Les lignes électrifiées Challe et Morice, érigées le long des frontières est et ouest du pays, ont constitué le moyen préconisé par l'administration coloniale française pour resserrer l'étau sur l'ALN, lui couper toutes les sources d'approvisionnement de quelque nature que ce soit et faire du pays un vaste camp d'internement. Des centaines de kilomètres de lignes électrifiées et des millions de mines antipersonnel outre des postes de contrôle ont été installés dans l'optique de freiner l'élan révolutionnaire du peuple algérien résolu plus que jamais à libérer son pays du joug colonial. Des hommes comme Bouazza Kaddour, Bouabsa Laaredj, Tarchaoui Belhadj, Hmari Larbi et bien d'autres, âgés à peine de vingt ans à l'époque, ont su vaincre la peur pour traverser les frontières en dépit des dangers qui les guettaient. "L'organisation des forces de l'ALN s'adaptait aux nouvelles donnes du terrain", a indiqué Bouazza, un des démineurs volontaires de l'époque. La France coloniale a renforcé la surveillance le long des frontières et a mis en place toute une batterie de moyens pour faire échouer toute tentative de traverser les frontières. "Nous opérions en petits groupes et non en section ou en compagnie comme auparavant pour couper les barbelés électrifiés et enlever les mines", explique ce témoin. Avec un grand soupir, Bouazza se rappelle ses compagnons d'armes, morts déchiquetés par les mines. "A chaque traversée, c'était la mort assurée", se souvient-il. Des centaines de moudjahidine ont trouvé la mort sur cette ligne ou sont devenus invalides. "Malgré ces risques, on traversait les frontières pour accomplir nos missions afin d'approvisionner l'armée en habillement, munitions et en armements", ajoute ce démineur, qui, avec un brin de fierté souligne que les mines posées par l'ennemi étaient utilisée contre ce dernier. "Quand on avait compris le fonctionnement des mines, nous les désamorcions pour les bourrer d'explosifs avant de les placer dans diverses pistes pour retarder les ratissages de l'armée française et détruire leur matériel roulant", explique le même moudjahid. Dans la région frontalière de Sidi Djillali, de nombreux chars de l'armée française ont été détruits grâce à cette tactique. Des carcasses calcinées de ces engins semant la mort sont exposées jusqu'à présent aux carrés des martyrs de Hennaya et de Sidi Djillali. Le moudjahid Hadj Bouabsa, chargé du transport, lors de la guerre de libération, se souvient de toutes les épreuves endurées. "On marchait jusqu'à 50 km par jour toutes les nuits pour accomplir nos missions celles de ramener des munitions ou des habits ou de récupérer des prisonniers à dos de cheval ou de chameau", a-t-il indiqué. Son compagnon d'armes, Ahmed Derkaoui, se souvient également des sacrifices consentis pour arracher l'indépendance nationale. De sa compagnie constituée de 135 éléments durant les années 1957 /1958, seuls 15 ont assisté à la fête de l'indépendance nationale. Les millions de mines antipersonnel ensevelies sous terre en 1957 par les forces coloniales poursuivent jusqu'à présent leurs "œuvres" destructrices. Elles continuent de faire des victimes parmi la population de la bande frontalière algéro-marocaine, longue de quelques 171 km. Des enfants, des bergers et même des animaux ont été déchiquetés ou handicapés à vie par ces engins de la mort, constatent amèrement ces moudjahidine, en dépit des opérations de déminage de cette région entreprises par l'ANP, glorieuse héritière de l'ALN.