Les massacres du 8 mai 1945 sont un crime contre l'humanité du point de vue du droit international, il faut juste savoir où déposer plainte, a indiqué lundi Miloud Brahimi, avocat et ancien président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH). ''Bien sûr que les massacres du 8 mai 1945 sont un crime contre l'humanité du point de vue du droit international. Il faut juste savoir où déposer cette plainte des associations qui veulent poursuivre la France pour crimes contre l'humanité'', a-t-il expliqué dans un entretien à l'APS. ''Il est clair que ce qui s'est passé le 8 mai 1945 en Algérie est un crime contre l'humanité. D'autant plus qu'au même moment commençait à Nuremberg le procès des criminels nazis'', affirme-t-il. La poursuite de la France pour crimes contre l'humanité par des ONG algériennes pour ces massacres dans l'est du pays, au plus fort des célébrations de la victoire des Alliés contre les nazis, est une "initiative louable", a-t-il ajouté. Miloud Brahimi estime que l'initiative de certaines associations qui veulent poursuivre la France pour crimes contre l'humanité pour ces massacres est "très louable et part d'un bon sentiment''. ''Mais, ajoute-t-il, sur le plan du droit, il faut d'abord savoir auprès de quelle juridiction internationale déposer une plainte de cette nature''. ''Où effectivement déposer cette plainte, sachant que le crime contre l'humanité n'existe pas encore dans le droit algérien. En outre, l'Algérie n'a pas encore adhéré à la Cour pénale internationale (CPI) et il n'y a pas d'effet rétroactif dans ce genre d'affaires, car la CPI n'a été mise en place qu'en 2002'', précise M. Brahimi. Les enfumades du Dahra, avant les fours crématoires nazis Miloud Brahimi revient, par ailleurs, sur les premiers cas de crimes contre l'humanité commis par la France coloniale contre le peuple algérien. ''Il faut savoir que pour le cas de l'Algérie, ce qui s'est passé le 8 mai 1945 n'était pas le premier crime commis contre le peuple algérien, ni le premier crime de guerre. Il y a eu bien avant et depuis le début de la colonisation française d'autres crimes horribles'', assure-t-il. ''Les premières chambres à gaz de l'humanité ont été faites en Algérie, lors des enfumades du Dahra, bien avant celles des camp nazis'', rappelle-t-il, ajoutant que les enfumades du Dahra ont été les premières chambres à gaz que "l'humanité eut connues". Les généraux français de triste mémoire, Cavaignac et Bugeaud, avaient en une année commis l'irréparable en Algérie, en enfumant plus d'un millier de personnes, sans défense, dans les grottes où elles avaient trouvé refuge. En 1844, dans la région de Chlef, plus exactement dans l'actuelle commune d'Aïn Merane, le général Cavaignac avait ordonné d'enfumer plusieurs centaines d'Algériens (hommes, femmes et enfants) membres de la tribu des Sbehas, qui s'étaient réfugiés dans des grottes. Une année après, le 18 juin 1845, le colonel Pélissier enfume et assassine plus de 1.000 hommes, femmes et enfants dans la grotte de Ghar El Frechih, dans le Dahra. Un soldat avait écrit : ''Les grottes sont immenses. On a compté 760 cadavres, une soixantaine d'individus seulement sont sortis, aux trois-quarts morts, quarante n'ont pu survivre''. Avant cette seconde enfumade, le général Bugeaud avait conseillé à ses troupes, le 11 juin 1845 à l'ex-Orléansville (actuelle Chlef) : ''Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Enfumez-les à outrance comme des renards''. Pour Miloud Brahimi, selon lequel il s'agit bien là des premières chambres à gaz que l'humanité eut connues, bien avant celles des camps de concentration nazis, il existe des passages, dans les accords d'Evian, relatifs aux massacres du 8 mai 1945 commis par la France en Algérie. ''Il existe, en effet, un passage qui accorde une amnistie pour les faits qui se sont déroulés pendant la guerre de libération'', affirme-t-il, relevant qu'en fait, ''il s'agissait pour les négociateurs d'aller vite'' et ''d'effacer l'ardoise, si l'on peut dire cela''. Pour autant, les crimes des français en Algérie étaient "bien sûr nombreux". A l'époque, il n'y avait pas, dans le droit français, de notions relatives aux crimes contre l'humanité, et cela n'a été possible qu'en 1994, souligne l'avocat. Dès lors, ''une plainte pour crimes de guerre ne pouvait être faite avant cette date et c'est le principe de non rétroactivité qui est appliqué sur ce dossier. Et, ici en Algérie, il faut donc se mettre aux normes et standards internationaux'', relève-t-il encore.