d'Abul Arab et "Les classes des oulémas de Tunisie" de Mohammed Tamimi. Il participa en 1924 à la réédition du dictionnaire Arabe-Français d'Ibn S'dira et entama, quelques temps après, une expérience similaire, concernant, cette fois-ci le dictionnaire français du même auteur, mais il décéda avant d'avoir terminé ce travail, un 5 février 1929 à l'âge de 60 ans.