A quelques heures du derby algérois entre les deux "frères-ennemis", l'Union sportive musulmane d'Alger (USMA) et le Mouloudia Club d'Alger (MCA), Bab-El-Oued vit au rythme de cette finale et "refuse" de se départir de la frénésie suscitée par cet événement sportif. Tout en livrant les pronostics les plus avantageux pour leur sélection favorite, les supporters de l'une ou l'autre retiennent leur souffle dans l'attente du verdict du rectangle vert. Vert, rouge, noir et blanc. C'est ainsi que s'est paré depuis quelques jours déjà ce quartier mythique, véritable pouls battant de la complétion footballistique algéroise et qui connaît en cette matinée de mercredi une atmosphère inhabituellement festive. Sur les façades des immeubles, des balcons, des boutiques, sont fièrement étendus d'immenses drapeaux aux couleurs de tel ou tel club algérois et sur lesquels sont inscrits des slogans divers trahissant un souci d'imagination et d'inventivité pour être le "meilleur" de tous. "Mouloudia forever", "Le doyen ne meurt jamais", "Climat de France fidèle à l'USMA", et d'autres slogans accueillent habitants et visiteurs du quartier qui éprouvent toutes les peines du monde à se frayer un chemin au milieu de ce tumulte bruyant et incessant. Les automobilistes qui empruntent l'avenue du Colonel Lotfi menant aux Trois Horloges finissent par le regretter tant leur patience est mise à rude épreuve. Même le policier en charge de réguler la circulation ne peut s'empêcher de baisser les bras dans un geste d'impuissance. Au prix de 150 DA, des vendeurs ambulants, souvent des enfants, proposent aux passants des albums composés expressément pour l'occasion ou des "Vuvuzelas". D'autres étalent sur des tables à même le trottoir casquettes, chapeaux, bandanas, ballons, bracelets, et autres accessoires imaginés pour cette "fête sportive" et destinés aussi bien aux adultes qu'aux enfants. Des notes glorifiant l'USMA ou le Mouloudia fusent de certains commerces, voire même de balcons, accentuant davantage l'ambiance particulièrement joyeuse. Difficile de savoir quel est le club qui réunit le plus grand nombre de fans dans la mesure où chacun d'eux revendique la supériorité numérique pour celui qu'il supporte. Il en est de même pour le pronostic final que supporters du Mouloudia et de l'USMA s'attribuent. "Cette fois, la coupe sera la nôtre, j'en suis convaincu", martèle Mohamed, appelé "Moh Skilachi" (du nom du joueur italien). Drapé du tissu rouge et noir pour marquer sa préférence, il se réclame "chauvin" de l'USMA pour "l'amour" duquel il "est prêt à tout". Avec son frère et des jeunes de son quartier (avenue Abderrahmane Mira), ils ont créé le groupe "Vagabonds" et composent en amateurs des chansons pour leur club. A quelques mètres de là, le Cercle de l'USMA désert en cette matinée car "tous les inconditionnels sont montés au stade, certains dès 6 h du matin et d'autres ont passé la nuit là-bas", explique ce jeune de 22 ans qui ne jure que par l'USMA. "Moi fatigué ?, jamais !", s'écrie presque Hamada Aouina, un de ses innombrables inconditionnels du club usmiste pour lequel il n'hésite pas à consentir parfois des sacrifices. Comme celui d'avoir veillé hier soir à l'extérieur alors qu'il a pour habitude de se coucher aux alentours de 20 h et 21 h, son travail exigeant qu'il se lève dès 4 h du matin. A vrai dire, cela fait déjà quelques jours que Hamada a dérogé à cette habitude. "L'USMA passe avant. Je n'ai cure de la fatigue car je ne peux m'empêcher d'être dans le bain !", lâche-t-il. Ce "mordu" de l'USMA qui n'a pas attendu l'événement d'aujourd'hui pour arborer le maillot noir et rouge puisqu'il le porte fréquemment, a transmis sa "passion" à son aîné de 14 ans et sa cadette de 3 ans. Chapeau et autres accessoires à la "gloire" du club fétiche, Nihal défile depuis quelques jours avec son père et son frère à bord de la voiture familiale agrémentée de deux drapeaux bicolores. "Nous allons gagner et nous offrir une 5e coupe, il n'y a aucun doute à cela !", martèle Hamada dont l'adoration qu'il voue à son club est connue de tous dans son quartier, non loin du complexe El-Kettani. Mohamed Mebarki, son voisin de quartier est venu spécialement de France pour ne pas rater la "fête". Fan "à mort" du Mouloudia, le football est une affaire de passion et de famille. Le père et le frère partagent cette passion avec laquelle ils ont fini par contaminer l'épouse et les sœurs. Dans cette famille, les discussions et les matchs sont suivis avec une émotivité démesurée. Mohamed n'est pas le seul à avoir "tout arrêter" pour être de la partie. Ahmed, résidant à Londres a pris un congé pour retrouver l'ambiance "folle" de son quartier les Trois Horloges et assister au "cinquième sacre" du Mouloudia, est-il convaincu. Une nuit presque blanche Klaxons de voitures et "Vuvuzelas" à tue-tête, des va-et-vient incessants d'automobilistes et de piétons, chansons et autres slogans rappelant les ambiances propres aux stades, étendards classiques où aux motifs bariolés et imaginatifs, pétards... etc, Bab-El-Oued a peu dormi hier. Les bouchons qui rendaient déjà la circulation pénible durant la journée l'ont quasiment paralysée en soirée. Le quartier qui s'est "décrispé" depuis quelques jours à la faveur de l'actualité sportive s'est littéralement lâché hier soir et n'entendait pas renouer avec le calme avant une heure tardive de la nuit. Les "fanatiques" des deux clubs se sont juste accordés un court répit pour reprendre de plus belle tout à l'heure, se sont-ils promis. "Si avant de jouer, il y a cette ambiance, ça serait quoi après le match ?", se demandent certains. Il n'est pas rare de croiser des jeunes filles à bord de véhicules en "fête" comme l'illustre leur accoutrement particulier qui sied à l'événement et les notes se dégageant des postes radio chantant la gloire de l'un ou l'autre des clubs algérois.