Les subventions accordées par l'Etat à la filière lait notamment celle destinée à la production du lait conditionné doivent être ciblées davantage pour encourager l'élevage et réduire la facture des importations de la poudre, ont estimé mercredi des experts. "Jusqu'à quand l'Etat va continuer à subventionner le lait à plus de 50% de son prix réel", s'est interrogé Abdelhamid Soukehal membre de la Fondation Filaha Innov à propos du lait pasteurisé conditionné en sachet cédé au consommateur à un prix administré de 25 DA/litre. Cet expert s'exprimait lors d'une conférence de presse consacrée à la filière lait en prévision du 12ème Salon international des productions et santé animales, du machinisme agricole et de l'agroalimentaire (SIPSA Agrofood), prévu à partir de samedi prochain à Alger. Pour lui, cette subvention "ne va pas durer éternellement" parce que le bas prix du produit "engendre des trafics monstres", citant des cas de gens qui utilisent le lait subventionné pour allaiter les agneaux, fabriquer des produits dérivés (yaourt et fromage) ou même le vendre aux frontières. "Dans aucun pays au monde les prix des produits alimentaires sont aussi inférieurs aux prix de la production", a lâché M. Soukehal. Pour soutenir le pouvoir d'achat, l'Etat vend la poudre de lait aux transformateurs à un prix inférieur à celui du marché international sous condition que cette poudre soit destinée exclusivement à la production du LPC (lait en sachet) auquel devrait être ajoutée une quantité de lait cru issu de la production nationale. "L'Etat est en train de subventionner l'importation et la contrebande. Pour cela il faut aller vers la suppression de la subvention et trouver un autre mécanisme pour aider les populations à faible revenu", a-t-il préconisé. "Les pouvoirs publics doivent mettre en place une politique sociale très ciblée", a-t-il ajouté. Cet expert propose par exemple de distribuer du lait gratuitement dans les écoles pour contribuer à l'équilibre alimentaire et consacrer les sommes "faramineuses" allouées aux importations au soutien des éleveurs et au développement de la production nationale. L'Office national interprofessionnel du lait (ONIL), qui importe de la poudre de lait au compte de l'Etat, a distribué en 2011 plus de 1,4 milliard de litres équivalent en poudre contre 1,2 milliard de litres en 2010. Outre le soutien de la poudre, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif incitatif à la production nationale en accordant des primes de 12 DA/litre à l'éleveur, 7 DA/litre au collecteur et 4 DA/litre au transformateur intégrant du lait cru dans la production du LPC. Abondant dans le même sens, le président du Conseil interprofessionnel du lait (CIL), Mahmoud Benchekour, a estimé que "certes, le prix actuel du lait est conçu pour soutenir le pouvoir d'achat, mais il (le prix) pose problème à l'éleveur qui produit son lait à un coût élevé". "Ce prix (administré) ne se trouve qu'en Algérie", a-t-il dit soulignant que le bas prix n'encourage pas la production nationale. Il préconise de produire les fourrages à bon marché pour alimenter les vaches à un coût raisonnable en vue de réduire le prix de revient du litre de lait à l'étable qui se situe entre 50 et 55 DA. "Les pouvoirs publics doivent mettre en place tout un programme impliquant les agriculteurs et les éleveurs en vue d'augmenter la production fourragère pour pouvoir couvrir les besoins de notre cheptel en alimentation sur toute l'année", a-t-il encore recommandé. M. Benchekour a soutenu que la politique du renouveau agricole et rural a permis de redresser la filière lait, et ce, grâce au dispositif d'incitation à la production nationale. "Mais l'Algérie continue toujours d'importer la poudre et l'alimentation", a-t-il dit. Pour remédier à cette situation, ce professionnel plaide pour améliorer la nourriture du cheptel en favorisant la culture du maïs fourragère et de la luzerne avec des rendements de 300 quintaux à l'hectare et en adoptant une politique d'économie de l'eau. Selon les professionnels, le cheptel algérien est nourri à base d'herbe 3 mois seulement sur toute l'année en raison de la faible pluviométrie et du potentiel irrigué très réduit. "Techniquement, l'Algérie peut être un pays autosuffisant en lait", estime M. Soukehal suggérant de mettre des mécanismes incitant les producteurs à produire de l'alimentation en recourant à des techniques innovantes en matière d'économie d'eau. Un symposium international de la filière lait se tiendra en marge du 12ème salon SIPSA-agrofood prévu du 19 au 22 mai au Palais des expositions (Pins maritimes) à Alger qui verra la participation de près de 380 exposants nationaux et étrangers. Placé sous le thème : "la valorisation de produits agricoles et d'élevage, un défi au bénéfice du consommateur", le salon devrait accueillir plus de 18.000 visiteurs, selon les organisateurs.