Le procès des 24 prisonniers politiques sahraouis ou "groupe Gdeim Izik" se poursuit devant le tribunal militaire de Rabat avec l'audition des prévenus, dont cinq ont été entendus samedi lors de la troisième audience, a-t-on appris de sources judiciaires. Les cinq prévenus ont rejeté en bloc tous les chefs d'accusation portés contre eux, affirmant que l'Etat marocain était responsable des évènements qui se sont déroulés le 8 novembre 2010, après l'assaut donné par les forces marocaines contre le camp de Gdeim Izik, proche d'El-Ayoun occupé, au Sahara occidental. Durant l'audition de samedi, un des 24 accusés en l'occurrence Ahmed Sbaai qui souffre, selon sa famille, de troubles cardiaques et qui est sujet à des évanouissements, avait eu un malaise avant d'être transporté à l'hôpital où le médecin lui a prescrit un repos de 48 heures, a-t-on appris auprès des observateurs du procès. Ayant rejoint le tribunal mais pas la salle d'audience, le président a décidé de l'auditionner après une période de repos, a-t-on précisé de même source. Les prisonniers politiques sahraouis, en détention depuis plus de 27 mois, sont notamment accusés d'"atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, formation d'une bande criminelle et atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l'exercice de leur fonction". Dans leurs réponses, les prévenus ont réaffirmé qu'ils sont des militants politiques pacifiques, des défenseurs des droits de l'homme et par conséquent ils considèrent leur procès devant un tribunal militaire comme un "procès politique". "Nous ne sommes pas des criminels, mais des prisonniers politiques et nous considérons notre comparution devant ce tribunal militaire comme un procès politique", a notamment déclaré Ennaama Asfari, premier prévenu auditionné soulignant que le camp de Gdeim Izik était "une bataille de protestation pacifique" et une "forme de contestation politique symbolique par lesquelles nous réclamions les droits des Sahraouis". Pour rappel, environ 40.000 Sahraouis avaient, à l'automne 2010, élu domicile et avaient dressé quelque 3.000 tentes pour "défendre leurs droits politiques, économiques et sociaux", avant d'en être délogés par les forces d'occupation marocaines. Avant l'audition de ce premier témoin, un des avocats de la défense avait déclaré à l'adresse du président du tribunal que les accusés avaient "le droit de considérer leur procès comme un procès politique". Dans son intervention, le président du tribunal avait indiqué que le procès doit être mené par rapport aux faits qui se sont déroulés le 8 novembre 2010 et aux chefs d'accusation portés contre eux. A l'ouverture de l'audience de samedi, les accusés, en tenue traditionnelle, ont brandi des "V" de la victoire et chanté l'hymne national sahraoui au moment où, à l'extérieur leurs familles organisaient un rassemblement en scandant des slogans contre leur comparution devant un "tribunal militaire illégitime" et revendiquaient l'ouverture d'une "enquête juste et honnête" sur le démantèlement du camp de Gdeim Izik. Des observateurs européens, pour la plupart des magistrats, avocats et militants des droits de l'homme assistent au procès. Les prisonniers politiques sahraouis sont détenus à la prison locale2 de Salé, la ville jumelle de Rabat. Ils avaient observé plusieurs grèves de la faim afin d'alerter l'opinion publique sur leur sort et revendiquer l'amélioration de leurs conditions de détention, ainsi que leur libération inconditionnelle ou bien la tenue d'un procès juste et équitable devant un tribunal civil. A la suite de leur arrestation, leurs familles avaient organisé plusieurs sit-in à Rabat pour attirer l'attention sur leurs conditions d'incarcération et réclamer leur libération. Le 31 janvier dernier, à la veille de leur première audience, ils avaient appelé à l'application du droit international dans ce dossier. "Nous demandons à ce que les principes du droit international soient imposés dans le dossier du groupe de Gdeim Izik, puisqu'il s'agit de détenus politiques qui ont exprimé des revendications par rapport à la question sahraouie qui est gérée par l'Organisation des Nations unies", a souligné un membre de ces familles, dans une conférence de presse au siège de l'association marocaine des droits humains (AMDH). Plusieurs associations internationales de défense des droits de l'homme, des intellectuels et avocats ont réclamé leur libération "inconditionnelle" et dénoncé la comparution de civils devant un tribunal militaire.