Des projets de proximité ont été élaborés pour sauver d'une lente dégradation le barrage vert dans la wilaya de Djelfa où le surpâturage rend difficile la tâche des agents des forêts pour protéger cette ''œuvre'' lancée en 1971. Outre les pressions naturelles dont celle climatique, cette ceinture verte subit quotidiennement de nombreuses agressions, particulièrement le surpâturage et l'abatage illicite des arbres, des phénomènes à l'origine de sa détérioration, regrettent les forestiers de la wilaya de Djelfa rencontrés par l'APS. La wilaya de Djelfa, une zone steppique qui renferme une richesse forestière de plus de 214.000 hectares de pins constitue, à la porte du Sahara, le dernier rempart face à l'avancée du désert. C'est dans cette perspective que le projet de barrage vert a été choisi pour cette région, connue pour ses immenses zones steppiques menacées par l'avancée du désert. La wilaya de Djelfa compte à elle seule entre 10 à 20% de l'ensemble de la superficie prévue dans le cadre de ce projet de ceinture verte. Néanmoins, cet ouvrage est menacé d'une lente dégradation, selon les responsables des services des forêts de la wilaya. Cela est dû essentiellement à la nature de la région qui est parmi les plus exposées à la désertification. Près de 46% des terres reboisées sont menacées, selon des études réalisées à partir de photos prises par satellite. La menace est plus grande pour les zones touchées par ces dégradations, car elles pourraient être envahies par le sable en cas de trop longue période de sécheresse. Selon les responsables des services forestiers de la wilaya, la nature steppique et pastorale de la région, outre le facteur socio-économique n'ont pas été pris en compte dans les études de réalisation du barrage vert. "La première étape de la réalisation de ce projet (1971-82) a été marquée par des opérations de reboisement sans étude technique préalable. Les éléments au service national, qui n'étaient pas formés pour ce genre d'opérations, ont procédé à la mise en terre de plants dont les poches recouvrent entièrement les racines alors qu'il fallait que les poches soient à moitié coupées pour permettre à l'arbre de s'enraciner en profondeur", a souligné le conservateur des forêts de la wilaya de Djelfa, Salim Hadid. Durant les premières années, le projet était limité à la culture du pin alpin. Les responsables expliquent ce choix par la capacité de cet arbuste à résister aussi bien à la chaleur estivale qu'au froid hivernal, mais il figure parmi les types les plus sensibles à la chenille processionnaire qui menace actuellement des milliers d'hectares, en dépit des efforts déployés pour l'éliminer. "Cette chenille, qui se nourrit des branches de l'arbre hôte influe sur sa croissance, d'où le manque de croissance de certains arbres même si leur plantation remonte à plusieurs années", a indiqué le conservateur, ajoutant que "pour lutter contre ces chenilles, nous procédons, entre décembre et mars de chaque année, à l'enlèvement des nids ainsi qu'aux épandages aériens qui ont donné leurs fruits en 2007". En 1982, une étude a été élaborée pour corriger les fautes techniques relevées lors de la première étape de réalisation du barrage vert. En 1990, le projet a été confié à l'administration des forêts, cependant, la conjoncture qu'a traversée le pays à cette époque n'a pas permis de rattraper le retard. Actuellement, l'administration des forêts ne dispose pas des moyens techniques et outils juridiques nécessaires à la protection de cet important projet dans la politique nationale de lutte contre la désertification, selon les responsables du secteur. "Le surpâturage, le labourage anarchique et l'abattage des arbres constituent les principales menaces auxquelles fait face le barrage vert, tant à Djelfa que dans d'autres wilayas", a souligné M. Hadid. M. Hadid, qui a préconisé une révision "urgente" du code forestier promulgué en 1984, a souligné que "ce code est dépassé et doit être revu pour le rendre plus dissuasif pour ceux qui menacent notre richesse forestière". En accord avec le Haut-commissariat au développement de la steppe (HCDS), la conservation des forêts de la wilaya de Djelfa organise le pâturage en alternance pour laisser le fourrage en vert se régénérer, mais cette organisation est peu respectée dans cette wilaya où le cheptel dépasse les trois millions de têtes. L'abattage sauvage des arbres est quasi quotidien dans cette wilaya et touche particulièrement les pinèdes du barrage vert, se lamentent des agents des forêts. "Il faut revoir la gestion des ressources humaines au sein de l'administration des forêts et assurer à l'agent tous les moyens dissuasifs pour lutter contre les dépassements", a souligné le chef de la circonscription des forêts de Hassi Bahbah, Saadane Bouhelal. "Nous sommes incapables d'astreindre les bergers à procéder au pâturage dans les régions réservées à cela", a-t-il dit. Une fois la personne arrêtée, l'agent établit un procès-verbal qui est soumis aux instances habilitées qui prononcent, une année après, un jugement consistant en une amende n'excédant pas les 1.000 DA qui ne sont généralement pas versés, selon le même responsable. ''Dès lors, l'abattage des arbres et le surpâturage deviennent alors rentables, car ces exploitants illicites réalisent de bonnes affaires contre une amende de 1.000 DA seulement'', précise ce responsable. Pour lui, ''il faut mettre en place une nouveau règlement qui autorise l'agent des forêts à établir une amende au moment même du délit et à lui fournir tous les moyens nécessaires qui lui permettent d'appliquer la loi''. En outre, l'autre grande menace est constituée par les feux de forêts qui ravagent la ceinture verte dans la wilaya de Djelfa. En 2012, 52 hectares sont partis en fumée dans la wilaya de Djelfa contre un à six ha durant les années précédentes. "L'année 2012 a été exceptionnelle. Nous avons enregistré un niveau record par rapport à la décennie écoulée", a déclaré le conservateur divisionnaire des forêts de la wilaya de Djelfa, Hamza Amar. La prise de conscience des citoyens de l'importance de la préservation de la richesse forestière et la lutte contre la désertification constituent un élément clé pour la protection du Barrage vert, selon les responsables rencontrés à Djelfa. La direction des forêts a ainsi impliqué les citoyens aux programmes agricoles de proximité dans le cadre de sa nouvelle approche du renouveau agricole. La conservation des forêts de Djelfa a élaboré quelque 431 PPDRI dans son programme 2010-2014, dont 187 projets ont été lancés pour la création d'exploitations agricoles, l'élevage des animaux, des mini barrages, etc. La majorité de ces projets sont réalisés près du Barrage vert, ce qui contribue théoriquement à sa protection. Les citoyens bénéficient gratuitement de terres agricoles par contrats de concession et de plants gratuits (des oliviers en général) dans le cadre de projets financés par des Fonds dédiés à la steppe ou du budget de la conservation des forêts. La superficie des projets confiés à la conservation des forêts de Djelfa depuis janvier 2012 a dépassé les 600 ha pour la plantation de 60.000 oliviers. Cependant, la plantation des arbres est souvent abandonnée et les terres qui y sont réservées sont généralement détournées à d'autres fins dont le pâturage, faisant ainsi échouer le projet qui était initialement destiné à augmenter les superficies de boisement, indiquent-on à la conservation des forêts de Djelfa. "Nous comptons essentiellement sur les initiatives privées pour protéger la richesse forestière et contribuer à la lutte contre la désertification. Mais les citoyens qui bénéficient de concessions et de soutiens pour faire aboutir leurs initiatives doivent faire preuve de responsabilité vis-à-vis de leurs engagements", a indiqué par ailleurs Hamza Amar. Pour stopper son inexorable dégradation, le Barrage vert bénéficiera d'un programme d'entretien et d'extension après l'achèvement de l'étude entamée en novembre dernier par le Bureau national d'études sur le développement rural (BNEDER). Des techniciens du BNEDER ont achevé une étude sur le projet de Barrage vert à Djelfa dont la superficie prévue dépasse un million d'hectares. Sur la base de cette étude, un plan opérationnel sera dégagé pour la restauration, la maintenance et l'extension du barrage vert. Ce plan comprend des projets de boisement et de protection des forêts, des projets agro-pastoraux ainsi que de nouveaux projets destinés aux réserves et zones humides. Le plan prévoie également des opérations de fixation des dunes qui ont déjà contribué à stopper la ceinture dunaire "Zaer" qui s'étend sur 20 km dans la wilaya de Djelfa. L'administration des forêts fonde de grands espoirs sur ce projet pour préserver le Barrage vert en tant que réalisation nationale susceptible de faire face au phénomène de désertification et de changement climatique, mais demeure pleinement consciente que cela ne saurait se faire sans l'implication effective des citoyens qui doivent, aujourd'hui plus que jamais, prendre conscience de leurs responsabilités.