PARIS - Une nouvelle demande d'accès aux archives se rapportant aux massacres du 17 octobre 1961 à Paris sera "bientôt" formulée auprès des plus hautes autorités de la République française pour "situer" les responsabilités dans ce qu'il convient de qualifier de "crime d'Etat". L'annonce a été faite mardi soir par l'historien Gilles Manceron, lors du premier "rendez-vous du 17", une rencontre mensuelle devant prolonger la mémoire et le débat sur les massacres des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris et aller dans le sens d'une reconnaissance officielle par la France de ces faits de l'histoire. "Il y a des progrès à faire concernant l'accès à certaines archives. Le couvre-feu ce n'est pas Papon qui le décide de lui-même, mais le premier ministre lors d'un conseil interministériel convoqué par Michel Debré. Et il faut qu'on puisse accéder aux archives se rapportant à tout cela", a-t-il indiqué. Même si la loi de 2008 introduit le principe de "libre communicabilité" des archives, les documents comportant des intérêts ou des "secrets protégés" deviennent communicables passé certains délais qui s'échelonnent de 25 à 100 ans selon la nature de ces intérêts. C'est le cas des délibérations du gouvernement et des actes des juridictions administratives et financières, consultables dans 25 ans sauf dérogations. Pour l'historien Manceron, il s'agit d'exprimer une demande pour accéder aux notes rédigées à l'époque par le secrétaire général de l'Elysée, lors des Conseils des ministres, ou lors du Conseil interministériel du 5 octobre 1961 qui monteraient, entre autres, la réaction du Général de Gaulle le lendemain des massacres. "Ces archives ne sont pas accessibles par ce que les demandes formulées à ce jour ont été refusées. Leur révélation permettrait de savoir quels sont les rouages décisionnels", a ajouté l'historien selon qui la responsabilité du Premier ministre de l'époque est "fortement en cause". Interrogé par l'APS sur la forme que prendrait la démarche, il a rappelé que la même demande avait été formulée lors de la commémoration du cinquantenaire des massacres, le 17 octobre dernier. "On compte réitérer cette demande auprès des autorités et un certain nombre d'historiens vont demander à pouvoir accéder à ces archives", a-t-il précisé, signalant que la première initiative émanait du mouvement associatif essentiellement, et que cette fois-ci la demande sera portée surtout par les historiens. Présent lors de cette soirée-débat, le romancier Didier Daeninckx a estimé, pour sa part, qu'une telle demande servirait, "historiquement, à situer les degrés de responsabilité de tout un chacun" dans ces massacres. "Il s'agit de savoir quels rôles avaient joué ceux qui étaient dans la politique vers l'indépendance de l'Algérie et ceux qui étaient extrêmement réticents, mais qui jouaient des provocations", a-t-il soutenu. L'auteur de Meurtres pour mémoire (Gallimard-1984) et de la bande dessinée Octobre Noir (Ad Libris 2011) a relevé que les évènements du 17 octobre 1961 est un fait historique "inoui". "C'est la première fois dans l'histoire moderne, qu'un peuple colonisé se révolte au cœur même de l'empire (colonial). C'est un affront. Pour moi, c'est la fin symbolique de l'empire français", a-t-il opiné. Selon le président de l'Association des moudjahidine de la Fédération du FLN en France 1954-1962, M. Akli Benyounes, la chasse à l'homme sanglante déclenchée contre les Algériens le 17 octobre 1961 à Paris a été accompagnée de 12 000 à 15 000 interpellations dont 3.000 envoyés en prison, tandis que 1500 ont été refoulés vers leurs villages d'origine. 300 à 400 morts par balles, par coups de crosse ou par noyade dans la Seine, 2400 blessés et 400 disparus ont été dénombrés suite à la répression policière, a-t-il rappelé.