Comment «oublier» toujours de rendre hommage à toute une tribu, symbole de l'héroïsme. plus de 1500 hommes, femmes, enfants et vieillards assassines dans les grottes de «Ghar El Frachiche» en 1845 à Mostaganem En 1845, un siècle avant les massacres du 8 mai 1945 et son lot de 5.000 victimes, le général de Cavaignac avait inauguré une année avant, l'ancêtre de la «chambre à gaz» que le colonel Pellisier utilisera pour mater l'insurrection des Ouled-Riah dans le Dahra.(...) Les insurgés avaient pourtant «offert de se rendre et de payer rançon contre la vie sauve», ce que le colonel refusa. (...) L'imagination déchaînée et bestiale des premières décennies de la conquête sera «très riche». On payera des spahis à 10 francs la paire d'oreilles d'un indigène, preuve qu'ils avaient bien combattu. «Un plein baril d'oreilles récoltées paire à paire, sur les prisonniers, amis ou ennemis» a été rapporté d'une expédition dans le Sud par le général Yusuf. Paris, 11 juillet 1845 : à la Chambre des Pairs, entre un débat sur l'aménagement des ports corses et un autre sur la loi relative aux chemins de fer, le prince de la Moskowa, fils du maréchal Ney, demande la parole pour une brève interpellation : Un colonel français se serait rendu coupable d'un acte de cruauté inexplicable, inqualifiable, à l'égard de malheureux arabes prisonniers. Je viens demander au gouvernement français de s'expliquer sur ce fait.» Et il donne lecture de l'article : «Il vient d'arriver dans le Dahra un de ces événements qui contristent profondément ceux qui en ont été témoins, même lorsqu'ils en ont compris l'affreuse nécessité... Le colonel Pélissier s'occupait à poursuivre les Ouled-Riah, tribu qui n'a jamais été soumise, parce que les pays qu'ils habitent renferment d'immenses cavernes...» « Suit le récit de l'enfumade des Ouled-Riah. Hommes, femmes, enfants et troupeaux se sont, à l'arrivée de la colonne française, réfugiés dans leurs grottes. On en a fait le siège et, au bout d'une journée, «à bout de patience» face au «fanatisme sauvage de ces malheureux» qui exigeaient, pour sortir, que l'armée française s'éloigne, Pélissier a fait mettre le feu à des fascines disposées aux accès. Le matin, tout est consommé. Cinq cents victimes, dit le rapport officiel. Aux environs de mille, témoignera un officier espagnol présent. Tous les cadavres étaient nus, dans des positions qui indiquaient les convulsions qu'ils avaient dû éprouver avant d'expirer... le sang leur sortait par la bouche.» Les débuts des guerres dites non conventionnelles Le 27 juin 1845, un officier français écrit à son frère :«Le colonel Pélissier et moi, nous étions chargés de soumettre le Dahra, et le Dahra est soumis. Pélissier est plus ancien que moi et colonel d'état-major, j'ai agi avec lui avec déférence. Je lui ai laissé la belle part... Il a dû agir avec rigueur. J'aurais été à sa place, j'aurais fait de même.» [...] Faire de même? Il n'aura pas longtemps à attendre. Dans l'encyclopédie Wikipédia on lit : «Les enfumades d'Algérie constituent une opération de pacification pratiquée par le corps expéditionnaire français, nommé «Troupes d'Afrique», durant la phase de conquête généralisée du territoire de la Régence d'Alger en 1844 et 1845. Le terme d'«enfumades» a pris son essor avec le général Cavaignac. Il s'agirait du premier usage, connu, de la guerre non conventionnelle pratiquée par une armée régulière sur le territoire algérien. Le procédé consiste à asphyxier l'adversaire en répandant de la fumée dans une cavité rocheuse. Privés d'oxygène, qui est consumé par le brasier, ou étouffés par la fumée qui envahit la grotte, les ennemis meurent par asphyxie. Ainsi, des milliers d'Algériens (dont femmes et enfants) sont enfumés ou emmurés dans les grottes d'Algérie. Le général Bugeaud, commandant en chef, conseille ceci à ses subordonnés pour réduire les partisans de l'émir Abd El Kader peuplant la région du Chélif : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéahs! Enfumez-les à outrance comme des renards.» Pour Chaouky un autre officier, dans une contribution intéressante, «Canrobert évoque un précédent, auquel il a personnellement participé, un an auparavant [1844]. «J'étais avec mon bataillon dans une colonne commandée par Cavaignac (...) On pétarda l'entrée de la grotte et on y accumula des fagots, des broussailles. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain, quelques Sbéahs se présentaient à l'entrée de la grotte demandant l'aman à nos postes avancés. Leurs compagnons, les femmes et les enfants étaient morts. Telle fut la première affaire des grottes.» Saint-Arnaud fera mieux que Cavaignac et Pélissier. Le 8 août 1845, il découvre 500 Algériens qui s'abritent dans une grotte entre Ténès et Mostaganem (Aïn-Meran). Ils refusent de se rendre. Saint-Arnaud ordonne à ses soldats de les emmurer vivants. (...) Le lendemain, une compagnie formée d'hommes du génie et de tirailleurs, reçoit l'ordre de pénétrer dans les grottes. Un silence lugubre entrecoupé de râlements y règne. À l'entrée, des animaux dont on avait enveloppé la tête pour les empêcher de voir ou de mugir sont étendus à moitié calciné. Puis ce sont des groupes effrayants que la mort avait saisis. Ici une mère a été asphyxiée au moment où elle défendait son enfant contre la rage dans l'agonie d'un taureau dont elle saisissait encore les cornes. Ailleurs, des cadavres rendent encore le sang par la bouche et par leur attitude témoignent des dernières convulsions. Des nouveau-nés gisent parmi les caisses et les provisions ; enfin çà et là, des masses de chair informes piétinées forment comme une sorte de bouillie humaine. Près d'un millier d'enfants de femmes et d'hommes ont été asphyxiés, brûlés entre le 19 et le 20 juin 1845». Plus de 1500 hommes, femmes, enfants et vieillards assassines dans les grottes de «Ghar El Frachiche» Pour Aït Saâda, enseignante à l'Université Hassiba-Benbouali, les lettres adressées par le colonel Pélissier du lieu du massacre à son frère à Paris dénotent la cruauté de ce bourreau qui se dit humain dans ses lettres et faisant assassiner plus de 1500 hommes, femmes, enfants et vieillards dans les grottes de «Ghar El Frachiche» dans le haut Dahra par ses sbires. Les enfumades du Dahra Comment «oublier» toujours de rendre hommage à toute une tribu, symbole de l'héroïsme. Les enfumades du Dahra furent l'objet d'un documentaire rehaussé par le témoignage de Hadja Zohra, arrière-petite-fille d'une survivante. Le lendemain du crime, Mohamed Ben Mohamed inspecte les lieux à cheval et retrouve deux survivants, deux miraculés de l'enfer : un homme, Bouhraoua et Aïcha Bent M'hamed. Le sauveur se marie avec la survivante Aïcha. De cette union naissent les grands-parents de Zohra qui récitent des poèmes populaires relatant le massacre des anciens. Cette grotte gagnerait à être revisitée par des officiels algériens, les médias et les historiens connus. Dans le même ton, la culture populaire transmise de génération en génération a permis à Guerine Abdelkader de publier un recueil de poèmes «La Brûlure - Les enfumades de la Dahra» qui raconte par le biais d'un «Goual» ou troubadour, allant de hameau en hameau, de souk en souk porter les bonnes et les mauvaises nouvelles.