Tel un bijou dans son écrin, bordé par des paysages naturels enchanteurs, le phare d'El Kala (El Tarf), suscite encore, près de deux siècles après sa construction, la même curiosité chez les Callois qui y voient un endroit de rêve pour la méditation. Majestueuse à l'extrémité d'une presqu'île, cette vieille vigie de pierre attire à longueur d'année, telle un aimant, de nombreux visiteurs, notamment des autochtones qui ne se lassent pas de contempler, de là, l'immensité du bel azur ainsi que les sites naturels comme les plages, les lacs et toute cette verdure d'une beauté saisissante. Véritable monument historique en raison de son âge et de sa spécificité architecturale, cet édifice, construit en 1850 en pierres apparentes, avec une tour cylindrique s'appuyant sur un bâtiment de forme rectangulaire, est géré par l'unité régionale de Skikda de l'Office national de signalisations maritimes. Cette sentinelle de nuit, véritable abri naturel situé à l'entrée de la vieille poudrière, sur la presqu'île allongée parallèle au rivage, culmine à une hauteur de 130 mètres environ de la surface de la mer et à plus d'une douzaine de mètres du terre-plein. Cet éternel solitaire, de type "phare de jalonnement", a une portée de 15.000 miles marins, avec un éclairage blanc tournant. Ses façades blanches sont "couronnées" d'une tour en verre rouge vif visible depuis les entrées Est et Ouest de la ville, où jadis trônaient deux canons datant du XIXe siècle. De ces deux canons, il n'en reste, aujourd'hui, qu'un seul qui a été déplacé il y a une vingtaine d'années pour décorer l'entrée principale de l'hôtel El Mordjane, actuellement fermé. Du cap Rosa, près d'El Kala, au cap Roux, à la frontière algéro-tunisienne, le visiteur peut admirer l'île maudite, le ravin au trésor, le bastion de France, la vieille Calle, le fort Moulin et le chemin des crêtes. Seul à l'extrémité de la presqu'île, le fanal qui sert de phare, semble s'inscrire hors du temps et des événements qui ont fait le passé de cette ville où se sont succédées de nombreuses civilisations. Son imposante architecture ainsi que toute "la charge" symbolique qu'il véhicule depuis la nuit des temps lui confère le titre de témoin infatigable et incontournable, d'autant plus qu'il représente toute une page de l'histoire de Marsa El Kharez (le port aux breloques). Surplombant la passe d'entrée du port d'El Kala et ses quais, construits en galets encore bien conservés à ce jour, faisant face au fort Moulin, ce site est également considéré comme un lieu de détente où, durant les fêtes locales, il est exploité comme aire de jeux de mer. "Ce lieu de promenade a de tout temps enregistré un flux impressionnant de visiteurs curieux, d'abord, de découvrir ces lieux enchanteurs avant d'y revenir par la suite, à chaque fois que l'opportunité se présente, pour accorder à l'âme ces doux moments de répit et de paix inoubliables", confie Abdelhamid H, fonctionnaire en retraite, en scrutant le "F'nar" pour se remémorer moult souvenirs de jeunesse. "Bien qu'affaissée par les violentes tempêtes de 1983 et de 2003, la passe du port, située au pied du phare, semble résister aux aléas du temps et de l'homme", ajoute-t-il, regrettant "le peu d'intérêt accordé aux travaux d'entretien et de restauration d'un patrimoine d'une valeur aussi inestimable". Jadis, raconte-t-il, "les femmes venaient ici, dans l'après midi, enveloppées de leurs célèbres +mlayas+ qu'elles portaient avec un charme propre à cette région". Loin des regards hautains des roumiate (les femmes des colons), les calloises s'y adonnaient à de longues discussions entre femmes ou tout simplement plongeaient dans de longues méditations qu'elles semblaient interrompre contre leur gré juste avant la tombée de la nuit où les sorties nocturnes n'avaient pas encore droit de cité. Les hommes, quant à eux, se dirigeaient, soit en groupe soit en solitaire, vers "leur" phare, qui pour griller tranquillement une cigarette, qui pour s'imprégner davantage de cette source inépuisable d'inspiration ou bien alors partager des avis sur des sujets d'actualité ou tout simplement oublier, l'espace de quelques minutes, les problèmes du quotidien en racontant de longues complaintes à "El Bekouche" (nom donné, ici, à la mer). Ammi El Hadi, surnommé "Chocolat" en raison de son teint très brun, se souvient du "jeu de la bigue" que l'on pratiquait en été sur ce site, juste à côté du phare, histoire de fêter la saison estivale. Un jeu qui consiste à fixer solidement un poteau sur le quai et à le badigeonner abondamment de graisse, de façon à rendre périlleuse la tentative d'escalade de cette sorte de mât de cocagne. "Quiconque parvenait à atteindre l'extrémité pour décrocher un drapeau accroché en guise de trophée, avait droit à un flot d'applaudissements et de congratulations, avec un billet gratuit pour assister à la soirée musicale au programme", se souvient "Chocolat". Le phare d'El Kala a fait l'objet, en 2004, d'une opération de rénovation et d'entretien pour permettre à ce témoin immobile de poursuivre son interminable mission.