Il y a, durant cette fête de l'Aïd el fitr, autant de chances de trouver une baguette de pain, une denrée disponible à profusion pendant les 30 jours du mois sacré de Ramadhan, que de dénicher une aiguille dans une botte de foin à Jijel, a-t-on constaté. Les rideaux métalliques de nombreuses boulangeries restent hermétiquement et désespérément baissés, ne laissant émaner la moindre effluve de pain au levain. Comme pour les précédentes fêtes religieuses, cet Aïd, placé sous le signe de la canicule, n'a pas dérogé à la règle, en dépit des appels de la direction du Commerce et de l'Union des commerçants, appelant cette frange de commerçants à travailler pendant les deux journées de l'Aid. Même la promesse de les doter de groupes électrogènes, n'a pas eu l'effet escompté. Au premier jour comme au second, le pain était une denrée rare à dégoter dans les boulangeries ou dans les commerces d'alimentation générale, voire au niveau du marché central, où tout et son contraire trônaient il y a quelques jours dans une effervescence indescriptible. Les rares fournées ou corbeilles de pain écoulées se sont volatilisées en un clin d'£il, et dans une énorme cohue qui confirme le dicton selon lequel "ventre affamé n'a point d'oreilles". Cette raréfaction du pain s'explique, selon les patrons boulangers, par le fait que de nombreux mitrons partent en congé chez eux, dans les localités rurales, montagneuses et éloignées où se trouvent leur familles. Seuls les cafés, commerces d'alimentation générale, quelques bouchers et magasins d'appareils téléphoniques pour l'inévitable recharge de crédit prépayé, nécessaire pour les communications et le traditionnel échange de v£ux, étaient ouverts au public. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la pâtisserie, sous toutes ses formes géométriques, était largement disponible chez lesà boulangers. Un responsable de l'association de wilaya pour la protection du consommateur s'est indigné de l'attitude et de l'absence des boulangers pendant les fêtes de l'Aïd. Pour lui, "les vieux réflexes ont la peau dure". Ni les appels à la sagesse, ni la réglementation en vigueur n'ont pu empêcher la population de rester sur saàfaim. Même constat chez un citoyen dépité de n'avoir pu trouver de pain : "c'est bizarre que la banane qui provient des antipodes soit disponible sur étals, alors que le pain, produit localement, s'est éclipsé, faudrait-il aussi l'importer d'Amérique du sud ?". Jijel et ses environs dont la beauté des paysages n'est plus à démontrer sont restés villes mortes. Tout y était pratiquement paralysé, hormis la circulation automobile où piétonnière des citoyens. Là encore, la notion de service public n'a pas été respectée par une partie des commerçants. En revanche, la palme revient aux stations-service pour leur présence effective sur le terrain, de jour comme de nuit. Réputés pour leur savoir faire en matière de préparation de pain, depuis le règne des frères Barberousse, les boulangers de la région de Jijel ont, de nouveau, brillé par leur absence, encore une fois, un signe prémonitoire d'une étoile en voie d'extinction ?