Les deux Soudan retournent à la case de départ dans la normalisation de leurs relations après l'annonce par Khartoum de la suspension du transit de pétrole brut sud-soudanais dès dimanche sur instruction du président Omar El-Bachir. "M. El Bachir a donné des instructions au ministre du Pétrole pour qu'il stoppe le flux du pétrole sud-soudanais à partir de demain dimanche", a affirmé la radio Oum-Dourman. Moins de deux mois après la reprise du transit par le Soudan en avril, après une interruption de plus d'un an due à la montée des tensions entre les deux pays, en particulier autour du partage des recettes et du coût du transit, le Soudan met ses menaces à exécution. Le pétrole sud-soudanais (75% des réserves de pétrole lors de la partition en juillet 2011), avait recommencé à transiter le 7 mai, par la principale infrastructure pétrolière soudanaise à Heglig, point de départ de l'oléoduc qui court en 45 jours sur les 1.500 km jusqu'au terminal de Port-Saïd sur la Mer rouge. Le 27 mai, M. el Béchir avait menacé de fermer les oléoducs par lesquels le Soudan du Sud veut exporter son pétrole si Juba apportait un soutien aux rebelles luttant contre les forces du Soudan, en particulier dans les régions frontalières du Kordofan-Sud et du Nil Bleu. Sur le terrain, effectivement l'armée soudanaise subit des pertes. Deux membres de l'armée de l'air soudanaise sont morts jeudi dans l'accident de leur hélicoptère dans la région du Nil Bleu (sud), théâtre de combats depuis près de deux ans, avait annoncé l'armée. L'accident s'est produit une semaine après le crash d'un autre hélicoptère au Kordofan-Sud, une autre région frontalière du Soudan du Sud où les forces de Khartoum affrontent des rebelles depuis 2011. Les rebelles de la branche nord du Mouvement de libération des peuples du Soudan (SPLM-N), qui luttent contre l'armée au Nil Bleu et au Kordofan-Sud, ont affirmé avoir abattu l'appareil, même si la zone de Damazin est contrôlée par le pouvoir. Le 31 mai, le Front révolutionnaire soudanais, qui regroupe le SPLM-N et des rebelles du Darfour (ouest), avait annoncé avoir abattu un hélicoptère militaire au Kordofan-Sud. Par ailleurs et dans un communiqué, le Comité de suivi de l'accord de Doha sur la paix au Darfour avait désigné le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), principal groupe rebelle du Darfour, de Gibril Ibrahim, responsable de l'assassinat en mai de Mohamed Bachar et Arko Dahiya, deux chefs d'une petite faction dissidente du JEM, et a demandé que les meurtriers soient poursuivis en justice. Le groupe de Mohamed Bachar est devenu en avril le deuxième mouvement rebelle à rejoindre l'accord de paix signé au Qatar en juillet 2011 entre le gouvernement de Khartoum et une alliance de petits mouvements rebelles. Trois formations rebelles dont le JEM ont refusé de le signer. L'assassinat des deux responsables rebelles était "un acte prémédité, destiné à dissuader ceux qui veulent adhérer au processus de paix", engagé à Doha, avait indiqué le Comité, ajoutant que l'option militaire "ne règlerait pas le conflit" au Darfour. Juba, accusé par Khartoum de soutenir la rébellion, a toujours démenti toute implication dans les combats. Enfin, l'alliance de l'opposition soudanaise a une fois de plus annoncé samedi son projet de "renverser dans les 100 jours et de façon pacifique le régime" du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis plus de 20 ans. "Je m'attends à ce que le régime tombe avant 100 jours", a déclaré lors d'une conférence de presse Said Farouk Abou Issa, chef de l'alliance qui comprend une vingtaine de partis de l'opposition. Dans un premier temps, l'opposition compte organiser pendant un mois des réunions publiques et des manifestations de masse. En effet, vendredi, après la prière, la police soudanaise a fait usage de gaz lacrymogène contre 200 contestataires rassemblés près d'une mosquée d'Omdurman, ville jumelle de Khartoum, selon des témoins. "Le peuple veut la chute du régime !", ont scandé les manifestants, qui ont également dénoncé le prix élevé des denrées alimentaires, selon ces témoins. Le Soudan connaît depuis 2012 des manifestations sporadiques contre le régime d'Omar El-Bachir.