Un taux de 62% des personnes étrangères arrêtées puis enfermées en centre de rétention en 2012 ont été ensuite expulsées directement, sans voir le juge des libertés et de la détention (JLD), seul garant de la liberté individuelle, révèle vendredi la Cimade, une Ong en charge des droits des migrants. Citant ce chiffre rendu public dans le rapport sur l'immigration du parlementaire Matthias Fekl , cette Ong estime qu'il illustre le "grave recul" des droits qu'a provoqué la dernière loi sur l'immigration, dite loi Besson qui prévoit en effet que le JLD n'intervienne plus qu'au bout de 5 jours de rétention au lieu de 2 auparavant, fait valoir la Cimade. A titre de comparaison, début 2011, c'était 22% des personnes enfermées en rétention qui étaient expulsées avant de voir le juge, précise-t-elle. "Ecarter ainsi le juge des libertés donne toute latitude à la police pour arrêter et enfermer des personnes étrangères sans trop se préoccuper du respect des procédures, pourtant garde-fous indispensable des droits fondamentaux", observe cette Ong. La Cimade qui considère que le rapport Fekl recommande de rétablir l'intervention du JLD à 2 jours au lieu de 5, souligne que cette mesure est en effet "prioritaire", et qu'il n'était "nul besoin d'attendre la parution de ce chiffre alarmant pour se rendre compte des conséquences de cette mesure". Aujourd'hui, La Cimade espère que le gouvernement ne se contentera pas de "ce seul retour en arrière" et qu'il prendra les mesures nécessaires, dans une nouvelle loi, pour permettre l'accès de tous au juge. Le rapport du parlementaire Matthias Fekl remis le 14 mai au gouvernement dresse des constats sur les obstacles rencontrés aujourd'hui par les personnes étrangères pour demander un titre de séjour au guichet d'une préfecture ou faire valoir leurs droits auprès d'un juge lorsqu'ils sont menacés d'expulsion. Cependant, les propositions faites, étant présentées comme un "objectif prioritaire" par ce rapport, sont qualifiée d' "insuffisantes" par la Cimade qui considère qu'elles sont "tempérées tout au long du rapport par des appels à la fermeté, la lutte implacable contre l'immigration illégale". Pour cette Ong, ce rapport cible en effet la mise en œuvre des politiques publiques sans remettre en question les fondements de celles-ci. Elle estime que cette approche, "nécessaire et indispensable", doit être combinée avec une réflexion plus large sur les objectifs d'une politique d'immigration et observe que "traitée isolément, elle est forcément insuffisante". Des choix politiques plus osés mériteraient d'être proposés La Cimade qui s'est toujours montrée attentive l'application des politiques publiques en matière d'immigration par les préfectures et autres administrations concernées en France, regrette toutefois que les des choix politiques "plus osés" ne soient proposés dans ce rapport. Ainsi, même si elle approuve la généralisation d'un titre pluriannuel qui peut contribuer à stabiliser le séjour et à mettre fin à la précarité administrative à laquelle sont contraintes des milliers de personnes étrangères obligées de renouveler chaque année leurs papiers, l'Ong regrette cependant que les étudiants et les étrangers malades soient exclus de cette mesure. Elle constate aussi que même si le rapport en question, pointe bien "les dérives" dont sont victimes les personnes étrangères considérées comme des sujets de "moindres droits", le document "ne propose que peu d'évolution pour leur garantir un accès véritable à la justice". Soulignant par ailleurs que le rapport évoque la proposition de diminuer la durée maximale de rétention de 45 à 30 jours, délai au-delà duquel peu de personnes sont expulsées, la Cimade indique que la majorité des personnes sont expulsées dans les tous premiers jours, jugeant que la durée maximale de rétention pourrait et devrait donc être réduite à son "strict nécessaire". "30 jours c'est déjà trop et inutile. Une durée de rétention de 7 jours serait amplement suffisante et déjà traumatisante", objecte-t-elle. Le rapport du parlementaire Matthias Fekl s'inscrit dans la logique de consultation lancée par le gouvernement socialiste sur de très nombreux sujets. Mais si elle salue à travers ce document, la "restauration d'un dialogue" entre les associations et les pouvoirs publics, l'Ong elle rappelle toutefois "l'impératif de réformes immédiates et profondes", estimant que "l'apaisement ne doit pas être synonyme de frilosité".